« Tu n’aurais pas vu une porte dans le coin? »
Parmi tous les grands noms de l’animation japonaise qu’on surnomme le « Nouveau Miyazaki », celui de Makoto Shinkai revient le plus souvent. Ayant commencé sa carrière vers la fin des années 90, il a travaillé dans la publicité, le jeu vidéo et bien évidemment, le cinéma. Cependant, à une époque où l’animation japonaise était encore un succès de niche et que seuls les films d’Hayao Miyazaki étaient reconnus en occident, les longs-métrages du bonhomme étaient certes appréciés par certains amateurs, surtout pour leur technique, mais ne connaissaient pas un très grand succès. Et puis Your Name.
Sortie en 2016, cette histoire entre un garçon de ville et une étudiante de la campagne qui échange mystérieusement leur corps a eu un succès phénoménal. Il devient le quatrième plus grand succès de l’histoire du box-office japonais, ainsi que le troisième grand succès japonais à l’étranger. En même temps, avec sa sublime animation, ses personnages mémorables, une des plus belles histoires d’amour porté à l’écran et la magnifique musique du groupe RADWIMPS, le film a tout pour plaire, tellement que Paramount et Bad Robot Pictures prévoient de faire un remake américain. Le film a donc mis sur un piédestal son réalisateur, qui a continué de faire de grands coups avec Weathering with you en 2020 et Suzume en 2023, qui a eu le droit à une sortie limitée au printemps, mais qui ressort avec grande surprise en cette fin d’année.
Dans ce film, le quotidien de Suzume change quand elle rencontre Souta, un mystérieux individu qui cherche une porte dans sa ville. Il s’agit en fait d’une des nombreuses « portes du désastre » situées un peu partout dans le pays. Si elles viennent à s’ouvrir, une terrible catastrophe s’abattra sur le Japon et seul Souta peut le fermer. Il devra cependant avoir l’aide de Suzume, surtout quand un esprit en forme de chat le transforme en chaise. S’ensuit un périple à travers le Japon, où les deux héros vont rencontrer de nombreuses personnes et apprendre à se connaître.
Shinkai continue sur la lancée qu’il l’a fait connaitre avec Your Name et poursuit avec Weathering with you. Si ces deux films paraissent de prime abord être de mignonnes comédies romantiques avec une touche de fantastique (deux adolescents qui changent de corps et une jeune fille qui contrôle la météo), ils deviennent par la suite des œuvres plus fortes, avec aussi un aspect symbolique important. C’est le cas de Suzume. Avec ce monstre dont le long corps traverse l’entièreté du Japon, il est dur de ne pas penser aux nombreux tremblements de terre qui ont frappé le pays, surtout celui de Fukushima en 2011. Le réalisateur arrive donc à traiter de ce traumatisme, mais aussi à parler des personnes marquées par cet événement. Mais continuer d’en parler pourrait divulgâcher le film et ce serait dommage.
On peut cependant dire que le film prend une autre tournure surprenante à sa moitié. Et si cette deuxième partie contraste beaucoup avec la première, elle reste néanmoins passionnante à suivre et importante pour le propos du film. De plus, avec des personnages charmants et uniques qui apparaissent à chaque scène, il y a beaucoup de choses à raconter dans ce film. On a l’impression, tout comme les personnages, de faire un grand voyage, avec tous ces paysages variés, cette population éclectique et ces moments de tendresse entre Suzume et Souta, même si l’un d’entre eux ressemble à une chaise.
Mais cette chaise à la patte cassée a quand même plus de vie que la plupart des personnages de film d’animation 3D qui sont sortis dans les dernières années. La manière dont elle bouge, court et réagit avec le reste du monde est juste magistralement animée. Mais bon, quand on est habitué aux autres films de Makoto Shinkai, on n’est pas surpris que l’aspect technique de ce film soit un sans faute. Dans Suzume, on a non seulement des paysages détaillés et grandioses, mais aussi des expressions du visage parfaitement retranscrites, des jeux de lumière de grande beauté et une excellente mise en scène du film. Cela est aussi aidé par la bande originale, encore écrite par RADWIMPS, dont le thème principal va rester longtemps dans votre liste de lecture.
Ce qui empêche le film de marquer un sans-faute, c’est quelques ficelles scénaristiques qui tombent comme un cheveu dans la soupe vers la fin du film. Mais Suzume est une œuvre incroyable à voir absolument, et sa ressortie en salle est une grande opportunité pour tout le monde.
Bande-annonce
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