J’en avais présenté 10 l’année dernière, et mon collègue Orian en a présenté 12 autres de son côté. Mais bon, voilà, l’histoire du cinéma regorge de films avortés, donc on a de quoi écrire des dizaines d’articles sur le sujet.
Mais en apprendre plus sur les films qui auraient pu exister est un exercice intéressant. Non seulement on en apprend plus sur l’industrie et les différents détails qui peuvent décider si un film sort ou non, mais ça nous laisse aussi imaginer les alternatives. Est-ce que le Dune d’Alejandro Jodowrosky aurait influencé le cinéma de science-fiction, est-ce que Tim Burton aurait eu une meilleure carrière s’il avait pu faire Superman Lives ou est-ce que les films Marvel auraient eu un autre visage si James Cameron avait partie la mode avec sa version de Spider-Man. Ça nous laisse de la place pour notre imagination. Explorant donc plus d’histoires de films qui auraient pu exister, frappés par des conflits entre l’art et l’industrie, de la grosse malchance ou des problèmes juridiques.
Parce que j’ai beaucoup de choses à dire et que je souhaite parler de 15 films, cet article sera divisé en trois parties.
Joe Dante est un réalisateur qui n’a pas eu la meilleure chance dans sa carrière. Outre certains de ses projets les plus ambitieux qui ont été annulés, notamment un film Batman, un film sur Roger Corman ou une adaptation du cartoon Les Jetsons, même ses films qui sont sortis n’ont pas connu de grands succès, mis à part le premier Gremlins, les longs-métrages qui l’ont suivi n’ont pas rencontré un grand succès, surtout ses œuvres les plus intéressantes comme Explorers, Innerspace et Gremlins 2. Le moment le plus dur de sa carrière étant certainement la production de Looney Tunes : Back in Action, dans lequel il a connu beaucoup d’ingérences de la part de Warner Bros., pour un résultat des plus mitigés. C’est d’autant plus dommage qu’il devait à la base réalisée au milieu des années 90 un meilleur hommage aux cartoons de son enfance : Termite Terrace.
Ce n’est pas le nom d’un obscur personnage de dessins animés, mais bien le surnom du Leon Schlesinger Productions studio, un bâtiment au sein des studios Warner Bros où sont nés la grande majorité des personnages de Looney Tunes. C’est là que des grands noms de l’animation ont travaillé, comme Bob Clampett, Tex Avery, ou bien le légendaire Chuck Jones, créateur notamment de Bip Bip et Coyote. Le film aurait porté son point de vue et aurait été un aperçu de sa carrière dans les studios, avec en toile de fond la création de personnages comme Bugs Bunny.
Le scénario du film aurait été signé Charlie Haas, qui avait déjà travaillé avec Dante sur Gremlins 2. L’histoire du film aurait été pas mal modifiée, avec certains noms qui auraient été changés, des personnages qui furent fusionnées en un et des portraits exagérés de certains animateurs. Cependant, il aurait été un bon aperçu du milieu de l’animation dans l’âge d’or d’Hollywood. Le film aurait aussi été un grand hommage à Chuck Jones, un grand ami et idole de Joe Dante. Le script plaisait aussi à de nombreuses personnes, particulièrement à Steven Spielberg.
Cependant, Warner Bros était moins enthousiaste envers le projet. En effet, puisque le studio possédait les personnages, c’était à lui de décider si le film devrait se faire ou non. Malheureusement, Warner Bros était plus intéressé que par le passé par ses personnages légendaires qu’au futur de ces derniers. Et ce futur, il allait se faire en 1996 avec la participation de Michael Jordan et s’appelait Space Jam.
Possibilité de Renaissance : 10%. D’un côté, il n’est pas impossible que quelqu’un s’intéresse à transposer l’histoire de Termite Terrace en film. De l’autre, Joe Dante n’a plus la même côte qu’avant et Warner Bros se fout totalement des personnages qui ont fait sa légende. Il n’y a qu’à voir Space Jam 2 et l’annulation du film Coyote vs. Acme.
Astérix est l’une des plus grandes bandes dessinées franco-belges à avoir existé. Il est donc normal que plusieurs grands noms du cinéma souhaitent adapter les aventures de l’irréductible gaulois. C’était notamment le cas du comédien Gérard Jugnot qui souhaitait réaliser le film Astérix en Hispania.
