« Io non so chi sono. Non so se sono italiana. Non so se sono Marocchina. »
[Je ne sais pas qui je suis. Je ne sais pas si je suis italienne. Je ne sais pas si je suis marocaine.]
Fatima (Nadia Kibout) est une fille de 16 ans née en Calabre de parents musulmans. Elle, comme beaucoup de filles de son âge, vit une période remplie de conflits et d’émotions. Cependant, elle a le sentiment qu’il y a quelque chose de différent en elle qui la conduit souvent à être seule, à l’écart de ses pairs et à constamment se sentir pas à sa place. Jusqu’au jour où le professeur d’éducation physique, Michele Scimone (Giuseppe Fiorello) , propose à tous ses élèves la possibilité de s’inscrire au marathon de Sant’Antonio. Cette opportunité inattendue suscite l’intérêt de Fatima qui est désormais déterminée à courir. Michele, ancien marathonien calabrais renfermé, est frappé par la détermination et la vitalité de l’adolescente. Malgré l’incompréhension et les préjugés initiaux, la course sera le début d’une relation qui changera leur vie.
Avec son premier long métrage, L’afide e la formica (que l’on pourrait traduire par Le puceron et la fourmi), Mario Vitale propose une œuvre au format classique qui traite d’une relation de saine dépendance entre deux êtres que tout sépare.
La nature est bien faite. C’est en s’inspirant de celle-ci, ou plus précisément de la relation de mutualisme entre les fournis et les pucerons, qu’est né le titre de L’afide e la formica. Pour résumer, les pucerons se nourrissent de sève et produisent à titre de déjection le miellat. Les fournis sont friandes de ce liquide translucide et sucré. Ainsi, les fournis protègent les pucerons en échange de quoi elles peuvent se nourrir du délicieux liquide. On pourrait donc dire que ces deux insectes ont créé une sorte de saine dépendance l’un envers l’autre.
Où m’en vais-je avec cette histoire de bibittes? D’accord, revenons au titre. Le titre, si on le traduit en français, serait « le puceron et la fourmi ». Cette analogie de l’insecte représente la relation entre Fatima et Michele. Je ne saurais dire lequel est le puceron et lequel est la fourmi, mais ce n’est pas vraiment important. Ce qui compte, c’est comment Vitale décrit cette saine dépendance. Fatima et Michele sont tous deux coincés dans une peine, une vie qui ne leur convient pas. Leur rencontre deviendra un exutoire commun. L’homme deviendra un mentor, un père pour la jeune femme qui se cherche. Quant à Fatima, elle sera une occasion de se racheter et de reprendre sa vie en main pour l’ancien champion.
Ce type d’histoire n’a rien de nouveau. On l’a vu encore et encore. Mais dans le cinéma italien, c’est beaucoup moins fréquent. De plus, elle met en scène un italien pur et dur, et une fille d’immigrants. Les relations entre Italiens et immigrants ne sont pas encore très « naturelles » dans le cinéma italien.
On pourrait croire que L’afide e la formica traite d’immigration. Ce serait un constat facile pour quelqu’un qui n’a pas vu le film. En réalité, le réalisateur (et coscénariste) montre plutôt le sentiment d’incertitude que peuvent vivre les immigrants de deuxième génération. Fatima est née en Calabre. Elle est italienne. Mais elle a la peau brune et elle porte un hijab. C’est suffisant pour que les gens tiennent pour acquis qu’elle ne soit pas italienne. Ce que montre donc le film c’est comment cette jeune femme se sent prise entre deux mondes, sans faire partie d’aucuns d’eux. La phrase que j’ai mise au début de mon texte résume bien comment Fatima se sent, et comment des centaines, voire des milliers, d’enfants d’immigrants se sentent.
C’est donc d’identité que le film parle. Identité et rédemption. Les deux sont souvent liés. Michele aussi est à la recherche de qui il est. Dans son cas ce n’est pas tant une migration qui en est la cause, mais une perte. Le scénario est bien écrit et il montre de façon claire, mais subtile c’est quoi être à la recherche de soi et que ça peut toucher tant un italien pur et dur qu’une fille d’immigrants.
Pourquoi un simple drame mérite une note de 8, vous me direz? C’est une bonne question. Merci de demander. 😉
En cours de film, on comprend que Michele a récemment vécu un drame. Ce drame permettra au réalisateur d’ajouter un côté sombre et mystérieux à son long métrage. Ainsi, dans la deuxième partie du film, le professeur se lance dans sa quête personnelle. Une quête dangereuse, qui le mènera quelque part où il ne devrait peut-être pas aller. Je ne veux pas donner trop de détails, mais cet élément apportera du suspense à la deuxième partie de l’œuvre. Et c’est tellement bien intégré que le spectateur se laisse prendre au jeu.
Ainsi, avec L’afide e la formica, Vitale réussi à créer une œuvre forte, qui gardera le spectateur collé à son siège. Il réussit à traiter d’un sujet tabou (en Italie) sans pour autant en faire un film difficile ou provocant.
Bande-annonce
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