Keyvan Sheikhalishahi est un jeune cinéaste français âgé de 23 ans. Pour le moment, il a réalisé trois courts-métrages, chacun ayant eu une bonne réputation dans les festivals de films un peu partout dans le monde. Son troisième court-métrage, Divertimento, continue aujourd’hui de faire le tour de la planète.
Il s’agit d’un thriller dans lequel les personnages du film sont enfermés dans un château et représentant chacun une pièce d’un jeu d’échecs.
Le petit septième a eu l’occasion, non seulement de pouvoir visionner le film, mais aussi de s’entretenir avec le réalisateur.
David Simard-Jean (DSJ) : Tout d’abord, pourriez-vous vous présenter?
Keyvan Sheikhalishahi (K S) : J’ai 23 ans. J’ai fait trois courts-métrages. J’ai fait mon premier court-métrage quand j’avais 18 ans avec Götz Otto. C’est un acteur allemand qui est surtout connu dans son pays, mais il a aussi joué dans des films internationaux comme James Bond, pour Spielberg ou Cloud Atlas. C’était une chance incroyable pour moi, une occasion vraiment extraordinaire de faire le premier court-métrage avec lui. Ensuite j’en ai fait un deuxième, et celui-ci c’est donc mon troisième. Les deux derniers courts-métrages sont en anglais avec des acteurs américains, suédois, allemands, anglais et français.
DSJ : Le concept derrière le court-métrage Divertimento consiste en des personnes qui se comportent comme dans un jeu d’échecs. D’où est venue cette idée?
K S : Au début, je voulais faire un film sur le concept du jeu. Mais j’imagine que tu le sais, il y a déjà un film sur le jeu, The Game de David Fincher. C’était inconcevable pour moi de faire la même chose, ou de quoi qui soit vraiment proche. Même si j’aime ce film et que c’est une référence, je ne voulais pas faire de quoi qui soit trop proche. Donc je me suis dit, l’idée des échecs, pour l’instant, n’a pas été trop traitée au cinéma. Il y a des films sur les échecs, des drames, des thrillers, des films policiers, mais avec la représentation de chaque personnage, je n’en ai pas trouvé. L’idée que j’ai eue est que pour le troisième court-métrage, je voulais travailler avec beaucoup d’acteurs, parce qu’avant je travaillais avec trois acteurs, mais je voulais travailler avec plus d’acteurs, et c’est un court-métrage. Je me suis dit qu’il faut que chaque personnage ait quelque chose à apporter au film, dans la mesure qu’à chaque fois que je vais aller chercher un comédien, je vais lui dire « voici ce que tu vas apporter à l’histoire ». Donc, c’est comme ça que l’idée des échecs m’est venue.
DSJ : Tu avais tout à l’heure parlé de The Game de Fincher et comment c’était une référence, notamment sur la fin.
K S : Oui. Déjà, David Fincher fait partie de mes cinéastes préférés avec Christopher Nolan et Alfred Hitchcock. The Game est une grande référence. Divertimento est un film entre réalité et imagination, The Game est entre réalité et mise en scène. Il y a une question sur la mise en scène et la mise en abîme. Divertimento n’est pas une mise en scène dans le film, mais il y a une mise en abîme psychologique. C’est un peu le même concept d’emboîtage.
DSJ : Tu m’as dit que tes deux derniers courts-métrages ont été faits avec des acteurs internationaux. Quel est le processus pour en avoir?
K S : C’est très difficile. J’ai travaillé avec des acteurs américains, mais moi je ne connaissais personne quand j’ai commencé à travailler dans le cinéma, j’avais zéro contact. Donc, ce n’est pas venu comme ça, par magie. C’est un processus long et très complexe. Déjà, comme je l’ai dit, le premier court-métrage, j’ai travaillé avec Götz Otto, qui a joué dans une centaine de films et qui a travaillé à l’international, qui a fait de très grands films. Donc, c’était une très grande chance pour moi et ça me permettait de dire aux acteurs américains « Voyez, j’ai quand même travaillé avec un acteur international », donc c’était une carte de visite qui était énorme. Donc ensuite, à chaque fois que j’ai demandé aux comédiens pourquoi ils venaient faire le film, ils m’ont dit que « c’est le personnage qui m’intéresse ». Je pense que ça a beaucoup joué. Je crois que l’histoire et les personnages ont une profondeur et je pense que c’est pas toujours le cas dans un court-métrage. Dans la mesure où dans un court-métrage, on met en avant un concept, ce qui est très bien, il faut savoir raconter très vite un concept, et c’est pas facile. Damien Chazelle dans Whiplash il avait parfaitement réussi ça par exemple. Mais souvent, dans les autres courts-métrages, on privilégie le concept et on oublie le personnage et l’histoire, ce qui dans un long-métrage ne pourrait pas marcher. Donc j’ai essayé de travailler comme pour un long-métrage en fait. D’avoir un concept pour un court, mais d’avoir la même profondeur pour les personnages et l’histoire qu’un long.
