「なんで電話取らんかった? 」
« Pourquoi t’as pas répondu au téléphone? »
Traumatisée par l’infidélité de son père et la mort de sa mère, Mika (Ruka Matsuda – 松田るか) quitte l’île, seule. Depuis, elle n’est jamais revenue sur son île natale, mais un jour, elle est informée de l’état critique de son père et décide de rentrer chez elle. Les retrouvailles avec son père (Tadanobu Asano – 浅野忠信) sur son lit de mort lui rappellent d’heureux souvenirs de sa mère (Keiko Horiuchi – 堀内敬子) et lui fera découvrir qui était réellement son père.
Kanasando (かなさんどー), de Toshiyuki Teruya est une comédie humaine réconfortante qui fait sourire et pleurer, et qui illustre les liens qui s’estompent et se reforment. Et que le vrai bonheur est dans les petites choses de la vie.
Dans ce film, le réalisateur et scénariste mise sur l’idée que bien souvent, les enfants ne savent pas réellement les détails de la vie de leurs parents et, du coup, qu’ils ont tendance à les juger. Et bien que ce soit particulièrement vrai dans une société comme celle du Japon où le privé est très important, c’est aussi vrai en Occident. On peut penser à Eminem qui, pendant plusieurs années chantait que sa mère étaient une mauvaise mère pour, plusieurs années plus tard, chanter qu’en fait, il comprenait maintenant qu’elle avait fait de son mieux pour le protéger de son père qui était, finalement, l’écœurant dans l’histoire.
Mais revenons au film… L’intrigue mélange bien le drôle et le touchant pour montrer une réalité qui est finalement assez simple et répandue. Derrière l’image projetée, il y a une tout autre réalité. C’est difficile de bien expliquer comment ce concept s’illustre dans Kanasando sans donner de trop gros indices qui risqueraient de briser l’expérience du spectateur. Mais en alternant scène du présent et souvenir du passé de Mika, le réalisateur amène tranquillement le spectateur à comprendre que derrière les apparences, il y a parfois des situations beaucoup plus complexes qui nous sont impossibles à comprendre en tant que progéniture.
Ruka Matsuda et Tadanobu Asano offrent de grandes performances dans ce duo père-fille. Ce n’est pas évident de jouer ce genre de relation amour/haine, surtout lorsqu’un des deux personnages est, pour la majeure partie du film, dans un état de paralysie où seuls les yeux peuvent rendre l’émotion. Quant à Matsuda-san, elle passe de l’hystérie à la compassion, de la tristesse à la joie et de la colère à l’amour d’une façon juste et sans artifices.
Pour compléter une mise en scène simple, mais efficace, et le jeu des acteurs, on joue avec la lumière en passant de plans lumineux lorsque la mère et la fille sont ensemble, à des plans sombres lorsque le père est en présence de la fille à une image plus neutre lorsque les personnages ne sont pas ensemble.
Par exemple, dans la première partie du film, chaque fois que Mika est en présence de son père, on se retrouve dans un endroit sombre et petit, comme pour donner une impression de prison, alors que lorsque Mika est avec sa mère, on est dans une pièce plus aérée, avec une belle lumière qui les éclaire de façon à les rendre belles. Simple peut-être, mais efficace.
À travers cette histoire de famille, il y a les autres personnages, tout aussi importants, qui amènent un humour et un drame plus spécifique, qui pourraient ne pas être compris pour les gens qui ne connaissent pas la culture nippone. On peut penser, entre autres, à cette scène dans laquelle les employés du père se retrouvent à partager un repas avec la famille de Mika. Le groupe d’employés se retrouve à taquiner Mika en utilisant toute une série de formules de demande de pardon afin de la faire rire et pardonner à son père. Mais pour trouver cette scène drôle, il faut d’abord comprendre que ce genre de situation ne devrait pas se faire, et surtout pas de la façon dont elle est faite ici. Du coup, la situation devient comique.
Ainsi, entremêlant paysages d’Okinawa et chansons traditionnelles de l’île, Kanasando (かなさんどー) traite de la fin de vie, mettant en lumière l’ amour et la vision de la vie et de la mort de ceux qui partent et de ceux qui restent.
D’ailleurs, Kanasando est une chanson traditionnelle d’Okinawa dans laquelle une femme raconte son amour pour son homme, dans sa forme la plus pure. La chanson, qui est en dialecte okinawaïen – et sous-titré en japonais dans le film –, est chantée par Mika dans la scène finale du film avec pour résultat une magnifique scène, touchante et bouleversante.
Kanasando est présenté au TJFF, le 9 juin 2024.
Bande-annonce
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