Promenades nocturnes - Une

Promenades nocturnes — Une exploration poétique de la démence

« — Normalement, à cette heure-là, Henri est avec moi, j’comprends pas c’qui se passe.
Maman, Henri n’est plus là. Il est mort maman. Tu t’rappelles?
— Ça s’peut pas. Je le saurais. »

Promenades nocturnes - Affiche

Après la mort de son mari, Ethel (Marie Brassard) se replie sur elle-même, doutant de ses proches, essayant de donner un sens au tissu de sa réalité. Elle a également commencé à errer la nuit, chaque promenade devenant une aventure plus surréaliste et abstraite.

Promenades Nocturnes, de Ryan McKenna se présente comme une expérience cinématographique intense, plongeant le spectateur dans l’univers onirique et déconcertant d’Ethel, une femme touchée par la démence après la perte de son mari, interprété par Hamidou Savadogo. Cette œuvre expérimentale nous emporte à travers les méandres de la mémoire défaillante d’une femme en explorant les thèmes de la perte, de la solitude et de la folie, tout en utilisant des techniques cinématographiques innovantes.

Une odyssée onirique

Le film adopte une structure narrative singulière, guidant le spectateur à travers les promenades nocturnes d’Ethel, transformant chaque escapade en une aventure surréaliste. Ces déambulations deviennent l’étrange fil conducteur d’une odyssée personnelle, où la frontière entre le réel et l’imaginaire s’estompe de plus en plus, créant une expérience cinématographique intéressante. Cette chronique sur la vie d’Ethel se déroule en huit chapitres, correspondant aux huit nuits où elle se promène.

Promenades nocturnes - Une odyssée onirique
Ethel (Marie Brassard) à la poursuite d’un voleur

Pendant la nuit, Ethel se fait voler plusieurs fois. Lors d’une promenade nocturne, un homme lui arrache son sac à main. En le poursuivant lentement, elle arrive mystérieusement à retrouver la tente du voleur, dans laquelle elle récupère son sac. Une autre nuit, alors qu’elle dort, elle se fait cambrioler chez elle. Ce vol l’amène à sortir marcher en pyjama, poussée par le désir de suivre le malfrat, mais elle se perd et ne sait plus ce qu’elle fait là avant de se faire ramener par sa fille (Sarianne Cormier). Une autre fois, dans le centre médical qu’elle a intégré, quelqu’un fouille dans un bol dans sa chambre alors qu’elle dort.

Ces vols successifs nous poussent à nous demander s’ils sont réels ou s’ils sont le fruit de l’imagination d’Ethel. En effet, ils représentent parfaitement le manque de confiance qu’elle a envers le monde, ses craintes. De plus, ce sont ces intrusions qui la poussent, plus d’une fois, à poursuivre ses déambulations dangereuses. Où se situe donc la frontière entre rêve et réel? La dimension nocturne des promenades rend cette question évidente, mais laissée sans réponse.

Mise en scène expérimentale de la mémoire, la perte, et la folie

Promenades nocturnes explore avec subtilité les thèmes profonds de la mémoire, de la perte et de la folie. La cinématographie de McKenna, jouant habilement avec les contrastes et le montage, ajoute une couche supplémentaire à cette expérience sensorielle. Ce jeu de contrastes, opposant le silence et la musique, le mouvement et l’immobilité, le gros plan et le plan large, souligne la complexité et la richesse du personnage d’Ethel. Les techniques de montage et de photographie contribuent à créer une atmosphère onirique et poétique, plongeant le spectateur dans son intimité émotionnelle.

Promenades nocturnes - Mise en scène expérimentale

Progressivement, tout au long du film, les images et les sons se trouvent de plus en plus altérés. On commence doucement avec des sortes d’aberrations optiques. Puis l’image est comme filmée dans un prisme, la diffraction est de plus en plus forte parallèlement à la démence d’Ethel qui semble augmenter. Les jeux sonores assourdissants et inquiétants s’intensifient également, nous servant souvent d’indicateur pour nous situer entre réel et imagination. Ces altérations d’image et de son représentent la déconnexion d’Ethel avec la réalité. Par exemple, souvent, les effets sonores prennent le dessus sur la voix de sa fille qui essaie de lui parler, nous empêchant (la protagoniste comme les spectateurs) de comprendre le sens des paroles des autres.

À travers des effets visuels innovants, McKenna déconstruit la réalité visuelle, tout comme la réalité du personnage est déconstruite par sa démence. Il utilise des distorsions et des montages créatifs pour immerger le spectateur dans l’état mental tourmenté d’Ethel.

Réflexion sans clichés sur la démence

Par des procédés cinématographiques expérimentaux, Promenades nocturnes propose une réflexion honnête et humaine sur la démence qui rompt avec les stéréotypes habituels. La représentation originale de la maladie mentale engage les spectateurs dans une méditation sur la condition humaine, offrant une perspective unique et nuancée.

Promenades nocturnes - Réflexion sans clichés sur la démence

Ryan McKenna rend ici hommage à la fragilité et à la beauté de la vie humaine. Il invite le spectateur à partager le regard d’Ethel, à ressentir ses émotions. Il propose une vision sensible et originale de sa folie, loin des clichés impitoyables. Ce film adopte une attitude de respect et de compassion envers Ethel : on ne la juge pas, on ne se moque pas, et presque on ne la plaint pas. Promenades nocturnes suscite de la sympathie, de l’admiration, de l’affection et de l’intérêt pour Ethel. Il nous fait aussi découvrir son talent pour la peinture, afin de mieux nous faire apprécier sa force et sa liberté.

Le film de McKenna ouvre une réflexion poétique sur la nature et le sens de la démence. Il nous fait nous interroger sur la réalité, la vérité, et la normalité. Il nous fait aussi questionner notre rapport aux autres, à nous-mêmes, et au monde. Il nous fait enfin réfléchir sur la vie, la mort, et le temps. L’œuvre évoque avec une sensibilité touchante la fragilité de la vie humaine. Promenades nocturnes invite le spectateur à partager les émotions d’Ethel, à ressentir sa solitude et à réfléchir sur la condition humaine. La représentation de la démence évite les clichés habituels, offrant une vision sincère et originale de cette réalité complexe.

En somme, Promenades nocturnes se distingue comme une œuvre cinématographique expérimentale intéressante et poussant à la réflexion. Ryan McKenna réussit à créer une immersion poétique dans l’univers complexe de la démence, offrant une perspective originale et émotionnelle qui transcende les limites du réel. Cette exploration artistique demeure un témoignage saisissant de la condition humaine et de la puissance du langage cinématographique dans son expression la plus avant-gardiste.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Late Night Walks
Durée
63 minutes
Année
2022
Pays
Canada
Réalisateur
Ryan McKenna
Scénario
Ryan McKenna
Note
6 /10

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Fiche technique

Titre original
Late Night Walks
Durée
63 minutes
Année
2022
Pays
Canada
Réalisateur
Ryan McKenna
Scénario
Ryan McKenna
Note
6 /10

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