« — I’m here about your sister.
— Yeah, which one?
— Charlotte. »
[— Je suis ici à propos de ta soeur.
— Ah oui, laquelle?
— Charlotte.]
Travis Hurley (Simon Baker), un détective, arrive dans la ville isolée de Limbo, dans l’arrière-pays, pour enquêter sur le meurtre d’une jeune fille autochtone locale, Charlotte Hayes, assassinée 20 ans plus tôt.
Alors que la vérité commence à se dévoiler sur les événements du meurtre, le détective obtient un nouvel aperçu de l’affaire non résolue grâce à la famille, aux témoins et aux entretiens avec le frère du principal suspect.
Avec Limbo, Ivan Sen offre un film noir atypique, amenant le spectateur aux confins de l’Outback australien. Un film visuellement incroyable.
Il y a un lien d’amour fort entre le film noir et le noir et blanc à l’écran. Avec Limbo, ces deux éléments se lient à merveille pour créer une ambiance forte, propice au scénario.
Le noir et blanc mise beaucoup sur le contraste, et le réalisateur l’utilise habilement à tous les niveaux. Les paysages sont aussi beaux qu’ils sont arides, alors que le contraste entre ces deux notions compose la trame de fond du film. La beauté est aussi dans l’effort que met Travis à tenter de résoudre le meurtre de la jeune aborigène, malgré son apparent je-m’en-foutisme.
Il y a aussi, évidemment, la couleur de la peau qui diffère entre les blancs et les aborigènes. Le réalisateur traite ainsi du racisme, sans pour autant en faire une notion longuement développée. On comprend assez rapidement que ce meurtre avait été mis au rancard par la police par pur racisme, à l’époque. Du coup, Sen navigue dans les sentiments, et surtout les ressentiments, afin de dresser un portrait tout de même réaliste de la situation raciale en Australie.
Ce contraste est finalement mis en lumière (oui, oui, c’est un jeu de mots poche) par la grande luminosité des scènes extérieures offrant des images très « blanches », à la pénombre des scènes intérieures qui se déroulent dans des maisons troglodytes, typique de la ville où le film a été tournée : Coober Pedy. Fait intéressant, ce nom provient du terme aborigène Kupa piti, qui signifierait « le trou de l’homme blanc ». Et pour ceux qui se demandent d’où vient ce nom, il suffit de regarder des images prises en hauteur (ce que je n’ai pas, malheureusement) pour voir de gros et moins gros trous qui ont été faits dans le sol pour y extraire de la matière. Ces trous n’ont clairement jamais été bouchés.
Limbo est marquant sur un autre point, et un fait assez rare en fiction. Il n’y a pas de musique. Tout se joue au niveau de la prise de son, des voix et des silences. Cela crée un film très lent, mais qui amène le spectateur à se concentrer sur ce qui se passe à l’écran. Du coup, il ne faut pas regarder ce film si on tombe de sommeil. Son rythme lent et son manque d’action (ce qui n’est pas du tout négatif) rendent ce long métrage un peu difficile pour le commun des mortels. Mais c’est aussi ce qui le distingue.
Les films d’enquêtes sont souvent aussi des films d’action, des œuvres où la vitesse remplace souvent la profondeur. Mais ici, la profondeur est au centre du récit, puisque non seulement Travis doit creuser afin de faire sortir la vérité, mais la question qui hante le spectateur d’un bout à l’autre du récit est de savoir si les profonds trous qu’on trouve sur tout le territoire auront eu un rôle dans l’histoire.
Ainsi, le réalisateur réussit à jouer avec les longueurs afin d’en faire des éléments narratifs et des éléments de l’enquête au centre du récit. Et, avec le noir et blanc et les accents différents de chaque personnage, cette opacité se gonfle pour envouter celui qui est devant l’écran.
Ivan Sen a conçu un film qui s’inscrit dans la tradition des drames mystérieux des années 1960, dans le style de To Kill a Mocking Bird, incarnant un contrôle et une retenue mesurés pour permettre aux idées d’évoluer, d’être ressentie et comprise par le public.
Ainsi, Limbo est une belle méditation, simple, poignante et profonde sur la complexité de la perte et l’impact du système judiciaire sur les familles aborigènes d’Australie.
Un film qui mérite d’être vu pour les multiples raisons énumérées précédemment.
Bande-annonce
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