« Qu’est-ce qui est le plus important… L’argent? Ou ta vie? »
De nombreuses années après la guerre de territoire sanglante qui a inauguré une ère de paix précaire dans le monde souterrain de Hong Kong, la célèbre ville fortifiée de Kowloon sert de refuge fortifié et sans loi aux gangs et aux réfugiés. Mais lorsqu’un combattant clandestin talentueux se heurte au chef des triades le plus redouté de Hong Kong, une prime est placée sur sa tête malgré ses liens avec le chef de l’infâme enclave. Alors que ses poursuivants violent la trêve territoriale précaire pour assouvir leur vengeance, les retombées ravivent de vieilles rancunes, portant des décennies de tension à un point d’ébullition brutal et sanglant.
Le cinéma hongkongais a peut-être perdu de sa prestance au fil des années. N’empêche que plusieurs grands réalisateurs continuent d’émerger de la région. C’est notamment le cas de Soi Cheang. Ayant commencé sa carrière au début des années 2000, il se fera surtout connaître pour ses films d’action et ses thrillers, se taillant une place parmi les vétérans du milieu comme Tsui Hark, Johnnie To et John Woo, ainsi qu’avec les nouveaux cinéastes comme Wilson Yip (la saga Ip Man) et Dante Lam (Operation Red Sea).
Sa filmographie comporte notamment la trilogie des Monkey King, ses fonctions de producteur pour des films comme Paradox en 2017, I’m Livin’ It en 2019 ou The Sunny Side of the Street en 2022, tous ayant été nommés à des cérémonies de prix ou des festivals de films. Mais ses films les plus connus sont Accident en 2009, Limbo en 2021 et Mad Fate en 2023, tous les trois s’étant retrouvés dans les grands festivals (le premier à la Mostra de Venise et les deux autres à la Berlinale). Le réalisateur a cependant réussi cette année à faire le tour des trois plus grands festivals du monde lorsque son dernier film, Twilight of the Warriors: Walled In, a été présenté en séance de minuit lors du dernier Festival de Cannes, faisant aujourd’hui un détour au Festival Fantasia.
Le film adapte le roman de Yuyi City of Darkness. Le titre fait référence au surnom de la citadelle de Kowloon, un quartier d’Hong Kong maintenant détruit connu pour son architecture particulière composée d’un amalgame d’immeubles dont les rues sont allumées par les néons, pour sa grande densité de population (près de 1,9 million hab./km2 en 1987) et pour se forte criminalité. C’est d’ailleurs un gang qui est mis en avant dans Twilight of the Warriors : Walled In. Plus précisément un immigrant illégal qui se retrouve à vivre dans le quartier, mais dont la présence va bouleverser l’ordre des choses.
Soi Cheang a un gros projet entre les mains, qui avait failli être une collaboration entre John Woo et Johnnie To avec une distribution impressionnante contenant notamment Chow Yun-fat, Tony Leung, Anthony Wong et même Nicolas Cage. Le résultat n’en est pas moins fascinant.
La trame du film est très classique, mais amène un propos intéressant à propos de la relation entre le passé et le futur. Cela se voit dans le scénario, avec les vieux gangsters qui souhaitent donner leur place à la nouvelle génération, ou bien en traitant du futur d’Hong Kong avec la rétrocession et la future destruction de Kowloon. Une subtile manière de décrire la situation actuelle de la région.
Mais cette dualité entre l’ancien et le nouveau voit aussi à travers la façon dont le film a été fait, plus précisément dans la manière de retranscrire les arts martiaux. Soi Cheang fait interagir des acteurs vétérans comme Sammo Hung et Arron Kwok avec de jeunes comédiens qui arrivent à leur tenir tête. Il arrive aussi à mélanger le style acrobatique et parfois fantaisiste des films d’arts martiaux de la Shaw Brothers (le méchant utilise une technique similaire à celle du crapaud dans le The Five Deadly Venoms), la technicité des films des années 80 et 90, dont ceux avec Sammo Hung, ainsi que la brutalité et la modernité des films d’arts martiaux actuels. Cela donne un aspect unique aux scènes d’action du film, qui sont bien chorégraphiées, inventives et mettent en lumière toutes les caractéristiques des différents personnages du film. On sera quand même déconcerté par des moments plus exagérés où la physique est loin d’être respectée, mais on les accepte plutôt rapidement.
Avec Twilight of the Warriors : Walled In, Soi Cheang crée une sorte de film somme toute représentatif du cinéma hongkongais. Réunissant les grandes figures de ce cinéma tout en rendant hommage à tous les grands films qui ont passé avant lui. Il en résulte un film divertissant et épique qui démontre bien que des cinéastes comme Soi Cheang peuvent amener le cinéma hongkongais à un haut niveau.
Twilight of the Warriors : Walled In est présenté au Festival Fantasia, le 1er août 2024.
Bande-annonce
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