Mort et vivant en même temps : la mécanique quantique…
Le Cyclotron est un suspense qui se déroule à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Simone (Lucille Fluet), une espionne travaillant pour les Alliés, se voit confier la mission de retrouver et d’exécuter Emil (Mark Antony Krupa), un scientifique berlinois qui a découvert, avant les Américains, le moyen de fabriquer une bombe atomique, mais qui, pris de scrupules, a fui avec son secret. Simone le retrouve dans un train de nuit qui file vers la Suisse. Mais Emil est aussi pourchassé par des militaires allemands, menés par le scientifique König (Paul Ahmarani), qui veulent l’arrêter et le faire parler avant qu’il ne quitte le pays. L’affaire se complique quand s’y mêlent le souvenir de l’amour et la mécanique quantique.
Le Cyclotron, d’Olivier Asselin, est un suspense qui revisite deux genres, le film historique et la science-fiction, avec quelques rappels du film noir. Le film a été présenté en première mondiale au Festival du Nouveau Cinéma. Il a également été projeté au Festival de cinéma international en Abitibi-Témiscamingue et sélectionné aux 8es Rencontres de coproduction francophone à Paris. Mais c’est au 2016 Whistler international film festival qu’il a été récompensé avec le prix du meilleur scénario et de la meilleure direction photo. Ce n’est pas étonnant. L’image, principalement en noir et blanc, reproduit de superbe façon la facture visuelle des films de l’époque.
Le long métrage d’Asselin n’est pas un grand film. Mais il est particulièrement intéressant quant à sa façon de parler de science fondamentale. Comme l’expliquait le réalisateur en entrevue : « Le film fait dialoguer la physique fondamentale et la grande histoire, le comportement des particules élémentaires et le comportement humain, l’incertitude quantique et l’incertitude morale. Mais il reste une œuvre de fiction : à partir des faits, il imagine une tout autre histoire – sur le modèle de la mécanique quantique, de l’histoire alternative et du conte philosophique. »
Le volet historique est aussi très intéressant. Au début du XXe siècle, une révolution scientifique sans précédent se produit, avec la théorie de la relativité et la mécanique quantique, qui bouleversent notre conception de la réalité. Mais quand Hitler arrive au pouvoir, la communauté scientifique est déchirée. Certains s’exilent et finissent par collaborer au projet Manhattan; d’autres restent et travaillent à la conception d’une bombe atomique allemande.
C’est ce moment historique auquel on assiste dans Le cyclotron. Il s’agit d’un triste moment pour les scientifiques, car les rapports entre la science et la politique deviennent soudainement très problématiques. En effet, lorsque les politiciens décident de se mêler des affaires scientifiques, c’est rarement bon. Plus près de chez nous, on peut penser à toutes les coupures faites par l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper, qui voulait faire taire ceux qui ne voyaient pas le monde comme lui. Et ils étaient très nombreux.
Le film met en correspondance la physique fondamentale et la grande histoire, le comportement des particules élémentaires et le comportement humain, l’incertitude quantique et l’incertitude morale. C’est une belle façon de faire des liens entre réalité et fiction, tout en opposant 2 réalités correspondantes.
Le modèle de la mécanique quantique est intéressant, car il est strictement théorique. Mais il théorise sur les possibilités alternatives de la réalité. Qu’est-ce que la réalité si personne n’est présent pour la constater?
Le cyclotron raconte cette histoire, non pas selon les conventions du film historique contemporain, mais en s’interrogeant sur la manière dont le cinéma de l’époque l’aurait lui-même représentée, en s’inspirant de genres datés, mais intimement liés : le cinéma expressionniste allemand et le film noir américain. Il ne s’agissait pas de pasticher ces genres, à la lettre, mais d’en évoquer l’esprit, avec les moyens d’aujourd’hui.
Le film d’Olivier Asselin est-il un film de geek? Probablement… Mais certainement un film très divertissant qui offre une perspective peu ou pas traitée dans le cinéma.
Note : 7/10
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