« Au final, tout ce que je filme est romancé
hormis la mécanique de l’arnaque, et sa folie. »
Un homme, un téléphone portable, plusieurs millions d’euros dérobés, une quarantaine d’établissements bernés. Drogué à l’adrénaline que ses arnaques lui procurent, Gilbert Perez (Vincent Elbaz) manipule et trompe ses victimes avec brio en se faisant passer tour à tour pour leur président puis un agent de la DGSE. Il rêve d’offrir à sa femme Barbara (Julie Gayet) une vie normale, mais insatiable et sans limite, sa folie le mènera à sa perte.
Je compte sur vous, de Pascal Elbé, est basé sur l’histoire de Gilbert Chikli. En fait, les arnaques que l’on voit dans le film sont les mêmes que celles perpétrées par Chikli. Mais le reste du film est, selon les dires du réalisateur, une histoire romancée.
On pourrait dire que Je compte sur vous est le « portrait d’un manipulateur ». En effet, Gilbert Perez pourrait, comme on dit ici, vendre un frigidaire à un esquimau. C’est presque incroyable de voir ce qu’un bon (ou extraordinaire) arnaqueur peut faire juste avec un téléphone cellulaire. Tout ce qu’il faut, c’est de savoir lire ce qui se passe dans la tête des gens. Cet homme autodidacte a une façon presque innée d’appliquer les mécanismes de la manipulation, que vous apprenez parfois dans les écoles de commerce ou de télémarketing. Non seulement il les applique naturellement, mais il va beaucoup plus loin. D’instinct, il dit à la banquière de ne parler à personne pour mieux l’isoler et l’empêcher de demander conseil à quelqu’un de son entourage. Et il lui dit qu’elle est la seule digne de confiance pour lui donner le sentiment d’être élue et donc la valoriser.
Mais est-ce que le but premier du personnage est réellement de faire de l’argent? Bien sûr que cela a son importance. Mais le facteur principal serait peut-être plutôt l’adrénaline que l’arnaque lui apporte.
Réaliser un film de ce genre n’est pas si facile. Comment rendre excitante une scène qui se déroule entre deux interlocuteurs qui se parlent au téléphone? Voici le défi principal qu’a dû relever Pascal Elbé. Et je dois dire qu’il y arrive très bien.
En utilisant des gros plans et des mouvements de caméra rapides, on a l’impression qu’il y a beaucoup d’action, alors que tout se passe dans notre tête. Et dans celles des personnages. On pourrait qualifier Je compte sur vous de thriller psychologique. Une discussion au téléphone aura rarement été si excitante!
Le film est aussi le portrait d’une époque menée par la peur. Sans cette angoisse ambiante, les victimes de Gilbert seraient certainement moins manipulables. L’après 9/11 n’a certainement pas été facile. Les gens avaient peur qu’une attaque se produise presque partout. Avec, ensuite, les attentats de Madrid et de Londres, les possibilités étaient à leur plus haut pour des hommes comme Perez.
Mais comment faire un film sur un homme comme Chikli sans le rencontrer? C’est pourquoi le réalisateur et le producteur ont décidé de le rencontrer. « Je l’ai trouvé plein de charme, assez brillant, avec un charisme fou. J’ai tout de suite vu la malice dans son regard et le danger qui pouvait en découler », racontait le producteur en entrevue. Et si on se fie au film, on n’en doute pas.
Le film montre bien que l’intelligence redoutable de cet homme est de savoir détecter la faille de son interlocuteur : son manque de reconnaissance ou de confiance en lui, sa fragilité émotionnelle… Si vous aimez les bons thrillers psychologiques, Je compte sur vous est pour vous.
Note : 7/10
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