« Do you remember the twenty-first night of September? »
[Te souviens-tu des 21 premières nuits de septembre?]
Dog vit à Manhattan et en a assez d’être seul. Un jour, il décide de se construire un robot, un compagnon. Leur amitié grandit, jusqu’à ce qu’ils deviennent inséparables, au rythme du New York City des années 1980. Un soir d’été, Dog, avec une grande tristesse, est contraint d’abandonner Robot à la plage. Se retrouveront-ils un jour?
Avec Robot Dreams, Pablo Berger nous livre un bijou d’animation éminemment charmant qui n’est pas cependant sans sa part de mélancolie.
Longtemps avant sa sortie dans les salles nord-américaines, Robot Dreams faisait déjà beaucoup parler de lui. Qui était ce mystérieux concurrent à la course des Academy Awards, sélectionné aux côtés de grands maîtres et franchises telles que Hayao Miyazaki, la série des Spider-verse et Pixar (que j’hésite presque à qualifier de « grand », étant donnée la piètre qualité de leurs dernières productions)? C’est cette curiosité qui m’a initialement attiré vers le film (qui n’a finalement pas remporté le prix tant convoité).
Bien que je crois fermement que Robot Dreams n’a jamais réellement fait le poids face aux béhémoths de l’animation contre qui il s’opposait, le petit bijou de Pablo Berger ne représente pas pour autant un effort moindre; il a seulement le « malheur » de ne pas avoir de prétentions, de savoir exactement ce qu’il est. Le réalisateur fait avec ce film le pari d’une petite histoire charmante et simple et mise davantage sur son ambiance ainsi qu’un excellent instinct cinématographique pour accomplir réussir.
Dès les premiers instants du film, il est aussi difficile de ne pas remarquer une forte contrainte que Berger s’est lui-même imposée au moment de raconter l’histoire : il s’agit d’un film « muet » qui, mis à part quelques extraits de musique en anglais, ne contient aucun dialogue. Cela représente à mon sens une excellente décision pour deux raisons : premièrement, le New York dont il est question n’est peuplé que d’animaux, et deuxièmement, cela permet au réalisateur de raconter une histoire qui, malgré le fait qu’elle se déroule à une place et époque très spécifique, est universelle. À ce sujet, et malgré le fait qu’il soit souvent facile d’avoir le réflexe de classer les films d’animation dans une dichotomie « film pour enfants/film pour adultes », il ne faut pas se laisser berner par l’allure mignonne et sans souci de son style d’animation : si Robot Dreams n’est pas nécessairement un film pour adultes à proprement parler, c’est principalement eux qui y trouveront leur compte. Le style insouciant de ses personnages laisse vite place à une histoire crève-cœur d’amitié et de séparation dans ce qui est au passage un grand hommage au New York des années 1980, que le réalisateur semble fortement porter dans son cœur.
Une autre chose qui saute vite aux yeux et que les grands pourront davantage apprécier est le nombre de références culturelles et cinématographiques qui s’offrent au spectateur voulant bien les remarquer. De la grande affiche du classique slapstick Yoyo de Pierre Étaix que Dog affiche fièrement sur le mur de son salon à un personnage portant fièrement une grosse chaîne d’or affichant le mot « MARS » (référence à She’s Gotta Have It de Spike Lee, autre grande référence du cinéma contre-culturel new-yorkais des années 1980), Pablo Berger n’a pas peur de porter ses influences cinématographiques fièrement, et malgré le fait que le film ne transpire pas à priori l’originalité artistique, il est facile de voir comment les multiples références ont influencé son réalisateur. En ce sens, Robot Dreams ne représente pas seulement une lettre d’amour à New York, mais plus précisément à l’énorme influence culturelle que cette période trouble eût artistiquement sur le reste du monde.
Somme toute, nous ne pouvons que nous réjouir du fait que Robot Dreams puisse avoir une certaine reconnaissance du reste du monde, et malgré le fait déplorable que ce film espagnol ait eu besoin d’une nomination aux Academy Awards pour se faire connaître, il n’en reste pas moins que beaucoup plus de gens pourront l’apprécier à sa juste valeur. Couplez cette véritable lettre d’amour regorgeant de charme et cette histoire tantôt comique, plus tard tragique à une excellente bande-sonore, un montage accrocheur et une multitude de gags anthropomorphiques (quelque chose dont je ne me lasse pas), et nous tenons un véritable bijou entre nos mains. Ne vous laissez cependant pas avoir par l’allure mignonne de son style visuel; si vous allez le voir au cinéma, n’oubliez surtout pas vos mouchoirs, vous en aurez besoin.
Bande-annonce
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