« Bienvenue en République très très démocratique du Gondwana »
Un jeune français idéaliste plongé en Afrique (Antoine Gouy), des élections présidentielles controversées, un dictateur décidé à rester au pouvoir en trichant, deux hommes de main adeptes de géopolitique (Michel Gohou et Digbeu Cravate), un député français déterminé à vendre des asperges aux Africains (Antoine Dulery), une jeune et jolie révolutionnaire (Prudence Maidou) : Bienvenue au Gondwana!
Bienvenue au Gondwana, de Mamane, est une satire sur la politique africaine qui pourrait très certainement s’appliquer à la politique en général. En tout cas, on peut facilement s’y reconnaitre en tant qu’Occidentaux.
C’est un pays imaginaire situé en Afrique. Il a été inventé par Mamane en 2009 alors qu’il commençait une satire sur l’actualité africaine sur RFI. Le réalisateur explique que «[l]a radio étant écoutée sur tout le continent, je ne pouvais pas me limiter à un seul pays. Alors j’en ai imaginé un qui concentre toutes les tares des nations africaines : la corruption, la mal-gouvernance, le manque de démocratie, de santé, d’éducation. Aujourd’hui en Afrique, le Gondwana est devenu une référence de ce qu’il ne faut pas faire. Il arrive que des opposants apostrophent les dirigeants ainsi : On ne peut pas accepter ça, on n’est pas au Gondwana. »
Et de la corruption, il y en a au Gondwana. Tout d’abord, quiconque critique le pouvoir en place est arrêté. Puis, si on ne vote pas pour le parti du Très-cher-Président-Fondateur, on ne vote pas, car tous les partis de l’opposition appellent au boycott.
La corruption et l’ingérence sont tellement fortes, que c’est même le ministre responsable qui décide du « score » final de l’élection. Il le communique ensuite aux médias, qui collaborent aveuglément avec le pouvoir en place.
Mais, heureusement, l’ONU envoie une équipe d’observateurs qui est en charge de s’assurer que les élections se déroulent dans la démocratie la plus propre.
Évidemment, les observateurs (sauf Julien, le petit nouveau) sont beaucoup plus préoccupés par la qualité de leur chambre que par ce qui se joue sur la scène politique. C’est d’ailleurs par les yeux de Julien que le spectateur est amené à découvrir le Gondwana. Mais, pour une fois, nous n’avons pas seulement un regard occidental sur le continent originel.
Et le chef de mission? Monsieur DeLaville est plus occupé à essayer de vendre des asperges des agriculteurs de son conté qu’à surveiller l’élection. On se demande s’il n’est pas une trop fidèle représentation des vraies missions d’observation de l’ONU. Lorsqu’on voit à quel point la politique africaine est sale, il est difficile de croire que l’ONU essaie réellement de s’assurer que la démocratie règne. De toute façon, c’est quoi la démocratie? Si je me fie à ce que je connais de celle qui se pratique chez moi, au Québec, tout semble trop souvent décidé avant même que les campagnes commencent. Surtout lorsqu’on considère que la majorité des gens qui votent n’ont aucune idée de ce que propose le parti pour lequel ils votent.
Triste démocratie…
Bienvenue au Gondwana a été tourné en Côte d’Ivoire. Mais comment se fait-il qu’un pays africain ait donné carte blanche au réalisateur sur son scénario? Mamane explique «qu’en Afrique, chaque pays a à cœur de convaincre que le Gondwana, c’est pas lui, mais l’autre. Les autorités ivoiriennes pour leur part tiennent à faire savoir que le pays a changé » et qu’il n’est plus corrompu comme il l’a déjà été.
Dans ce long métrage qui peut sembler insipide à première vue (j’avoue que lorsque j’ai commencé le visionnement, je n’étais pas convaincu), aucun personnage n’est là sans raison. Que l’on pense au chef de mission préoccupé par la vente de sa salade, ou à l’ingénu qui pense réellement être là pour faire une différence, ou encore à Betty, cette jeune femme qui représente ce que pourrait être l’avenir du continent, chacun est la représentation de ce qui ne va pas dans la politique du plus vieux des continents. Et, en définitive, j’ai assisté à bien des choses, mais certainement pas à un film insipide.
Oui, Bienvenue au Gondwana m’aura diverti comme je ne l’avais pas été depuis un bon moment. Un film vraiment très drôle, mais intelligent. Sans grande subtilité, peut-être, mais mené avec talent par un réalisateur qui en était à sa première réalisation.
Note : 8/10
* À voir au Festival Vues d’Afrique.
© 2023 Le petit septième
Un texte qui nous rappelle bien ce qu’est le Gondwana : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/05/08/bienvenue-au-gondwana-monsieur-macron_5124355_3212.html