Après avoir raté le dernier train, une vieille dame, Louise (avec la voix de Dominique Frot), se voit contrainte de rester dans une station balnéaire désertée en cette fin d’été. Le temps rapidement se dégrade, les grandes marées surviennent, condamnant électricité et moyens de communication. Pour survivre, Louise va devoir apprivoiser les éléments naturels et la solitude. Ses souvenirs profitent de l’occasion pour s’inviter dans l’aventure, ainsi qu’un compagnon inattendu…
Louise en hiver de Jean-François Laguionie est un très beau film d’animation qui s’adresse davantage à un public adulte qu’aux jeunes. Personnellement, j’aime beaucoup les films animés et la liberté qu’il propose. La réalité du film peut prendre différentes avenues, un monde de possible s’ouvre.
Cette animation met en scène une femme âgée qui se retrouve seule. Louise ne panique pas, elle accepte la solitude et attend qu’on vienne la chercher. Elle ne peut concevoir que personne ne réalisera qu’elle manque à l’appel. Elle s’imagine déjà ses enfants lui faire quelques critiques pour avoir manqué son train. Mais l’attente se prolonge…
Louise a des trous de mémoire. Certains de ses souvenirs lui résistent. Mais cela ne l’empêche pas de se débrouiller. Elle choisit de quitter sa maison trop humide et de s’établir sur la plage puisque le temps est particulièrement doux. Sur la plage, elle n’est plus seule : des centaines d’oiseaux tournoient dans tous les sens. Sa présence ne les gêne pas.
Ses oublis font aussi sa force : les tâches quotidiennes, les découvertes, l’amitié de son compagnon d’infortune (Pépère le chien) occupent tout son temps. Elle se découvre même des aptitudes pour les travaux manuels dont elle ignorait tout. Grâce à tout cela, elle évite la véritable « vieillitude », celle du désintérêt pour l’existence…
Quoique semblable à Robinson Crusoé de par son isolement (elle a tout de même accès à plus de ressources de Robinson, mais il faut dire qu’ils n’ont pas non plus le même âge), elle se rapproche aussi des personnages un peu égarés, perdus dans leur souvenir, de Godot de Beckett.
C’est par ses rêves qu’elle apprivoise tranquillement ses souvenirs, qu’elle réussit à mettre un peu d’ordre dans son passé. Mais est-ce des souvenirs fiables?
« Elle est hors du temps. N’ayant personne avec qui communiquer qu’elle-même (avant sa rencontre avec Pépère), la solution du “journal de bord” était inévitable et trop séduisante pour ne pas être utilisée. Une façon de comparer le point de vue du personnage avec la réalité supposée de ce qui lui arrive. », expliquait le réalisateur.
Il n’y a que peu de dialogues dans ce film. Une grande partie est narrée par Louise. On entend ce qu’elle consigne dans son journal :
Je m’attendais à voir quelqu’un dimanche mais personne n’est venu…
Au fond je n’en suis pas fâchée. Ils viendront plus tard…
C’est drôle, les gens ont peur de tout, maintenant.
Ce n’est pas la première fois qu’il y a une marée exceptionnelle…
On n’en faisait pas toute une histoire!…
Le temps de l’attente est poreux. Elle garde le compte des jours à l’aide d’un calendrier, mais il n’a pas de réelle importance. Tous les jours se ressemblent et ce quotidien qu’elle se crée la rassure et lui fait du bien. N’est-elle pas mieux après tout sur la plage, seule, qu’en ville comme chaque hiver?
Entre le ménage de sa cabane, ses parties de pêche, ses longues promenades, elle ne s’ennuie pas vraiment. Sa condition physique et son âge font en sorte que tout ce qu’elle accomplit l’est dans la lenteur.
Louise en hiver est un film de la lenteur, philosophique. C’est par les souvenirs qui resurgissent petit à petit que le personnage revient à lui. Cela ne l’unit pas plus au reste du monde, mais à lui-même.
Note : 8,5/10
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