« Moi Jaime pas la vie, pus je serais heureux de la donner si l’occasion se présente. »
Sasha (Sara Montpetit) est une jeune vampire avec un grave problème : elle est trop humaniste pour mordre. Lorsque ses parents, exaspérés, décident de lui couper les vivres, sa survie est menacée. Heureusement pour elle, Sasha fait la rencontre de Paul (Félix-Antoine Bénard), un adolescent solitaire aux comportements suicidaires qui consent à lui offrir sa vie. Ce qui devait être un échange de bons procédés se transforme alors en épopée nocturne durant laquelle les deux nouveaux amis chercheront à réaliser les dernières volontés de Paul avant le lever du soleil.
Avec Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, Ariane Louis-Seize propose une œuvre forte qui navigue entre le film de genre, le récit initiatique et la comédie noire. Elle compte aussi sur une solide distribution.
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant mélange le film de vampires, la comédie et le récit d’apprentissage. Mais, c’est surtout la quête identitaire des personnages qui est au centre du récit. Il se déroule à la période de l’adolescence, une période riche dans une vie, celle où l’on teste nos limites et celles des autres, où l’on s’interroge énormément. D’ailleurs, le rire n’est jamais bien loin dans ce premier long métrage de la réalisatrice, malgré une sorte de mélancolie qui reste présente tout au long du film.
Ce mélange d’humour noir et de mélancolie n’est pas sans rappeler une certaine famille Adams. Sasha est toute de noir vêtue, ne sourit pratiquement jamais et n’a pas un grand entrain. La différence est que Sasha, contrairement à Mercredi, n’aime pas faire mal aux autres.
Le choix du vampire était judicieux pour créer un bon film mélangeant humour noir, mélancolie et introspection sur la mort. Après tout, le vampire est une créature condamnée à tuer pour survivre, le vampire porte la mort en lui.
« Mais qu’arrive-t-il s’il commence à trop réfléchir à la valeur des vies qu’il arrache en comparaison à la sienne? C’est en se posant cette question à la fois éthique, philosophique et au potentiel tragi-comique qu’est né le personnage de Sasha, une jeune vampire humaniste prête à se laisser mourir pour épargner autrui. »
En créant un personnage de vampire humaniste, il fallait un humain pour qui la mort est aussi ancrée au plus profond de son âme. Paul, un adolescent aux comportements dépressifs chroniques qui ne trouve pas sa place dans un monde qu’il ne décode pas et qui lui est hostile, était le parfait contrepoids. C’est à partir de ces sentiments internes tragiques que la réalisatrice crée une histoire qui se veut tout de même remplie de lumière et d’espoir.
On se retrouve ainsi avec un récit scindé en deux parties. La première aborde la relation à la mort, alors que la seconde est une sorte d’ode à la vie dans laquelle une palette de personnages plus colorés les uns que les autres leur font vivre une montagne russe de péripéties.
Fidèle à ses habitudes, Ariane Louis-Seize propose des personnages observateurs, plongés dans une ambiance quelque peu étrange et poétique. Après tout, n’est-ce pas parfait pour un personnage de vampire? Ils sont souvent représentés comme des êtres sombres et romantiques. Sasha représente assez bien son espèce, alors que sa famille amène quelque chose de plus rare : une famille de vampire qui mène une existence plutôt banale. C’était là une belle occasion que la réalisatrice a saisie pour traiter d’enjeux plus actuels.
Elle met en scène des vampires qui ont des problèmes, des enjeux, très ordinaires. On pense, entre autres, à l’enjeu de la charge mentale plus importante qui tombe sur les épaules des femmes, celui des enfants qui refusent de quitter le nid familial ou encore aux conflits que vivent les parents qui ne voient pas de la même façon comment négocier certaines difficultés avec leurs enfants. Du coup, en traitant de ces enjeux, la réalisatrice réussit à faire en sorte que les spectateurs puissent se reconnaître dans ces personnages, malgré l’ambiance mélancolique et le fait qu’on parle d’êtres immortels. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit une adolescente de 68 ans.
Mais pour réussir à créer un film qui mise sur une dualité entre la lumière et la noirceur, il faut savoir l’appuyer avec une image juste. Louis-Seize a misé sur son comparse de toujours, avec Shawn Pavlin comme directeur photo. Il a créé une image envoûtante, toujours dans la pénombre, mais avec une présence lumineuse constante. Il joue avec des éclairages orangés ou bleutés, des néons, des lampes, tout ce qui peut amener une lumière enveloppante qui crée une rupture avec la noirceur, sans casser le rythme.
Toujours dans l’idée de la luminosité, le duo a imaginé la lumière comme une manière de montrer l’intériorité de Sasha. Par exemple, chaque fois que son instinct prédateur remonte à la surface, les lumières autour d’elle se mettent à clignoter, un peu comme on le voit souvent dans un film d’horreur, sauf qu’ici ces clignotements sont provoqués par le personnage et non pas le fruit d’un drôle de hasard.
Le combat intérieur de Sasha est là, dans son grand humanisme qui entre en conflit avec son identité de vampire. À partir du moment où ses dents pointues émergent pour la première fois, des instincts et des pulsions la travaillent. C’est donc en jouant avec la lumière que la réalisatrice exprime ce tourment.
Mais que serait un film sans ses acteurs? Sara Montpetit (qui a gagné l’Iris de la révélation de l’année au gala Québec Cinéma pour Maria Chapdelaine) est tout simplement incroyable dans son rôle de jeune vampire âgée de 68 ans. Elle possède une profondeur très touchante et une belle chimie avec Félix-Antoine Bénard, qui interprète Paul. Ils possèdent chacun à leur manière une douce étrangeté.
Les autres membres de cette famille vampirique sont interprétés par Sophie Cadieux, Noémie O’Farrell et le toujours excellent Steve Laplante dans le rôle de ce père aimant, qui fera tout en son possible pour soutenir sa fille.
Comme quoi il est possible de faire quelque chose d’intelligent même avec des vampires comme personnages principaux.
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant est présenté au TIFF, les 10, 11 et 12 septembre 2023.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième