Paul Dédalus (Mathieu Amalric [Paul adulte] et Quentin Dolmaire [Paul jeune homme]) va quitter le Tadjikistan. Il se souvient… De son enfance à Roubaix… Des crises de folie de sa mère… Du lien qui l’unissait à son frère Ivan, enfant pieux et violent… Il se souvient… De ses seize ans… De son père, veuf inconsolable… De ce voyage en URSS où une mission clandestine l’avait conduit à offrir sa propre identité à un jeune homme russe… Il se souvient de ses dix-neuf ans, de sa sœur Delphine, de son cousin Bob, des soirées d’alors avec Pénélope, Mehdi et Kovalki, l’ami qui devait le trahir… De ses études à Paris, de sa rencontre avec le docteur Béhanzin, de sa vocation naissante pour l’anthropologie… Et surtout, Paul se souvient d’Esther (Lou Roy-Lecollinet). Elle fut le cœur de sa vie. Doucement, « un cœur fanatique ».
Le 26 février prochain se tiendra la 41e cérémonie des César. Le long métrage d’Arnaud Desplechin (qui a notamment réalisé Jimmy P.), Trois souvenirs de ma jeunesse, est en nomination dans 11 catégories, dont meilleur film, meilleur scénario original, meilleur espoir masculin pour Quentin Dolmaire et meilleur espoir féminin pour Lou Roy-Lecollinet. J’avais manqué la sortie du film l’automne dernier au Québec. J’étais maintenant intriguée de le découvrir et je n’ai pas été déçue.
C’est le souvenir de la relation entre Paul et Esther qui occupe la plus grande partie du film. Esther vit dans le nord de la France, à Roubaix, là où vit aussi la famille de Paul. Le jeune homme, lui, habite à Paris où il poursuit ses études. La relation épistolaire qui se développe entre les deux personnages prendra de plus en plus de place. Souvent, plutôt que de les voir écrire et d’entendre en voix off le texte qu’il rédige, les personnages s’adressent directement à la caméra, comme si elle devenait une fenêtre ouverte vers l’autre. Cela crée un effet très intéressant.
Paul est un jeune homme surprenant, qui a une bonne répartie et fait preuve de beaucoup d’ironie. À l’un des prétendants d’Esther, Paul déclare avec humour, sachant très bien qu’il en récoltera des coups : « Je crois que tu l’agaces. Même moi, on se connaît pas et déjà tu m’agaces un peu. » Il refusera de faire du pouce parce que « la 5e fois qu’un type te sort sa bite, ça fatigue ». Et ce n’est là que la pointe de l’iceberg. Quentin Dolmaire décrit d’ailleurs son personnage comme « quelqu’un qui comprend parfaitement le monde qui l’entoure, mais qui est complètement “inefficace”. Il aurait presque l’air de savoir où il va, mais ça ne lui sert pas du tout. »
Pour le personnage d’Esther, le réalisateur parle d’une « aspiration à la grandeur ». Elle veut être exceptionnelle; elle a besoin de briller dans le regard des autres. Et Paul célèbre à la fois son physique, mais aussi son intelligence. Leur amour les fait évoluer, bien qu’il paraisse parfois plutôt trouble et malsain.
Pour changer de lieu ou d’époque, le réalisateur joue aussi avec son cadrage. L’image apparaît alors dans un petit rond, entouré de noir. Comme si nous regardions dans l’objectif d’un télescope, comme si on épiait les personnages.
Trois souvenirs de ma jeunesse présente ainsi trois temps de la vie d’un homme, et peut se voir comme un hymne à la jeunesse, à la fougue et à l’idéalisme de la jeunesse.
Note : 8,5/10
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