« Vous pensez peut-être connaître quelqu’un, mais il peut aussi être un inconnu. »
Quand on pense au cinéma indien, on pense vite aux clichés des films bollywoodien. Une grande histoire d’amour, des acteurs qui se mettent à danser et à chanter, des films qui durent trois heures. Bien évidemment, comme le cinéma américain qui ne se cantonne pas aux clichés hollywoodiens, le cinéma indien possède plusieurs facettes. Le terme Bollywood est lui-même un fragment de cette industrie, représentant le cinéma situé à Bombay et en langue hindie. Il y a en autre Tollywood, l’industrie en langue télougou devenue dernièrement célèbre avec le succès international de RRR. Mais outre toute la musique et les effets spéciaux exagérés, il y a aussi certains cinéastes indiens qui préfèrent avoir une approche réaliste.
Le plus reconnu est Satyajit Ray, qui a marqué l’histoire du cinéma de son pays avec des films comme La trilogie d’Apu, La Complainte du sentier ou bien Les Joueurs d’échec. Il peut avoir trouvé une héritière avec Payal Kapadia. Cette réalisatrice connaît des débuts explosifs, ayant remporté la Caméra d’or au Festival de Cannes 2021 avec son documentaire A Night of Knowing Nothing et, surtout, a marqué l’histoire du cinéma indien quand son deuxième film, All We Imagine as Light, a fait partie de la Sélection officielle du Festival de Cannes en 2024, une première depuis 30 ans, et y a remporté le Grand Prix.
Le film suit trois femmes : Prabha et Anu, deux infirmières colocataires, ainsi que Parvaty, une cuisinière, toutes les trois travaillant dans le même hôpital. Prabha est tourmentée par l’absence de son mari, résultat d’un mariage forcé et qui vit en Allemagne. Anu est amoureuse d’un jeune homme musulman, Parvaty subit des problèmes quand elle se voit expulser de son domicile.
À la lecture de ce pitch, on est très loin des paillettes et des numéros musicaux. Payal Kapadia donne une approche réaliste à son film, donnant un rythme lent et contemplatif. La première scène nous fait croire que le film est un documentaire, rappelant le précédent travail de la cinéaste. Elle gardera cet aspect naturaliste, pouvant ainsi parfaitement filmer ses personnages.
All We Imagine as Light met surtout en valeur la vie de ses protagonistes, notamment à travers leurs conditions de femmes. Prabha est coincée dans un mariage qui n’en est pas vraiment un, Anu cherche à tisser sa propre vie amoureuse contre la volonté de sa famille et Parvaty se voit ne plus être considérée comme une personne quand son défunt mari ne lui a laissé aucun document d’identification. Payal Kapadia raconte le quotidien compliqué, mais réaliste de ces femmes, le tout juxtaposé à un Mumbai nocturne loin de l’idée que l’on se fait de l’Inde.
Elle a aussi l’intelligence d’offrir une conclusion nuancée à ses trois protagonistes, étant toujours prise dans les carcans de la société où elles vivent, mais arrivant à trouver une forme de bonheur.
Néanmoins, contrairement aux deux autres, le personnage de Parvaty manque de développement, pouvant plus être considéré comme un personnage secondaire. C’est pourtant elle qui a l’histoire la plus intéressante, risquant de devenir une sans-abri à cause d’une erreur technique et commençant même à s’intéresser à des mouvements de protestation. La réalisatrice aurait pu lui donner plus de temps à l’écran.
All We Imagine as Light reste un très beau film. Un portrait de trois femmes qui cherchent à vivre comme elles le souhaitent, malgré le monde où elles vivent.
All we imagine as light est présenté au FNC les 14 et 20 octobre 2024.
Bande-annonce
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