La Chine a été fortement marquée par la guerre sino-japonaise et l’occupation japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le parti communiste chinois a, pendant des années, traité cette période comme une humiliation et a amené dans le pays un profond sentiment de haine contre les Japonais. Le cinéma, véritable portrait de la société d’un pays, n’a pas fait exception. De Bruce Lee qui fait face à un dojo japonais dans Fists of Fury aux nombreuses adaptations de récits de propagande et histoires de guerres chinoises, les fiers soldats chinois qui ont fait face à l’ennemi est une valeur sûre pour les salles là-bas. Cependant, certains ont eu plus de difficulté, comme le réalisateur Lu Chuan et son film City of Life and Death, relatant les événements du massacre de Nankin en 1937. Malgré un succès commercial, le film a été fortement critiqué pour avoir sympathisé un soldat japonais et le réalisateur a reçu de nombreuses menaces de mort. Mais le film d’aujourd’hui, Hidden Blade de Er Chang, ne risque pas de créer la controverse.
Le film est produit par Polybana Films, une des maisons de production les plus renommées en Chine, ayant produit de nombreux succès locaux, dont le célèbre Operation Red Sea de Dante Lam en 2017, ainsi que diverses participations à de grosses productions américaines. La société de production a d’ailleurs été nommée la « Miramax chinoise » par le magazine britannique Screen International. Hidden Blade est le troisième film du studio dans la « Trilogie de la Chine victorieuse », avec le film Chinese Doctors, saluant les efforts des médecins chinois pendant le début de la crise du Covid-19, ainsi que Battle at Lake Changjin, narrant un récit de propagande chinoise pendant la Guerre de Corée. Vous aurez compris que ces films brossent dans le sens des poils du parti communiste chinois, et Hidden Blade suit bien le schéma.
Dans ce film, on suit plusieurs agents doubles du parti communiste chinois pendant l’occupation japonaise à travers une guerre d’informations qui mettra à mal le régime en place. Le film laisse moins transparaître un message de propagande que les autres films de la trilogie. Certes, les héros sont de fiers communistes qui se battent contre l’ennemi japonais, mais l’histoire se permet d’être plus réaliste. On suit des véritables espions qui n’utilisent pas des gadgets loufoques comme James Bond, mais qui font preuve d’intelligence, d’intimidation et de malice pour arriver à leurs fins. Er Cheng sait retranscrire la réalité froide, pesante et inquiétante de la vie d’un espion.
Et aussi, qui de mieux pour jouer ce genre de rôle que le seul et unique Tony Leung Chiu-Wai dans le rôle principal. En même temps, même dans les mauvais films dans lesquels il apparaît, il offre une performance incroyable. J’aimerais aussi noter la performance de Wang Yibo, qui à travers son physique de chanteur k-pop (ce qu’il était), offre une performance non seulement convaincante, mais aussi assez effrayante en assassin pour les services secrets.
Mais si le film est un bon thriller d’espionnage, il a quelques défauts. Si on met de côté les aspects de propagande peu subtils, comme une scène de torture par les soldats japonais certes choquante, mais inutile et là que pour créer des réactions, son plus gros défaut est le montage. En effet, à la manière d’un Pulp Fiction ou d’un Christopher Nolan, la chronologie du film n’est pas dans l’ordre. Sauf que si cette idée peut sembler intéressante sur le papier, elle n’a aucun sens ici. Rien ne montre la raison pour laquelle le film ne suit pas l’ordre chronologique et le résultat rend le spectateur plus confus au déroulé du film. L’idée était sûrement de se démarquer des autres films d’espionnage, mais ça ne marche pas. De plus, jouer avec la chronologie pour cacher quelques éléments de l’intrigue n’est pas nouveau dans le genre des films d’espions.
Hidden Blade est un bon film d’espionnage. Les enjeux politiques de cette période ainsi que les stratégies des espions sont fascinants à voir, la propagande chinoise n’est pas trop présente et ça fait toujours un plaisir de voir Tony Leung dans un film, mais rien ne démarque vraiment le film dans la longue liste des films d’espionnage, et son principal gimmick de montage est raté. Le film reste un bon moment à passer, mais n’est pas un immanquable.
Bande-annonce
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