« Une fois que vous êtes né, la mort est inévitable. Par conséquent, vivre sa vie équivaut à mourir. Si je dois finir par mourir, je n’aurais pas dû naître du tout. Mais je suis capable de penser cela, parce que je suis ici, en vie. Une fois qu’on est mort, on ne pense plus à rien. Il n’y a que la mort. »
Tsutomu vit seul dans les montagnes, écrivant des essais et cuisinant des aliments avec des fruits et légumes qu’il cultive et des champignons qu’il cueille dans les collines. Sa routine est agréablement perturbée lorsque Machiko, son éditrice/amoureuse, lui rend visite occasionnellement. Elle aime manger et il aime cuisiner pour elle. Tsutomu semble satisfait de sa vie quotidienne; cependant, il reste incapable d’enterrer les cendres de sa femme décédée. Sa femme est décédée il y a 13 ans…
Avec The Zen Diary (土を喰らう十二ヵ月), Yuji Nakae offre une œuvre profonde, lente et zen. Un film qui amène à réfléchir à notre vie et à la recontextualiser.
L’écrivain Tsutomu (Kenji Sawada) vit avec son chien Sansho et les restes de sa femme Yaeko, décédée il y a 13 ans, dans une villa de montagne isolée à Shinshu. Il fait son apprentissage dans un temple zen, et apprend le Shojin ryori – une façon de cuisiner traditionnelle qu’on retrouve dans certains temples bouddhistes – dès l’âge de 9 ans. Son plus grand plaisir est de cuisiner avec des légumes cultivés dans son jardin et des légumes sauvages récoltés dans les montagnes. Surtout quand Machiko (Matsu Takako), la rédactrice en chef et son amante, vient de Tokyo.
Jamais je n’ai entendu Oishii (美味しい)et itadakimasu (頂きます) aussi souvent en moins de 2 heures. 😆
Selon la tradition, ceux qui pratiquent le bouddhisme devraient éviter la gastronomie et la consommation de viande, et essayer de maintenir un régime végétarien. À l’âge de neuf ans, Tsutomu a été apprenti dans un temple zen à Kyoto. Jusqu’à sa fugue à l’âge de 13 ans, il a appris la cuisine bouddhiste auprès d’un prêtre. À l’âge de 68 ans, il garde toujours à l’esprit ce qu’il a appris à l’époque et cuisine soigneusement chaque légume. Les repas quotidiens de Tsutomu peuvent sembler simples, mais ils sont très riches en générosité de la nature.
Le film est principalement raconté avec une narration en voix-off de Tsutomu. Ce choix stylistique est particulièrement intéressant et pertinent pour ceux qui ne sont pas familiers avec le mode de vie des moines et, donc, du personnage principal.
Ainsi, il raconte pourquoi il vit comme il vit, pourquoi Chie – la mère de sa défunte épouse – vit comme elle le fait, comment il a appris à préparer et à manger toutes les parties des légumes et ses craintes face à la vie et à la mort. Ainsi, The Zen Diary devient une belle et douce réflexion sur la vie.
À plusieurs reprises Tsutomu offre des réflexions sur la tortue, animal que l’on voit d’ailleurs à plusieurs reprises dans le film. Le symbolisme est important, puisque la tortue est une représentation de l’ancrage et de la stabilité. Ce sont possiblement les deux valeurs fondamentales du personnage. Elle est aussi un symbole lunaire. Ce qui nous amène à la division du film.
Afin de rythmer son film, Yuji Nakae mise sur les saisons lunaires qui seraient au nombre de 24. Certaines parties sont un peu plus longues et d’autres plus courtes, afin d’arriver à écouler presqu’une année complète. Dans la première version du scénario, les chapitres se déroulaient par mois, mais lors de l’écriture du scénario final, le réalisateur l’a changé en vingt-quatre termes solaires pour mieux ressentir les changements des saisons.
Le film débute en février, période de renouveau de la nature. À mesure que l’histoire progresse, le spectateur découvre des chapitres comme « Le début de l’été » où on fait la rencontre de la mère de Yaeko, Chie, qui vit seule en labourant les champs à une courte distance de la villa de montagne. Chie a soigné Tsutomu, qui venait parfois voir comment il allait, avec un bol rempli de riz blanc, de radis marinés et de soupe miso. Chie offre une sorte de rappelle des obligations. Et telle une belle-mère se doit de le faire, elle offre de la nourriture à son gendre.
« Chaleur légère » où Fumiko (Dan Fumi) visite le chalet de montagne de Tsutomu pendant la saison des prunes salées au soleil. Elle est la fille du prêtre en chef du temple zen où Tsutomu a été pris en charge. Cette rencontre offre une magnifique scène dans laquelle le duo prend la collation en buvant du jus de vinaigre de prune selon la recette apprise du grand prêtre. Fumiko a apporté des prunes marinées que sa défunte mère a marinées avec le grand prêtre il y a 60 ans. La nuit tombée, seul, Tsutomu a pleuré au goût de l’umeboshi, qui perdure même après le décès de la personne qui l’a fabriqué.
« Conjurer la chaleur » nous montre les rites funéraires alors que Tsutomu est invité par son beau-frère et sa femme à organiser des funérailles dans sa villa de montagne. Machiko est également venu de Tokyo pour aider à préparer le repas. Cette incroyable séquence accompagne le spectateur non seulement dans les traditions funéraires, mais aussi dans la préparation d’une série de plats qui semblent tout aussi succulents que respectueux.
C’est aussi à ce moment que le film entre dans sa phase de chute.
Mon amour pour la culture japonaise n’est certainement pas un secret. Avec The Zen Diary mon amour du Japon est totalement comblé. Bien entendu, il ne faut pas voir la culture monastique bouddhiste comme étant la même chose que la culture japonaise. Mais il s’agit d’une part de ce que ce pays a à offrir à ceux qui s’y intéressent.
Ce long métrage pourrait être mis dans une catégorie bien précise de films qui font s’activer les papilles. On peut penser à Saveurs indiennes, ce film indien qui fait découvrir la beauté de la cuisine indienne, ou encore La saveur des ramen, qui met l’emphase sur ce plat d’origine chinoise, mais réinventé au Japon.
Je vais m’arrêter ici, parce que j’ai soudainement trop faim!
The Zen Diary (土を喰らう十二ヵ月) est présenté au TJFF le 17 juin 2023.
Bande-annonce
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