Cette année, 31 films concourent au sein de la catégorie « Courts métrages – Compétition : L’officielle », au festival du film d’animation d’Annecy qui débute aujourd’hui (du 9 au 15 juin 2024). Parmi ceux-ci, j’ai eu la chance d’en découvrir trois coproduits par l’Office National du Film du Canada : des courts audacieux, innovants et poétiques. En voici un aperçu.
Dans les années 1970, trois adolescentes rebelles, une mère qui ne tient pas en place, un père qui perd le compte de ses pommes de terre et, peut-être, des éléphants se retrouvent dans la bouillonnante Nairobi. La famille en sera changée à tout jamais.
La créatrice relate ses années d’enfance et d’adolescence auprès de ses parents et de ses deux sœurs dans les années 60 et 70 en Norvège, au sein de ce court-métrage assez autobiographique. Torill Kove se souvient de leur vie familiale, de leurs activités extra-scolaires, ainsi que des besoins parfois impromptus de sa mère. Celle-ci décide un jour de mettre un terme à leur routine quotidienne, lassée de ses habitudes et de son travail, pour s’installer en famille au Kenya.
L’enfance puis l’adolescence sont plutôt des moments de joies, de découvertes, d’expérimentations pour Torill et ses sœurs, qui découvrent un territoire inconnu. La créatrice évoque cependant « le nuage de sa mère » qui fait surface à plusieurs reprises, une virée en camping où ils se perdent sans que leurs parents s’inquiètent, ou encore le retour en Norvège au bout de trois années, qui se conclut par une nouvelle insatisfaction maternelle. Une enfance puis une adolescence heureuses, certes, avant que Torill et ses sœurs se retrouvent seules, leurs parents partis pour le Botswana. Quel est le rôle de la mémoire lorsqu’on devient adulte? Les souvenirs sont-ils falsifiés? La tristesse peut-elle se mêler au sentiment de joie? Toutes ces questions sont présentes au sein de ce court-métrage d’animation en 2D subtil, coloré et dynamique.
Titre original : Maybe Elephants / Kanskje det var elefanter
Durée : 16 minutes 43 s.
Année : 2024
Pays : Canada
Réalisatrice : Torill Kove
Scénario : Torill Kove
Note : 8,5/10
Ce court-métrage, également présenté aux Sommets du cinéma d’animation de Montréal cette année, évoque le destin tragique de la reine Marie-Anne d’Autriche, peinte en 1652 par Diego Velázquez.
La créatrice utilise avec brio l’ombre et la lumière, des bruits de pas ou de chuchotements, ou encore des fondus enchaînés afin de souligner le sentiment d’emprisonnement de la jeune femme, mariée à 14 ans à Philippe IV d’Espagne, son oncle alors âgé de 44 ans. Les enfants qui survivront ne seront pas aptes à régner : cette période conclura la dynastie des Habsbourg d’Espagne. Ce court-métrage montre le visage décomposé puis déformé de la jeune femme du tableau, entrecoupé d’images de nouveau-né. Le visage de Marie-Anne d’Autriche semble finalement enfin apaisé, alors que le musée où l’œuvre se trouve s’éteint progressivement.
Comment parvenir à survivre au sein d’un destin tout tracé, alors que le rôle des femmes était au service des hommes? Ce court-métrage assez pessimiste dépeint une réalité historique brutale, au cours d’une période où le bonheur semblait illusoire.
Titre original : Le tableau
Durée : 11 minutes 56 s.
Année : 2024
Pays : Canada
Réalisatrice : Michèle Lemieux
Scénario : Michèle Lemieux
Note : 8,5/10
Mettant en mouvement les poèmes et les dessins d’Henri Michaux, Misérable miracle nous propulse au-delà de la page, dans un monde fiévreux aux frontières du langage et de la perception.
Primé au Festival international d’animation d’Ottawa et présenté au sein de nombreux autres événements en 2024, Misérable Miracle prend appui sur le recueil de poèmes et de dessins homonymes d’Henri Michaux, paru en 1956. Durant cette période, l’auteur consomme de la mescaline. Le texte est lu et interprété par le comédien Denis Lavant. Des lettres dessinées à la main surgissent des petits personnages, puis des traits de couleurs. Le son et le mouvement semblent en symbiose, les formes et la langue sont transformées par le rythme des paroles. Des tourbillons d’encre surgit le terme « intolérable », tandis que des taches parsèment la feuille. Ce court-métrage est une ode à la poésie, aussi bien écrite, parlée, qu’exprimée par des formes et des dessins. Les sens sont en éveil, tandis que l’animation dessinée à la main sur papier, avec de l’encre et de la peinture, est une réussite.
Titre original : Misérable Miracle
Durée : 8 minutes
Année : 2023
Pays : France / Canada / Japon
Réalisateur : Ryo Orikasa
Scénario : Ryo Orikasa, librement adapté de Misérable Miracle d’Henri Michaux (1956)
Note : 8,5/10
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