Rebecca (Juliette Binoche) est l’une des photographes de guerre les plus respectées au monde. Lors d’un reportage à Kaboul où elle suit une femme kamikaze, elle s’en approche trop près et est grièvement blessée. De retour chez elle, une autre bombe menace d’exploser. Son mari (Nikolaj Coster-Waldau, connu notamment pour son rôle de Jamie dans la série télé Game of Thrones) et ses filles, ne supportant plus l’idée qu’elle puisse perdre la vie en mission, lui demandent une dernière fois de choisir entre son travail et sa famille.
A thousand times good night, une coproduction irlando-norvégienne, est le quatrième long métrage d’Erik Poppe. Le réalisateur a lui-même couvert plusieurs conflits majeurs dans les années 1980 et le film reflète son expérience. Le long métrage avait d’ailleurs remporté, en 2013, le Grand prix spécial du jury au Festival des films du monde de Montréal.
Rebecca photographie ce qu’elle voit, dont un bon nombre d’atrocités. Pour que les gens apprennent ce qui se passe ailleurs dans le monde. Pour qu’ils remettent en perspective leurs propres maux. Elle le fait souvent au péril de sa vie, sans sembler vraiment le réaliser. Elle porte en elle une rage profonde, et son travail lui paraît être la meilleure façon de canaliser sa rage.
Cette figure de photographe m’a fait penser à Sebastião Salgado, magnifiquement présenté dans Le sel de la terre. Après avoir longtemps couvert les conflits internationaux, les famines, etc., Salgado ne se sentait plus capable de photographier toute cette souffrance. Dans son dernier projet photographique, il choisit de capturer la vie et non plus la mort.
Dans A thousand times good night, la famille de Rebecca souhaite qu’elle cesse d’être au cœur des conflits. On pourrait comparer ses perpétuelles mises en danger au comportement d’un fumeur. Parfois ce dernier réussit à arrêter de fumer par amour pour autrui (ses enfants, son conjoint, etc.), mais la plupart des fumeurs qui parviennent à écraser définitivement le font d’abord pour eux… Rebecca doit arrêter son travail sur le terrain pour elle-même. La bombe l’a ébranlée, mais le choc suffira-t-il à la faire renoncer? Son amour pour sa famille le pourra-t-il?
Les relations mère-fille sont aussi présentées. Pour la cadette, l’arrivée de sa mère est toujours une grande joie. Elle est plus ou moins consciente des dangers encourus par sa mère. L’aînée, elle, l’est complètement. Rebecca a toujours été très absente, et la complicité semble disparue. Mais en lien avec un projet scolaire sur l’Afrique, l’adolescente sollicitera l’aide et l’expérience de sa mère. Une possible réconciliation point à l’horizon… Je dois dire que les rapports mère-enfant m’ont toujours beaucoup passionnée, au cinéma comme en littérature, et ils sont ici bien travaillés.
Le film a un très beau rendu photographique. Heureusement se dira-t-on, compte tenu du sujet. D’ailleurs, on voit, à deux ou trois reprises dans le film, une courte séquence, filmée sous l’eau, où une personne tente de garder la tête à la surface. C’est un plan magnifique.
A thousand times good night témoigne, par le travail de photographe de Rebecca, du côté sombre de l’humanité. Mais on y trouve aussi beaucoup de lumière, notamment par les plaisirs vécus en famille.
Note : 8/10
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