« — Mais ça, c’était la première rue de Malartic… Une des premières parce que la canadienne était au boute là, fait que ils l’ont…
— C’était tout droit.
— Tout droit… »
Révélant les promesses trahies d’un mégaprojet de mine d’or à ciel ouvert, Malartic plonge au cœur du pouvoir et pose la question de la gestion de notre territoire.
Si une compagnie minière offre des compensations à des citoyens pour justifier de raser une partie de leur ville tout en promettant de rendre à la ville ce qui lui revient, on doit la croire? Dans la peur d’être rayé de la carte, c’est l’évidence même d’accepter sans trop poser de questions. La minorité oppressée est toujours bruyante et c’est ce bruit qui dérange; l’irritation est telle que l’on finit par préférer le bruit des explosions. Le silence est d’or dit-on, mais quelle est la réelle valeur d’une bonne nuit de sommeil?
Pour le réalisateur Nicolas Paquet, il n’est pas question de faire des analogies dans la construction de son documentaire complexe sur l’industrie minière dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue. Le film Malartic survole et plonge au cœur du gouffre que crée une des plus grandes mines d’or à ciel ouvert au Canada dans la vie des habitants de la petite ville d’à peine 3500 habitants. Une situation alarmante qui enterre les cris des citoyennes et citoyens de Malartic sous les sons tonitruants des détonations des forages miniers. On déplace et démolit autour de 200 logements; on fait des plaintes; on remet des amendes très salées pour le bruit et la pollution, mais jamais incapacitantes pour la compagnie minière. Après tout, comment l’argent peut-être utilisé comme punition pour une industrie de plusieurs milliards de dollars?
À la minute 48 commence un plan large de la ville de Malartic en travelling nous montrant à gauche les habitations et tranquillement se dévoile à la droite l’imposante cicatrice grise. Près de deux minutes de ce spectacle sans interruption… rarement ai-je vu quelque chose d’aussi angoissant, préoccupant, mais surtout horrifiant.
Pour les citoyens de Malartic, la réalité est la suivante : les conditions qu’ils allaient endurer — et qu’ils ont endurées — étaient dans la condition intrinsèque que la ville saurait aussi profiter de l’exploitation des richesses des « matières précieuses » qui l’entourait. Pour ceux et celles qui habitent la région, c’était la promesse du renouveau de l’abondance qui avait fait naître cette dernière au début des années 30 du siècle dernier. Malheureusement, depuis le début de cette nouvelle entreprise minière les commerces ne cessent de fermer, la population est en déclin et les conditions nécessaires à leur survie s’amoindrissent.
Le documentaire ne montre pas seulement une dichotomie dans le paysage déchiré, mais aussi une qui soit économique. Nicolas raconte qu’il filmait la mine en survol et que dans son sillage la caméra avait capté les images d’un individu en train de fouiller dans les poubelles du village de Malartic. Comment est-ce possible que dans une ville de 3362 habitants (recensement 2022), à moins de 500 mètres d’une mine d’or, qu’on puisse voir des êtres laissés à eux même dans la pauvreté la plus totale?
Peut-être que le sujet va au-delà d’une simple réponse chiffrée et mathématique. Faute de pouvoir vous donner une réponse, je vous invite à vous faire une idée par vous-mêmes.
Malartic est présenté aux RVQC le 28 février 2024 et sortira en salles au printemps.
Bande-annonce
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