Il n’est pas le seul à avoir de l’intérêt pour le personnage. Cependant, aujourd’hui, porter Astrix à l’écran ressemble plus à un marchandage au marché. En effet, depuis des années, de nombreux producteurs proposent leur projet à Anne Goscinny et aux Éditions Albert René dans l’espoir d’obtenir les droits. C’est notamment ainsi qu’une adaptation du Tour de Gaule d’Astérix scénarisé par Éric Toledano et Olivier Nakache (Intouchables) et réalisé par Christophe Barratier (Les choristes) a été mis de côté parce que Albert Uzerdo préférait le projet de Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté. Et Astérix en Hispania était à la base de tout ça.
Gérard Jugnot souhaitait en effet adapter le quatorzième album d’Astérix, dans lequel lui, Obélix et Idéfix se rendent en Hispanie, l’actuelle Espagne. Mais avec ce film, Gérard Jugnot voulait surtout réunir les membres de la troupe du Splendid, le groupe de comédiens composé de Jugnot, Christian Clavier Thierry Lhermitte, Michel Blanc, Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel et Bruno Moynot. C’est à eux que l’on doit les films Les Bronzés ainsi que Le Père Noël est une ordure. Cet Astérix aurait vu le retour de Clavier dans le rôle titre, accompagnée de Gérard Depardieu (pas le meilleur moment de le mentionner, je sais) en Obélix, ainsi que Thierry Lhermitte en Assurancetourix et Michel Blanc en Jules César. Le film aurait été co-scénarisé par le collaborateur de Jugnot, Philippe Lopes-Curval, et produit par Claude Berri, qui était déjà derrière les derniers films Astérix.
Cependant, Albert Uderzo était contre le film. Cela est en partie à cause du fait qu’un nouveau film Astérix était déjà en préparation sans que de nouveaux contrats aient été signés. C’était d’autant plus malaisant lors du Marché du film de Cannes en 2003, alors que Berri et Jugnot tentaient de vendre leur film alors qu’Uderzo présentait le film d’animation Astérix et les Vikings. Mais la véritable raison, c’est que le dessinateur d’Astérix n’avait pas apprécié le précédent film live Mission Cléopâtre, jugeant que le réalisateur Alain Chabat s’éloignait trop de l’esprit de la BD. Il pensait que Jugnot allait faire de même. Le projet est donc abandonné, Christian Clavier quitte le rôle d’Astérix par respect pour son ami et le Splendid finit par se réunir avec Les Bronzés 3. Le film Astérix suivant fut Astérix aux Jeux olympiques en 2008, qui obtient l’accord d’Uderzo.
Possibilité de renaissance : 10%. Anne Goscinny a affirmé que le modèle de Mission Cléopâtre allait devenir le modèle à suivre. Et malgré les mauvaises critiques du récent Empire du milieu, Astérix va continuer de vivre sur grand écran, sûrement avec une nouvelle équipe derrière la caméra. Par contre, la troupe du Splendid ne devrait pas être de la partie, chacun ayant passé à autre chose et étant certainement trop vieux.
DC Comics n’a pas toujours eu de la chance pour adapter ses super-héros au grand écran. Si on peut le voir avec tous les plans chamboulés du DCEU, il ne faut pas oublier que Darren Aronofsky voulait transposer la série Batman : Year One de Frank Miller, le projet avorté Superman Lives qui hante encore Tim Burton aujourd’hui ou encore le film Wonder Woman signé Joss Whedon. Celui dont j’ai choisi de vous parler est Justice League : Mortal, réalisé par le créateur des films Mad Max, George Miller.
Le film aurait suivi la formation de l’équipe de super-héros, composée ici de Batman, Superman, Wonder Woman, Flash, Aquaman, Green Lantern version John Stewart et Martian Manhunter. Ils auraient fait face à Maxwell Lord, qui aurait percé les faiblesses des héros et aurait utilisé ses pouvoirs psychiques pour détruire la Justice League et provoquer une guerre planétaire, tout en boostant les produits commerciaux super héroïques qu’il a fabriqués.
