« I don’t like killing pilot whale. »
[Je n’aime pas tuer des baleines-pilotes]
Des centaines de baleines-pilotes sont tuées chaque année dans les fjords des îles Féroé. Au Grind, les activistes de Sea Shepherd s’opposent à cette pratique traditionnelle spectaculaire et sanglante. Couteaux à la main, les Féringiens dénoncent quant à eux l’hypocrisie de ceux qui mangent de la viande sans chercher à comprendre ce qui se passe derrière les murs de nos abattoirs. Le Grind ne serait que la partie visible de l’iceberg d’une réalité bien plus dérangeante.
C’est un documentaire dans lequel il est question de la pratique du grindadráp, chasse traditionnelle des habitants des Îles Féroé. Différents points de vue donnent à voir la complexité pour un peuple de maintenir ses traditions au quotidien.
Le documentaire réalisé par Vincent Kelner s’intéresse à une pratique qui a cours aux Îles Féroé, pays constitutif du Royaume du Danemark, mais qui est interdite partout dans le monde sauf dans l’archipel féringien. Le grindadráp, plus communément connu comme étant le grind, est une chasse aux cétacés au cours de laquelle des centaines d’animaux peuvent être tués afin de nourrir la population féringienne. Profondément ancrée dans l’identité féringienne depuis des siècles, la pratique est décriée par des organisations consacrées à la protection des milieux marins comme Sea Shepherd. Toutefois, comme le mentionne Jeans Mortan Rasmussen, enseignant, menacer la pratique du grind, c’est aussi de s’attaquer au peuple : « You take something away from the Faroese identity. » Bien que l’animal soit redistribué aux habitants et que la chasse soit seulement menée lorsqu’elle est « nécessaire », les méthodes employées et la quantité de cétacés exécutés sont des éléments remis en question par Sea Shepherd. Alors qu’autrefois la pratique du grind était associée à un acte de survie, ce n’est plus le cas maintenant, et les militants de l’organisation de protection demandent que les Féringiens réfléchissent à leur façon de se nourrir.
En toute honnêteté, le documentaire n’est pas pour les personnes ayant une âme sensible. De nombreuses images montrent la chasse pour ce qu’elle est : sanglante. Une mer dont la teinte rouge ne peut que rappeler la quantité de sang qui y est déversée. Des plans rapprochés alors que des globicéphales se font sectionner la moelle épinière. Les images sont extrêmement graphiques et le regard doit parfois être détourné. À la beauté du paysage féringien se heurtent les plans comme celui où, après un grind, une baleine et ce qui est présumé être son enfant sont pendus par la queue, côte à côte.
Le documentaire de Kelner donne à entendre plusieurs points de vue. Ceux et celles qui défendent le grind disent de celui-ci qu’il est essentiel, qu’il fait partie de la culture du peuple des Îles Féroé, que de manger la nourriture locale a des nombreux avantages… Leurs opposants, eux, leur demandent de faire preuve d’humanité, de repenser la nécessité d’une telle chasse. Pourtant, il ne semble pas y avoir de pratiques exemplaires : lors d’une réunion entre les militants de Sea Shepherd pendant laquelle la porte-parole Pamela Anderson prononce un discours, un Féringien demande quelle est la différence entre manger de la baleine et manger de la viande. Anderson déclame alors qu’il faut repenser nos façons de faire, en général, sans nécessairement répondre à son détracteur. Les doubles standards sont critiqués : « I cannot stand to see things die, but I want to eat things that are dead. » Ceux qui doivent retirer la vie aux cétacés ne ressentent pas nécessairement du plaisir, c’est plutôt le devoir qui semble les guider : « If you’re not able to kill the animal, you’re not allowed to eat it. » Entre la préservation de la culture et le désir (la nécessité) de changer les pratiques, tous semblent être au cœur de leurs propres incohérences.
L’œuvre documentaire de Kelner plonge le spectateur dans un voyage, un bain de sang duquel il ne peut en ressortir que dérangé et confronté à ses propres choix éthiques, car les enjeux abordés traversent les continents.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième