Comme bien d’autres villes nord-américaines et européennes, Montréal fait face à la transformation sociale et économique qu’on nomme gentrification. Un phénomène complexe où tout n’est pas toujours noir ou blanc. Il y a d’une part tous ces locataires moins fortunés qui se voient expulsés de leurs logements des quartiers centraux, souvent de manière frauduleuse. Il y a ces hommes et ces femmes qui se battent pour que leur quartier ne devienne pas un nouveau Plateau Mont-Royal, déjà largement embourgeoisé. Mais il y a aussi ceux qui considèrent le phénomène sous son angle positif, qui parlent de revitalisation de quartiers à l’abandon. Et d’autres, des jeunes entrepreneurs, qui sont victimes de vandalisme et ne comprennent pas pourquoi on s’en prend à leur commerce.
En allant à la rencontre de Montréalais qui vivent la gentrification, qui la subissent ou qui en sont les acteurs, Quartiers sous tension de Carole Laganière dévoile différents visages du centre de Montréal et traite de l’impact de ces changements.
Ce que j’ai bien aimé dans le documentaire, c’est la diversité des points de vue. Les intervenants proviennent de différentes classes sociales et occupent des fonctions variées. On rencontre notamment Martin Blanchard du Comité logement de la Petite Patrie, Johanne Charbonneau, qui est sociologue, Christian Simard, le copropriétaire de la boutique Electrik Kidz qui a été vandalisée à l’hiver 2016, de même que plusieurs locataires et propriétaires qui vivent dans les quartiers concernés.
Chacun a son opinion sur la gentrification parce qu’il la vit, la subit ou la chérit. Et tout n’est pas mauvais dans la gentrification, mais le problème c’est que, trop souvent, ce sont les plus démunis qui sont oubliés, tassés. On veut les éliminer pour continuer d’améliorer les quartiers et leurs faibles revenus sont un frein pour les ambitions de certains propriétaires.
Certains autres voient la gentrification comme un plus dans leur vie. Le quartier est plus beau parce qu’on en prend soin, les familles affluent et, du coup, les rires des enfants fusent. On lutte contre le crime et la prostitution. Mais tout ce « beau » et ces changements amènent aussi, presque immanquablement, la hausse du prix des loyers.
D’autres encore prétendent qu’il est légitime de vouloir accéder à la propriété et que cela ne fait pas d’eux des êtres insensibles et individualistes. Et ce n’est pas faux. Mais si ceux qui ont fait du quartier ce qu’il est ne peuvent plus l’habiter et doivent trouver un logement dans un autre quartier, n’est-ce pas une injustice?
On montre bien que la mixité sociale n’est pas respectée et la supervision municipale est très laxiste. Si un propriétaire cherche à mettre des locataires à la porte, il est très facile pour lui d’aller chercher certains permis de rénovation (de type subdivision, par exemple). Et personne ne vient ensuite contrôler lesdites rénovations. Il peut ne rien avoir changé de ce qu’il avait annoncé et simplement relouer ses loyers beaucoup plus chers à d’autres locataires.
Ceux qui sont évincés, des personnes parfois moins éduquées qui ne connaissent pas les lois ou des personnes âgées, doivent dire adieu à des loyers qu’ils occupaient depuis parfois plusieurs années. Le stress et la pression qu’ils subissent occasionnent chez plusieurs des problèmes de santé.
Les quartiers touchés sont souvent, au départ, plus largement habités par des étudiants et des artistes. Ces derniers apportent leur touche, les rendent plus attrayants de par leur mode de vie, et la demande d’habitation devient alors croissante. Et émerge alors une quantité incroyable de condos de luxe.
Plusieurs personnes contribuent à ce phénomène parfois même inconsciemment. « Je suis moi-même d’une certaine façon une gentrificatrice, avouait la réalisatrice. Ce qui ne m’empêche pas d’éprouver un grand attachement envers les gens qui ont peuplé mon enfance et un grand désir qu’ils n’aient plus à se battre pour leur place au soleil. »
Des normes devraient être établies pour minimiser les impacts de la gentrification. Il faut travailler ensemble pour que des solutions émergent, pour que la gentrification ne soit pas sauvage et totale.
Quartiers sous tension de Carole Laganière est présenté le samedi 12 août à 21 h, à l’émission 1001 vies à Radio-Canada. C’est un documentaire qui fait réfléchir à nos habitudes de vie, à notre façon de percevoir notre environnement, notre ville et notre relation au voisinage.
Note : 7,5/10
Quartiers sous tension est accompagné du webdocumentaire Gentriville de Marie Sterlin et Emmanuelle Walter. Gentriville, c’est 7 quartiers à traverser, 25 états d’âme à éprouver, 40 fins différentes, 32 vidéos avec des chercheurs, des militants, des commerçants, des locataires, des propriétaires, des résidents. Et des plongées à Paris, Buenos Aires, Londres et Vancouver. Gentriville lève le voile sur la mécanique de la gentrification et suggère des solutions pour une ville à la fois vivante et inclusive.
Une expérience interactive à découvrir!
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