Nicolas (Paul Savoie), médecin et homme de science célèbre, est atteint d’une maladie incurable et sait qu’il va mourir. Vieillissant, insomniaque, mal marié à une femme (Barbara, interprétée par Marie-Thérèse Fortin) plus jeune que lui, père d’une adolescente qu’il ne comprend pas (Anne, interprétée par Ariane Legault), la seule chose qui le rattache à la vie est l’affection de sa fille adoptive, Katia (Marie Eve Pelletier). Mais Katia, dans la trentaine, a abandonné le métier de comédienne et se débat dans une profonde mélancolie. Nicolas est impuissant devant son désarroi. Lui qui a consacré toute sa vie à ses travaux scientifiques, il se rend compte qu’il est passé à côté de l’essentiel et qu’il lui manque « comme un élément de liaison qui ferait de (sa) vie un tout » (Tchekhov). Confronté aux grandes questions de l’existence à travers l’angoisse de Katia, il se rend compte qu’il est aussi démuni qu’elle devant le vide de sa propre vie et l’imminence de sa mort.
Le journal d’un vieux homme de Bernard Émond s’inspire du récit Une banale histoire d’Anton Tchekhov. Le réalisateur a tenté de rester au plus près de ce texte du 19e siècle. Il faut dire que les thèmes de la vieillesse et du mal-être qui parcourent le récit étaient, sont et resteront probablement toujours d’actualité.
Tout au long du film, une voix off, celle de Nicolas, nous permet d’entrer dans la tête de ce personnage, de connaître ses moindres pensées et de revivre avec lui quelques-uns des moments marquants de sa vie. Sa voix est douce, apaisante. L’éclairage est feutré, enveloppant. Et le jeu des acteurs est très bon, minimaliste. Le rythme du film est lent, comme la démarche du vieil homme. On ne peut qu’être sensible à cet être vieillissant, de même qu’à la détresse de sa fille adoptive. Cette relation père-fille, pleine de tendresse et de silences, est centrale. Elle est indispensable à l’équilibre de Nicolas, mais aussi à celui de Katia.
En proie à l’insomnie, Nicolas est continuellement confronté aux « heures inutiles » de la nuit, où rien de constructif n’en ressort. Il ressent un profond ennui et est de plus en plus indifférent, ce qui l’effraie un peu. Et comme il le dit si bien : « l’indifférence est une paralysie de l’âme, une mort anticipée ». Sa fin étant proche, il s’attriste de ne pas croire en Dieu, il a l’impression qu’il lui manque « un élément de liaison qui ferait de sa vie un tout ».
Quelques répliques sont particulièrement savoureuses et imagées. Le personnage de Michel (Patrick Drolet), l’ami de Katia, compare Youppi à un phénix en affirmant que la mascotte des Canadiens renaît de ses cendres comme la bêtise humaine. Ce genre de répliques ébranle Nicolas qui ne veut pas sombrer dans l’amertume et le pessimisme. Le vieil homme veut que Katia soit heureuse, qu’elle retrouve sa joie de vivre.
La musique du film est composée des quatuors de Chostakovitch : « Pour moi, peu de compositeurs ont aussi bien “parlé”, si je puis dire, de la perte et de la mort. La mort est bien entendu le sujet du récit de Tchekhov, et la musique de Chostakovitch est extraordinairement proche de la douleur et de la mélancolie qu’il exprime », confiait le réalisateur.
Le journal d’un vieil homme est un magnifique film poétique, doux et triste.
Note : 9/10
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