« Je veux voir l’acteur à côté du personnage ».
Margherita (Margherita Buy) est une réalisatrice en plein tournage d’un film dont le rôle principal est tenu par un célèbre acteur américain. À ses questionnements d’artiste engagée, se mêlent des angoisses d’ordre privé : sa mère est à l’hôpital et sa fille (Beatrice Mancini) en pleine crise d’adolescence. Et son frère, quant à lui, se montre comme toujours irréprochable… Margherita parviendra-t-elle à se sentir à la hauteur, dans son travail comme dans sa famille.
Présenté au TIFF et à Cannes en 2015, Mia madre, de Nanni Moretti, pourrait être qualifié de film autobiographique. Cela en dépit du fait que Moretti s’y refuse. Pour lui, chaque histoire est autobiographique. Plus encore que de vouloir mesurer le taux d’autobiographie dans ses œuvres, ce qui compte pour lui, c’est d’avoir une approche personnelle vis-à-vis de toutes les histoires.
Il est tout de même difficile de ne pas faire le lien entre la mère de Margherita et celle de Moretti. Les deux ayant été professeures de langue (latin pour le personnage et lettre, latin et grec pour la mère du réalisateur). Les deux ayant marqué leurs élèves au point où ceux-ci ont continué de prendre des nouvelles plusieurs années après les avoir eues comme enseignante. Moretti racontait : « Chaque semaine, au moins une personne me disait avoir été son élève. Beaucoup de ses anciens élèves venaient lui rendre visite des années après avoir passé leur bac. Je n’ai jamais eu une relation de la sorte avec un de mes professeurs. » Moi non plus d’ailleurs!
Autre point commun entre les deux femmes : la mère de Nanni Moretti est décédée de façon similaire à celle de l’histoire. Bon, assez de potinage sur la vie des mamans.
Mia madre, c’est aussi un questionnement sur la gestion des émotions. Comment peut-on mettre de côté les difficultés de notre vie personnelle lorsqu’on arrive au travail. Et comment mettre de côté les problèmes professionnels lorsqu’on est en famille. Margherita est simplement incapable de gérer les émotions provoquées par la maladie de sa mère. Alors lorsqu’arrive l’acteur américain Huggins (joué de façon admirable par John Turturro), la réalisatrice explose. Et on peut la comprendre.
Dans son film, Moretti s’inspire de Fellini pour la narration. Il omet d’insérer une séparation claire entre les scènes de rêve et celles de réalité, procédé qui réussit très bien d’ailleurs. Le réalisateur de Mia madre explique qu’il est parfois important de raconter une histoire de manière non académique, d’avoir une narration qui ne se contente pas de bien faire ses devoirs et qui, tout en les connaissant, puisse se passer des règles du récit.
Tout au long du film, Margherita répète à ses acteurs : « Je veux voir l’acteur à côté du personnage ». Mais lorsqu’on lui demande la signification de cette phrase, elle ne peut l’expliquer. Mais au fait… qu’est-ce que ça veut dire? Moretti explique : « C’est une chose que je dis toujours. Je ne sais pas si les acteurs la comprennent, mais à la fin, j’arrive à obtenir ce que j’avais en tête. »
C’est clair maintenant, non? Si vous ne comprenez toujours pas, dites-vous que vous n’êtes pas seul…
Mia madre est touchant mais pas quétaine, intelligent mais pas ennuyant, magnifique mais accessible.
Note : 9/10
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