« You guys really wanna hear it? Are you sure? »
[Vous voulez vraiment l’entendre? Vous êtes sûrs?]
Un médaillon est retiré d’une tour à incendie effondrée dans les bois. Enseveli sous les décombres, le cadavre en décomposition de Johnny (Ry Barrett), un esprit vengeur vieux de 60 ans, est ressuscité et devient déterminé à le récupérer.
Le cinéma et la télévision ont beaucoup changé depuis ces dernières décennies surtout au niveau de la distribution. En effet, il n’y a pas si longtemps, toutes les chaînes offraient une programmation hebdomadaire ou journalière d’émissions et de films divers pour le public, à visionner dans le confort de son foyer, sans que celui-ci n’est besoin de faire quoi que ce soit (sauf quand il fallait prévoir son horaire en conséquence ou enregistrer son émission favorite). Je ne veux pas faire mon vintage, mais au risque de paraître suranné, à mon avis c’était le bon temps; cette époque où il ne fallait pas s’abonner à 30 chaînes différentes pour avoir un gros ramassis de n’importe quoi qu’on ne regarde pas vraiment avec des annonces publicitaires impromptues (bon, ça ne change pas tant que ça. Au moins, c’était plus abordable?). Cependant, il n’y a pas que du mauvais, car grâce à l’avènement de l’internet et des chaînes payantes… En tout cas, la chute est la parution d’une nouveauté au cinéma, ce 31 Mai 2024, et qui sera sur la chaîne d’horreur Shudder plus tard cette année.
Après plusieurs années à faire des effets spéciaux et à réaliser des courts métrages en groupe, Chris Nash revêt pour la première fois le lourd manteau de l’écrivain/réalisateur en solo pour son film In A Violent Nature (peut-être étiez-vous à Sundance le 22 janvier dernier et avez pu y assister avant tous les autres *wink wink*). Un film dont la bande-annonce avait eu un effet monstre sur moi; alors que les messages des critiques en délire acclamaient l’unicité et le jamais vu dans son genre. La caméra suit une créature zombiesque qui avance d’un pas assuré dans les bois, massacrant tout sur son passage sans qu’on ne voie jamais le visage de l’assaillant. Une combinaison d’horreur et de violence qui semble vouloir la catharsis de ces émotions chez les spectateurs.
Je m’installai donc sur siège; gonflé à bloc (moi ça, pas le siège) et impatient d’être mis dans les bottines d’un tueur sordide. J’appelais déjà ce long métrage le Doom Eternal (preuve à l’appui) du cinéma d’horreur, car de toute évidence la bande-annonce ne pouvait pas mentir; je veux dire est-ce déjà arrivé que l’avant-goût d’un film puisse être trompeur? Épris d’une inextinguible soif de vivre une montée d’adrénaline après ces derniers mois plutôt tranquille de ce côté, je rongeais mes ongles d’impatience. Malheureusement, pour citer Doc Hayward, interprété par Warren Frost, dans Twin Peaks « Those grapes are right on the edge ». Une série que j’entrepris de réécouter sitôt In A Violent Nature terminé.
L’œuvre de monsieur Nash débute de manière extraordinaire avec un plan fixe dans la forêt qui ne montre rien en particulier; un peu comme un regard égaré dans le vide. Des voix de jeunes campeurs se font entendre, mais le plan ne fait qu’une légère translation pour montrer un petit collier doré accroché à dans une cabane toute pourrie. Une main téméraire vient s’en emparer, puis les pas du groupe s’éloignent. C’est ainsi que la chose endormie sous la terre et le feuillage émerge. D’un pas lourd et saccadé, le monstre baptisé Johnny, interprété par le remarquable Ry Barrett, avance dans les bois alors qu’on le suit dans sa quête autant incertaine qu’imminemment morbide.
La caméra le suit. Il marche, puis marche encore. On filme un gars qui marche dans le bois pendant une heure. Bien sûr, il lui arrive de croiser quelques passants insouciants dans sa promenade (tant pis pour eux) qui regretteront tous amèrement leur rencontre, mais outre les effets pratiques à couper le souffle, une lenteur s’installe insidieusement et certainement alors que les campeurs se voient attribuer davantage de temps d’écran pour dialoguer entre eux; échangent dont on pourrait royalement se passer (surtout quand le monstre est là, à deux pas, et les écoute parler, mon Dieu quelle horreur…) .
Le monstre joue avec ses victimes en activant des klaxons de voitures, ou en prenant beaucoup trop – mais alors là, beaucoup trop – de temps pour tuer; au point que même si la production est légendaire dans cette violence, elle reste fade et inutile dans la totalité de l’œuvre. On s’attarde beaucoup autour de l’histoire d’un enfant tué par accident et du drame familial pas vraiment impressionnant… On parle énormément pour un film d’horreur, point (la fin c’est littéralement 10 minutes de dialogue dans une voiture et une fausse peur). Le clou final dans le cercueil reste selon moi l’absence quasi totale de trame sonore manquant grandement pour créer une immersion poignante. Oui, le silence est important, mais au risque de devenir drabe pour ceux qui maîtrisent difficilement la subtilité de cet art.
Finalement, In A Violent Nature se perd en chemin, comme la nunuche dans un slasher; elle court, elle tombe, s’écorche avec à peu près tout, et même avec le pied pris dans un piège à ours, elle trouve le moyen de rester sexy malgré tout (le sens des priorités, tsé). On promet au public un film où il pourra suivre l’évolution et les déambulations d’un être de pure violence, mais ce n’est pas le cas. Tout s’étend en longueur – les discours, les scènes, les plans et même les meurtres – espérant que l’angoisse gagne son spectorat. Malheureusement, tout cet espoir vole en éclat au moment où le méchant Johnny joue avec une petite voiture rouge accrochée à un porte-clés (j’appose ma main sur mon front et baisse les yeux).
Horreur; étendard de la psychologie humaine au cinéma… que t’ont-ils fait? (Dramatique n’est-ce pas? 😂) Qu’est-il advenu du temps où ces œuvres témoignaient de nos terreurs les plus profondes, celles que l’on cache même à soi? Lors de mon parcours académique, on m’a appris qu’il n’y a pas que les théoriciens du cinéma qui réfléchissent aux significations cachées dans les films, mais celles et ceux qui les font aussi. Je suis d’accord pour dire que plusieurs productions cinématographiques peuvent être vaines et vides de sens. Toutefois, le sont-elles toutes pour autant?
Ce film est un signe qu’il faille réécouter les classiques de l’horreur et comprendre pourquoi ceux-là parmi tous les autres ont su surmonter le test du temps (pas la franchise, mais bien l’œuvre elle-même). Ça ne prendra pas beaucoup de temps pour se rendre compte que chacun d’entre eux sont des films qui se sont avancés là où les autres n’osaient aller; c’est-à-dire au-delà du premier degré. Bravo pour le visuel. Pour ce qui est du reste, la créature avait plus d’âme que le film dans lequel elle était. Les autres acteurs n’étaient tout simplement pas de taille. Désolé. Dans un film d’horreur, il faut jouer le nono; mais il ne faut pas jouer le nono dans un film d’horreur! Vous me suivez?
Je vous laisse sur ce qui m’a trotté en tête après mon visionnement et je vous dis à bientôt!
Bande-annonce
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