« C’est fou d’avoir passé toutes ces années à avoir inventé des histoires en niant l’essentiel. C’est qu’on écrit toujours à quelqu’un. »
Le romancier Stéphane Belcourt (Guillaume de Tonquédec) a accepté de parrainer le bicentenaire d’une célèbre marque de cognac. C’est l’occasion de revenir pour la première fois dans la ville où il a grandi. Sur place, il rencontre Lucas (Victor Belmondo), le fils de son premier amour. Les souvenirs affluent : le désir irrépressible, les corps qui s’unissent, une passion qu’il faut taire… Ce premier amour s’appelait Thomas. Ils avaient 17 ans.
Avec Arrête avec tes mensonges, adaptation du roman éponyme, Olivier Peyon offre un film touchant sur le premier amour, la mélancolie et le désir de passer à autre chose. Une belle surprise!
Qui n’est jamais resté accroché à un événement, une personne ou une pensée? Qui ne ressent jamais la mélancolie, le regret, ou le remords? Ce sont ces sentiments qui composent la trame de Arrête avec tes mensonges.
Bien que le film traite des difficultés et des peurs en lien avec l’homosexualité dans les années 80, le réalisateur n’en fait pas un pamphlet. Il l’utilise tout simplement pour expliquer la relation secrète entre les deux adolescents, secret qui perdurera jusqu’à nos jours. Voilà comment le vrai sujet du film s’installe. Belcourt reste emprisonné dans cette relation, même 40 ans plus tard.
La représentation de la mélancolie que propose le réalisateur est si vraie, si bien montrée. Une personne mélancolique n’est pas déprimée ou triste ou rêveuse en tout temps. Ce sont les situations qui déclenchent les sentiments qui l’accompagnent. Lorsque le personnage revient dans sa ville natale après plus de 35 ans d’absence, son passé revient le hanter.
Évidemment, le retour de l’auteur dans son patelin provoquera toute une vague d’événements. La question du mensonge – ce qu’on cache aux autres, mais aussi à soi-même – parcourt ainsi tout le film. Pouvez-vous simplement imaginer ce que c’est que de vivre avec un secret aussi lourd pendant plus de 35 ans?
L’idée du mensonge ne regarde pas seulement Stéphane, mais aussi son premier amour, qui n’aura jamais pris le temps de se confier à son fils unique. Ce même fils créera un mensonge afin de pouvoir découvrir qui était ce père qui ne parlait pas beaucoup. La rencontre entre le fils et l’écrivain va permettre aux deux hommes de mettre des mots sur les silences du père, de compléter le puzzle dont ils avaient chacun les pièces manquantes et de panser leurs plaies pour pouvoir aller de l’avant.
On dit souvent que le cinéma, c’est la magie. J’aime bien connaitre les secrets que renferment les tournages. Une de ces histoires magiques que l’on retrouve au cinéma pourrait être celle de Marilou Gallais, la vieille dame qui joue le personnage de la grand-mère de Lucas (le fils du premier amour de Stéphane). La voici :
« Au moment des repérages, j’ai rencontré Marilou Gallais, 80 ans, qui nous faisait visiter sa ferme (qui est celle du film). C’est au cours de la visite que l’idée a germé : Marilou avait été viticultrice pour le cognac, elle avait perdu son fils peu après qu’il eut repris la ferme, mais malgré les drames de son existence, elle avait un instinct de vie très fort, elle faisait partie d’une chorale, elle avait rêvé d’être comédienne dans sa jeunesse, etc. Puis elle s’est mise à me parler cinéma et de son acteur préféré : Jean-Paul Belmondo, sans savoir que Victor serait dans le film! Imaginez sa tête quand je lui ai demandé si elle voulait jouer sa grand-mère… Plus tard sur le tournage, elle lui glissera malicieusement : “Comme je suis ta grand mère, c’est un peu comme si j’avais été la femme de Jean-Paul”. Toute cette scène est improvisée, Victor s’est vraiment mis au service de Marilou et, peu à peu, on ne savait plus ce qui était vrai ou pas. Victor était-il vraiment son petit-fils, et Marilou vraiment sa grand-mère? Cela a été l’un des moments les plus émouvants du tournage. »
Pourquoi est-ce que je vous raconte ça, vous direz? Parce que la force de Arrête avec tes mensonges vient de sa véracité et de l’émotion qu’il transmet au spectateur. Une émotion qui semble vraie, touchante, mais pas larmoyante. Évidemment, j’ai versé quelques larmes. Après tout, c’est moi… Mais le film ne tombe pas dans le mélodrame pathétique. Il garde le cap sur la relation entre les 3 personnages principaux qui sont liés d’une façon presque improbable. Presque…
Si vous êtes le moindrement du type mélancolique, vous serez happé par cette histoire. Imaginez rencontrer le fils ou la fille de votre premier amour, que vous n’avez jamais revu après que la relation se soit brutalement terminée.
Dans son long métrage, Olivier Peyon montre l’amour homosexuel comme on le voit que très rarement au cinéma français. Des baisers passionnés, les caresses et des étreintes réalistes, voici ce qu’offre cette œuvre. Rien de pornographique, rien qui soit trop explicite. Mais il est rare que l’on voit deux garçons s’embrasser aussi passionnément et se caresser aussi chaudement.
Après tout, c’est l’histoire d’un apprentissage, et les scènes de sexe incarnent cette évolution vers l’amour. Si la première scène est dépourvue de tendresse entre les deux personnages, la suite se déplace vers plus de délicatesse, de joie. On sent le désir du corps de l’autre, l’ivresse du plaisir s’installer. Quand ces deux garçons sont ensemble, plus rien d’autre n’existe.
Je vous le dis, un film parfait pour les nostalgiques, les mélancoliques.
Bande-annonce
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