Outre le scénario intriguant, écrit par le couple Kieran et Michele Mulroney, qui s’inspire de grandes histoires de l’univers DC comme la série Tower of Babel (qui a été adapté en animation en 2012 avec le film Justice League : Doom), George Miller souhaitait prendre des acteurs plus jeunes et inconnus dans les rôles principaux afin qu’ils puissent évoluer s’ils font des suites. La distribution était composée de D.J. Cotrona (les films Shazam) en Superman, Armie Hammer (Call Me by Your Name) en Batman, Megan Gale (Mad Max : Fury Road) en Wonder Woman, Adam Brody (The O.C.) en Flash, le rappeur Common en Green Lantern version John Stewart, Santiago Cabrera (Merlin) en Aquaman et Hugh Keays-Byrne (Mad Max) en Martian Manhunter. Il y a aussi la présence de Jay Baruchel et Teresa Palmer respectivement dans les rôles des antagonistes Maxwell Lord et Talia Al Ghul, ainsi que le regretté Anton Yelchin. Avec Miller derrière la caméra, le projet avec un potentiel.
Ce seront trois choses qui viendront à bout de Justice League : Mortal. Un, la grève des scénaristes de 2007, qui empêcha un travail de finition sur le script, ce qui retarda la production. Deux, des soucis avec les lieux de tournage. En tant que natif, George Miller souhaitait tourner en Australie. Cependant, Warner Bros. entra en conflit avec la Australian Film Commission concernant une réduction de taxes refusée en raison que pas assez d’acteurs australiens étaient engagés. Ça a encore retardé le tournage, cette fois délocalisé au Canada au grand dam du réalisateur. Trois, le succès record de The Dark Knight de Christopher Nolan. Il a influencé la voie de Warner Bros. pour les adaptations DC, souhaitant privilégier les suites et les films solo au détriment d’un film sur une équipe, ce qui annula Justice League Mortal. La suite, on la connaît. Le MCU est un gigantesque succès et DC souhaite faire pareil, ce qui amena à un film Justice League, en 2017, au succès mitigé, ainsi que la fameuse Snyder Cut de 2021.
Possibilité de renaissance : 0%. Warner Bros. a fait sa propre version de Justice League ainsi que son propre univers étendu. Mais le succès n’était pas au rendez-vous et le DCEU a finalement été délaissé. James Gunn a finalement repris les rênes du nouveau DC Universe avec le premier chapitre, Gods and Monsters, qui devrait commencer en 2025 avec la sortie de Superman Legacy. George Miller est passé à autre chose de son côté, remettant au goût du jour sa saga Mad Max, avec le spin-off Furiosa qui arrive cette année. On peut cependant noter que James Gunn reprend l’idée de Miller de caster des acteurs moins connus, en occurrence David Corenswet dans le rôle de Superman.
Christophe Gans est un réalisateur à part dans le paysage cinématographique français. Avec des films comme Crying Freeman, Silent Hill et, surtout, Le Pacte des Loups, il a non seulement démontré qu’il était un cinéaste très influencé par la pop culture, mais aussi un artiste avec beaucoup d’ambitions et des envies de grand cinéma. Cependant, ces envies lui valurent souvent d’abandonner de nombreux projets de films, à l’instar d’un Guillermo del Toro, très proche des ambitions et des passions de Gans. Parmi ces films avortés, on retrouve Nemo, un préquel de 20 000 lieues sous les mers, un remake de Fantômas, et des adaptations comme Patlabor, Rahan, Bob Morane et son projet le plus récent, Corto Maltese.
Créée par le bédéiste italien Hugo Pratt en 1967, la série Corto Maltese suit le personnage titre, un marin maltais qui voyage à travers le monde et vit de nombreuses aventures. La particularité de la série est que le personnage est intégré dans de véritables événements historiques. La série est vite devenue culte et a rencontré un grand succès international. Il y a même eu un film d’animation sorti en 2002, intitulé Corto Maltese, la cour secrète des arcanes, qui adapte l’album Corto Maltese en Sibérie, où le personnage se retrouve impliqué dans les guerres civiles en Asie.
C’est cet album que Christophe Gans souhaite adapté. Il avait annoncé le projet en 2018, avec à la production son collaborateur de longue date Samuel Hadida et sa boîte Metropolitan Film Export. Le casting avait aussi déjà été annoncé, avec l’acteur anglais Tom Hughes dans le rôle-titre, ainsi que l’acteur suisse James Thierrée dans le rôle de Raspoutine, le partenaire du marin. Il y avait également au casting Milla Jovovich, Michelle Yeoh et Mark Dacascos. Une première affiche a également été teasée et devait commencer à être tourné en 2019.
