Les révolutions sont d’abord intérieures
Martin Stone a choisi la liberté : en 1966, il a pris la route pendant six ans avec ses filles Deborah et Jacqueline au sein de la plus grande communauté hippie d’Amérique du Nord : la Hog Farm. Aujourd’hui, tous les trois se sont construit des vies singulières. Martin n’a jamais renié ses choix. Il vit toujours en communauté dans le même appartement vétuste, au cœur du Mile End, à Montréal. Plus qu’une mode, le mouvement hippie s’est avéré sa raison d’être. Désormais installées à Philadelphie, Debbie et Jacquie vivent leur vie dans un cadre plus classique. Chacun semble répondre à l’autre en jetant un regard honnête sur sa vie, ses espoirs et ses désillusions.
Dans Histoire hippie, on rencontre un homme qui assume ses choix. Un homme qui a pris une dure décision il y a de cela plus de 40 ans, et qui en accepte tous les résultats. C’est aussi un homme qui a décidé de vivre d’une façon différente de la masse.
Jean-André Fourestié dresse un portrait touchant d’un homme, mais aussi de sa famille. Je devrais plutôt dire de ses familles. Car pour Martin Stone, il y a la famille nucléaire, et celle qu’on se construit nous-mêmes. Sa famille « de sang », il ne la voit pas vraiment. Il est séparé de sa femme, et ses deux filles vivent en Pennsylvanie, alors que lui vit à Montréal. C’est ici qu’il a construit, et qu’il construit toujours sa « vraie famille ». Des colocataires souvent de passage, qui vivent avec lui plus ou moins longtemps, mais avec qui il construit de forts liens.
Mais comment, en 2016, est-il possible de vivre selon le mode de vie hippie? Il est évident que la grande majorité des gens ne peuvent comprendre ses choix de vie. D’ailleurs, sa fille aînée ne le comprend toujours pas, et lui en veut un peu. Elle ne lui pardonne pas vraiment la façon dont elle et sa sœur ont été élevées. Elle considère qu’une commune n’est pas un endroit pour des enfants. Elle lui en veut de ne pas être présent pour sa cadette, qui souffre d’un lymphome. Il y a aussi son propriétaire, qui espère pouvoir se débarrasser de ce locataire étrange, qui change de colocataires trop souvent à son goût. Mais heureusement, il a ses amis (ou sa famille – comme il dit lui-même).
Le réalisateur bordelais montre bien l’incompréhension qu’a sa fille aînée envers le mode de vie de son père. Fourestié fait un superbe montage en parallèle qui montre, d’un côté, Deborah qui explique comment son père doit être seul puisqu’il n’a pas la chance d’avoir
une vraie famille, et de l’autre, Martin qui reçoit ses amis pour son anniversaire. On y voit là un homme heureux, entouré d’être qui lui sont chers, et qui tiennent à lui. On voit un party d’anniversaire chez la famille de Jacqueline, où tous sont assis sur une chaise autour du salon, où les gens ne bougent pas et discutent discrètement avec la personne assise juste à côté, alors que chez Martin, les gens parlent fort, se promènent, jouent de la musique, chantent et s’amusent.
Histoire hippie ne montre pas seulement un mode de vie en voie d’extinction, mais un mode de vie où on respecte les autres, l’univers et la planète. Peut-être que cet homme peut sembler étrange pour certains. Peut-être que pour ces gens, il vit dans le passé. Mais peut-être a-t-il compris quelque chose que la masse n’a pas encore comprise. Personnellement, je regarde cet homme, à travers les yeux de Fourestié, et j’entrevois les générations futures. En fait, lorsque je regarde certaines innovations que nous voyons apparaitre un peu partout – AirBNB, Car2Go, le couch surfing, et tout l’univers du « social sharing » – je vois ce que Martin a probablement passé toute sa vie à bâtir. L’être humain devrait vivre en harmonie avec ses semblables et avec la nature…
Le film sera lancé en grande première le 25 août au Cinéma du Parc à l’occasion des séances mensuelles RIDM+, en présence du réalisateur. Histoire hippie : un film sur les choix que l’on fait et leur impact sur nous et sur ceux qui nous entourent.
Note : 8/10
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