Passer de YouTube au cinéma, c’est compliqué. Dans la plupart des cas, les vidéastes se voient gérer leur projet de leur côté, ce qui signifie souvent un financement de leur côté, par exemple via des produits dérivés ou par campagne Kickstarter. Même dans ces cas-ci, leur film finit par connaitre une sortie confidentielle par leur chaîne ou directement en DVD. Comme dans le cas de l’Angry Video Game Nerd. Dans le pire des cas, leurs films ont le droit à une production de qualité, mais le résultat finit souvent par être mauvais, rejeté à la fois par la critique et par leur public. Logan Paul, Smosh et Norman Thavaud en ont fait les frais.
Mais des exceptions existent. Certains vidéastes ont non seulement le droit à une production adéquate pour leur vision, mais ils en résultent de bons films, des œuvres qui ne se basent pas sur leur image populaire, mais sur leur véritable vision artistique. Bo Burnham a fait Eight Grade, le Palmashow a connu le succès avec La folle histoire de Max & Léon ainsi que Les vedettes, les youtubeurs australiens RackaRacka ont réalisé l’an dernier Talk to me et François Descraques a pu porter son ambitieux projet du Visiteur du futur au cinéma.
Le chemin a été différent pour le vidéaste Chris Stuckmann. Le critique cinéma avait en effet signé pour réaliser ce long-métrage, qui se base en partie sur le phénomène internet The Paranormal Paranoids. S’il a en effet réalisé une campagne Kickstarter pour financer le projet, il a aussi pu compter sur le réalisateur Mike Flanagan (Doctor Sleep, The Haunting of Hill House, Midnight Mass) en tant que producteur exécutif. Il en résulte Shelby Oaks, qui a eu droit à sa grande première au Festival Fantasia 2024.
Le film suit Mia, dont sa sœur, une vidéaste spécialisée dans le paranormal, est portée disparue depuis des années lors d’une visite à Shelby Oaks, une mystérieuse ville fantôme. Mais lorsqu’un événement étrange survient, une nouvelle piste se dessine sur l’enquête et peut mener à un secret encore plus sinistre.
Pour sa première expérience sur un long-métrage, Chris Stuckmann s’est très bien débrouillé. Il sait mettre en scène des moments de grande tension, il peut se baser sur une direction de la photographie efficace et il sait diriger ses acteurs. Mais ce qui frappe le plus c’est son audace.
L’exemple le plus flagrant est le début du film. Il ne sera pas décrit ici afin de ne pas vous gâcher l’expérience et pour respecter les volontés du réalisateur, mais il a choisi une direction inattendue qui montre l’inventivité du jeune réalisateur. On voit bien ici son passif au sein de la culture internet, elle-même se basant sur la manipulation d’images dans un but narratif.
Mais comme la plupart des premiers films, tout n’est pas parfaitement maîtrisé. Certains moments horrifiques ne fonctionnent pas aussi bien, l’histoire peut se perdre à certains moments et le scénario devient parfois cliché et prévisible. Mis à part dans sa forme, le film reste assez classique et ressemble à bien d’autres films d’horreur qui sont passés avant lui. En même temps, on peut l’excuser du fait qu’il s’agisse d’un premier film et que des erreurs sont quand même normales dans ce cas.
Shelby Oaks est un bon pas en avant pour la future carrière de Chris Stuckmann dans le milieu cinématographique actuel. Même s’il a plusieurs défauts, il s’agit d’une première expérience pour lui, donc il en reste beaucoup pour se perfectionner. Pour quelqu’un qui a fait sa renommée à regarder et critiquer toutes sortes de films, il n’y a pas de doute qu’il a déjà plein d’idées pour l’avenir.
Shelby Oaks est présenté au Festival Fantasia, le 20 juillet 2024.
Bande-annonce
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