Mais ce sera cette même année que l’artiste François Béranger, qui a réalisé des concepts d’arts pour le film, annonce sur les réseaux sociaux que le film est annulé pour « d’obscures raisons juridiques ». Ces raisons sont certainement dues à la mort de Samuel Hadida en novembre 2018 et au fait que Metropolitan Film export s’est retrouvé en pleine réorganisation suite au décès de son fondateur. Christophe Gans a d’ailleurs grandement participé au remaniement de la boîte. Le réalisateur fera finalement son possible retour en 2024 avec Return to Silent Hill, la suite de l’adaptation vidéoludique qu’il avait réalisé en 2006.
Possibilité de renaissance : 50%. Return to Silent Hill marque le retour de Christophe Gans à la réalisation, 10 ans après son dernier film, La Belle et la Bête. Si le succès est au rendez-vous, rien n’empêche à ce qu’il ressuscite Corto Maltese. Ça reste encore de la supposition.
Quentin Tarantino est l’un des cinéastes modernes les plus acclamés au monde. Chaque sortie de ses films est un véritable événement et son prochain ne sera pas l’exception à la règle. En effet, son prochain projet, The Movie Critic, sera probablement son dernier film, le cinéaste ayant annoncé prendre sa retraite après son dixième long-métrage. Cette fin de carrière permet de nous rappeler tous les projets que Tarantino souhaitait faire. Si une grande majorité d’entre eux était liée aux précédents films du réalisateur (Kill Bill Vol. 3, un spin-off d’Inglourious Basterds ou un crossover entre Reservoir Dogs et Pulp Fiction), d’autres projets étaient des adaptations. Pour un cinéaste connu pour ses scénarios originaux, ça aurait été plutôt intéressant à voir, surtout si ces adaptations venaient de ce que Tarantino aime, comme une version R-Rated de Star Trek, un film basé sur le super-héros de Marvel Luke Cage, ou bien le film choisi, un remake d’un giallo italien.
Sorti en 1977, Sette note in nero (Seven notes in black), plus connu aux États-Unis sous le nom The Psychic, est un giallo italien réalisé par Lucio Fulci. Ce dernier est, avec Dario Argento et Mario Bava, l’un des grands réalisateurs du genre, en plus d’avoir laissé sa marque avec ses films d’horreurs. Le plus connu d’entre eux étant Zombi 2, sorti en 1979. Dans The Psychic, on suit l’histoire d’une femme ayant des visions prémonitoires. Elle découvre un jour un squelette caché dans l’appartement de son mari. Elle va enquêter sur la provenance de ce cadavre.
Il s’agit d’un des films préférés du réalisateur. Il avait même pris la liberté d’utiliser la bande sonore du film dans Kill Bill Vol. 2. L’hommage aurait pu aller encore plus loin en réalisant sa propre version du film, sur laquelle il commence à se pencher après la sortie de Jackie Brown. D’ailleurs le succès du film lui permettrait d’avoir plus de libertés. Il pense aussi à prendre Bridget Fonda, déjà au casting de Jackie Brown, dans le rôle principal qui était détenu par Jennifer O’Neill. Le réalisateur tente même d’acquérir les droits du film de Fulci via sa société Rolling Thunder Pictures.
Cependant, il n’obtiendra pas les droits, ce qui mettra le projet de côté. Le réalisateur avouera qu’« il s’agit d’un projet au futur incertain. Je n’en possède même pas les droits. C’est l’une de ces choses où si quelqu’un achète les droits pour le faire, je ne le ferai pas. Ils peuvent tout foutre en l’air. Si c’est censé se produire, ça se produira. » Comme nombreux de ses projets avortés, Quentin Tarantino finira par passer à autre chose et ira faire les deux Kill Bill.
Possibilité de renaissance : 5%. Si Tarantino a affirmé que The Movie Critic serait son dernier film, il n’est pas totalement impossible qu’il change d’avis. De plus, Dardano Sacchetti, un des scénaristes du film original, a déclaré être en discussion avec Sony Pictures pour un possible remake.
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