Nouvelle-Angleterre, XIXe siècle. Dans son pensionnat de jeunes filles de bonne famille, la jeune Emily Dickinson ne cesse de se rebeller contre les discours évangéliques qui y sont professés. Son père se voit contraint de la ramener au domicile familial, pour le plus grand bonheur de sa sœur Vinnie et de son frère Austin. Passionnée de poésie, Emily écrit nuit et jour dans l’espoir d’être publiée. Les années passent, Emily poursuit sa recherche de la quintessence poétique. La rencontre avec une jeune mondaine indépendante et réfractaire aux conventions sociales ravive sa rébellion. Dès lors, elle n’hésite plus à s’opposer à quiconque voudrait lui dicter sa conduite. Personnage mystérieux devenu mythique, Emily Dickinson est considérée comme l’un des plus grands poètes américains.
Ce qui m’a tout de suite frappée dans Emily Dickinson: A Quiet Passion de Terence Davies, c’est son aspect très théâtral. Tout d’abord, de nombreux plans fixes donnent une certaine profondeur aux scènes de dialogue notamment. Ces scènes étendues ressemblent à des tableaux du XIXe siècle, avec le côté floral et jardinier, les parapluies des femmes aux grandes robes. Pour tous ceux qui aiment l’art en général, ce film allie références visuelles picturales, historiques et poétiques. Tourné en Belgique puis à Amherst dans l’ancienne maison des Dickinson, la scénographie de la maison d’époque nous positionne tout de suite dans le vif du sujet. Enfin, les plans de nature ont été tournés dans des lieux préservés du Massachusetts.
L’autre aspect théâtral réside dans une sorte de découpage des scènes qui permet de mettre en évidence la source d’inspiration de la poétesse pour ses œuvres. Une dispute, une déception, peu importe quelle situation, tout est source d’inspiration pour l’artiste. Tout est toujours très posé et mesuré, un peu comme au théâtre, qui est la première expérience de jeu de Cynthia Nixon qui joue le premier rôle du long-métrage. Entendre la lecture des œuvres ensuite leur ajoute une profondeur exquise.
Bien que j’aie trouvé les 30 premières minutes relativement longues, les coups de gueule et les révoltes d’Emily Dickinson sont venus ponctuer au fur et à mesure le rythme du film. En dehors des clichés féministes traditionnels, on se rend compte que l’artiste avait déjà une pensée avant-gardiste : contre l’esclavagisme, contre le cléricalisme à outrance, et surtout contre la 2e place souvent réservée aux femmes. Elle ne veut pas être considérée comme une femme parmi les autres, elle veut être vue d’égale à égal. Perfectionniste également, ce n’est pas pour rien qu’elle se consacre à l’écriture jour et nuit, arriver en 2e place d’un concours de boulangerie ne la satisfait absolument pas, alors que tout amateur s’en contenterait.
Malgré cela, son ouverture d’esprit ne frôle pas la frivolité, elle est cinglante avec un de ses uniques prétendants et l’est tout autant envers son frère qui s’adonne à l’adultère. Alors, la définition de son anticonformisme se traduit davantage par une opposition aux règles établies qui prônent l’injustice plutôt que par une absence de règles tout court.
Quand on pense Emily Dickinson, on imagine un portrait fade, triste et ennuyant. Le point de vue du réalisateur d’Emily Dickinson: A Quiet Passion est tout autre et fera changer votre regard. Malgré ses révoltes, sa maladie, les regards qui l’entourent, elle ne manque pas une occasion de sourire ou même de rire et de profiter de sa famille dont elle est proche.
Je finirai par une citation de Terence Davies : « Emily Dickinson n’a été reconnue qu’à titre posthume et je trouve cela profondément injuste. Je me demande toujours comment les grands artistes supportent cet état de fait. En tout cas, elle mérite d’être célébrée à jamais. »
Note : 7,5/10
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