DSJ : Comment s’est déroulé le tournage?
K S : L’ambiance était vraiment extraordinaire. Déjà, il y en a trois qui viennent de Los Angeles. Donc, s’ils vont de Los Angeles à Paris pour cinq jours de tournage pour moi, c’est qu’ils sont cool. Le tournage s’est vraiment bien passé. Je pense que tout le monde peut dire qu’on s’est tous senti comme une famille. Ensuite, pour le lieu, c’était compliqué de trouver un château. Je pense qu’on l’a trouvé deux semaines avant le tournage, et le château ne voulait pas travailler avec nous parce que c’est un court-métrage et on a moins de moyens qu’un long-métrage. J’ai beaucoup appelé, j’ai beaucoup insisté, je leur ai dit « Moi, je veux votre château et si vous n’acceptez pas, je ne ferais pas mon film et ce sera de votre faute. Et vous vous expliquerez avec les agents des acteurs et tout le monde. » J’ai fait ça, c’était une blague, mais je leur ai quand même dit ça et au bout du compte ils ont accepté de nous donner leur château.
DSJ : D’ailleurs, j’ai l’impression d’avoir aperçu ce château dans d’autres films? Quel est cet endroit?
K S : C’est le Château de Champlatreux en région parisienne qui date du 18e siècle. En effet, on l’utilise pour d’autres films. Les illusions perdues ont une séquence à l’intérieur. On tourne aussi des clips, des pubs, souvent des shooting mode aussi. On l’utilise beaucoup, mais pour un court-métrage, on l’utilise moins.
DSJ : Pour revenir sur les acteurs, l’acteur principal n’est pas une grosse star, mais c’est quelqu’un d’assez connu, soit Kellan Lutz qui a notamment joué dans Twilight. Comment tu l’as approché pour le rôle?
K S : Ce qui m’intéressait avec lui, c’est qu’il est connu dans le cinéma américain pour toujours jouer le gentil et le héros. Dans Twilight, c’était le frère de Robert Pattinson, donc c’était le camp des gentils. Il était dans Expendables avec les gentils. Il était dans FBI et c’était un agent. Il a souvent joué des rôles iconiques dans le camp des gentils. Ce qui m’intéressait avec lui, c’était de choisir un acteur qui renvoie une image de gentil. Je voulais avoir cette image-là pour essayer de la déconstruire dans la dernière partie du film. Parce qu’à la fin du film, qui est le gentil, qui est le méchant, on ne sait pas trop y répondre. C’est ça qui m’intéressait : apporter une ambiguïté à une image qui est déjà construite.
DSJ : Quels sont tes thèmes de prédilection?
K S : Déjà, j’aime bien les ambiances nocturnes. Sinon, j’aime bien aller au fond des relations entre les personnages, c’est-à-dire que je pense que le cinéma est un bon médium pour ça et c’est ce que j’ai essayé d’expérimenter avec les trois courts-métrages, de comprendre audiovisuellement ce qui se passe dans la tête des personnages. Par exemple, des séquences de rêve, de cauchemars, d’imagination. Audiovisuellement, je pense que l’on peut montrer ce qui se passe dans la tête des personnages, ce qui est plus difficile avec un tableau ou un livre. Ce qui est quand même possible, mais au cinéma, c’est plus visuel. David Fincher et David Lynch ont poussé ce mécanisme à l’extrême. Moi, je ne vais pas aussi loin que Lynch, mais je trouve que c’est intéressant de comprendre psychologiquement ce que les personnages pensent et ressentent, et j’ai l’impression que ça rend le scénario et l’histoire en trois dimensions.
DSJ : Pour finir, est-ce qu’il y aurait un futur long-métrage en préparation?
K S : J’ai un long-métrage en préparation, donc je croise les doigts. J’ai un manager maintenant aux États-Unis, donc je croise les doigts. Le scénario est à un stade plutôt avancé, c’est en préparation.
DSJ : Sinon, un autre court en attendant?
K S : Je n’en prévois pas. Je prévois ce long-métrage.
DSJ : En quelques mots, ce sera quoi?
K S : C’est un thriller. Il sera différent des courts-métrages, mais il y aura beaucoup de points communs. Pour ceux qui ont vu les courts-métrages, ce sera comme une suite logique, mais il restera pour autant assez différent.
DSJ : On espère le meilleur pour toi.
K S : Merci.
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