Je l’ai déjà dit, et je le redis encore : il y a de grandes similitudes entre le cinéma et la danse contemporaine. C’est dans cet esprit que j’ai profité du festival Accès Asie pour aller voir Kickstart 2023.
L’événement KickStart de CanAsian Dance, en collaboration avec Tangente et le Festival Accès Asie, a comme mission d’inciter les chorégraphes canadiens à développer et à présenter une œuvre de courte durée qui propose une nouvelle orientation ou un changement constructif dans leur approche de la chorégraphie. Le programme de cette année présente des chorégraphes de Halifax, Vancouver, Toronto, Ottawa et Montréal.
Ce sont donc 4 courtes performances que Kickstart 2023 propose.
Cette prestation se veut être un récit personnel qui permet à l’interprète et chorégraphe Katherine Ng d’explorer une facette d’elle-même qu’elle a longtemps tenté de nier. Dans ce solo, l’immigrante chinoise de deuxième génération redécouvre ses racines et s’ouvre à la beauté de l’histoire et des riches traditions culturelles de sa famille.
Il s’agit de la première performance du spectacle, dont la chorégraphie est dominée par des mouvements rigoureux et disciplinés qui laissent parfois place à la douceur et à la fluidité. J’ajouterais que ça commence tout en lenteur. Un peu trop même. La danseuse met beaucoup de temps à se mettre en marche. Dans une prestation courte, ça enlève beaucoup de possibilités.
Cela étant dit, Ng propose tout de même de beaux mouvements et un numéro qui ouvre le spectacle sans brusquer le spectateur.
C’est quoi, un chez-soi? Yui Ugai et Ashvini Sundaram tentent de répondre à cette question en s’interpellant sur leurs relations schématiques avec leurs cultures, traditions et pratiques. Née à Hiroshima, Yui reprend des éléments de la danse traditionnelle japonaise tout en cherchant une nouvelle esthétique japonaise contemporaine et hybride. Née à Singapour et ayant grandi au Canada, Ashvini s’immerge dans la danse traditionnelle du sud de l’Inde pour raffermir son lien avec son identité tamoule. Vivant toutes deux au carrefour de deux cultures, Yui et Ashvini s’aident à faire face aux souvenirs respectifs de rupture et de résilience qu’elles incarnent. Ensemble, elles partent à la recherche d’une humanité au féminin empreinte de mutualité et de connexion, s’arrimant à un nouveau chez-soi partagé.
Utilisant de magnifiques costumes, les deux femmes offrent une performance magique. Les robes dorées et amples offrent un grand mouvement et une sorte de mystique. Du début, alors que les deux danseuses sont enroulées ensemble à l’intérieur de leurs costumes, à une finale rythmée dans laquelle les deux femmes s’unissent à nouveau, cette chorégraphie se lit merveilleusement bien.
Ça représente bien ce qui me fait voir de grandes similitudes avec le cinéma. Dans la danse, on raconte quelque chose, une histoire dans laquelle il y a souvent plusieurs compréhensions possibles. Le spectateur peut ensuite en faire ce qu’il veut. Ici, la beauté des costumes et la précision des mouvements, alliés à une musique qui parsème des indices, on ne peut qu’être capté. Un petit plus pour ceux qui comprennent le japonais, puisque le texte de la musique dit à plusieurs reprisesいえ (maison), まち (ville) et ひと (personne). C’est une traduction approximative, mais ça aide la lecture du récit.
Dans Omote (面), une œuvre créée par la danseuse Shion Skye Carter et l’artiste visuelle Miya Turnbull, des masques faits à la main, aux diverses formes et expressions, deviennent des prolongements du corps. Leurs traits insolites et un peu troublants défient notre idée traditionnelle de la beauté et articulent les concepts de honne (本音) et de tatemae (建前), soit l’opposition des véritables sentiments et désirs d’une personne (honne) aux comportements et opinions qu’elle expose en public (tatemae). Les deux artistes se questionnent sur l’influence des attentes culturelles et de l’histoire ancestrale sur ce qu’on montre aux autres et ce qu’on dissimule.
Voici un véritable coup de cœur. Omote propose une mise en scène incroyable. Le résultat est une prestation qui se situe quelque part entre la danse et le théâtre. J’ai rarement vu de la danse qui proposait une atmosphère aussi sentie. Par moment, j’avais l’impression d’être dans une œuvre cinématographique aux frontières du réel pour soudainement basculer dans une chorégraphie inspirante.
Je dois ajouter que les jeux de masques sont simplement bluffants!
Dans Walang Hiya (que l’on pourrait traduire par éhontée), un numéro burlesque long-format, Joy Rider explore la sexualité philippine à la lumière de sa culture. Comment une femme peut-elle être le sujet de sa sexualité dans un environnement qui brime son agentivité et son humanité? Comment une femme dont l’identité fait souvent l’objet de fétichisation peut-elle devenir maîtresse de sa sexualité? Cette œuvre nous éloigne de la féminité pudique, soumise et chaste prônée par le patriarcat et nous amène vers une féminité subversive axée sur le plaisir.
Êtes-vous déjà allé voir un spectacle burlesque? Non? Hé bien, si vous croyez qu’une strip-teaseuse donne un bon spectacle en se déshabillant, c’est que vous n’avez jamais vu quelque chose comme ce qu’offre Joy Rider. Être effeuilleuse, c’est un art. Et dans un spectacle burlesque, il y a du flashy. Ça commence d’une manière assez étrange, alors qu’un homme vêtu d’un simple string couleur peau et une femme vêtue d’un 2 pièces aussi couleur peau entrent en scène avec un genre de masque de style bas de nylon sur la tête, et un genre de grand bâton semblable à ceux qu’on utilise pour une bataille dans le jello…
Je caricature un peu, mais si vous regardez la photo en début de texte, vous allez comprendre. Puis l’artiste entre en scène. Toute de blanc et de brillants vêtue, elle commence timidement son numéro. Elle donne l’impression d’être l’image de ce qu’on attend d’une femme aux Philippines. Puis, à mesure qu’elle se déshabille, la femme forme et en contrôle de sa sexualité apparait.
Un numéro parfait pour une finale spectaculaire!
***
Pour ceux qui sont curieux, il reste des représentations les 8 et 9 mai 2023. Mais faites vite, car il n’y a pas beaucoup de billets et vous ne voudrez pas manquer ça! Les billets sont en vente à partir du site du festival Accès Asie.
© 2023 Le petit septième
Great to have this informed but concise reflection on the dances.