[FNC] Bootlegger – Une lutte incertaine vers l’autodétermination

« Tu viens, tu prends et tu repars. […] Il y a ceux qui ont le courage de partir et ceux qui ont le courage de rester. »

Bootlegger - afficheMani, une étudiante à la maîtrise, revient dans la région du Nord du Québec où elle a grandi. Son passé douloureux resurgit. Résolue à se frayer une place, elle s’investit dans le débat entourant un référendum qui vise à permettre la vente libre d’alcool. Laura, une trafiquante, empoche les profits sous la protection du conseil de bande et de Raymond, son conjoint. Ce dernier en veut encore à Mani, qu’il tient responsable de la mort de sa fille dans un incendie. Deux femmes radicalement opposées divisent rapidement la communauté en deux clans qui se retrouvent dans un face-à-face visant à déterminer le meilleur chemin vers l’indépendance.

Drame dans lequel le quotidien côtoie la résilience, mais aussi la volonté de faire autrement, la réalisatrice (Catherine Monnet) donne à voir la force d’un peuple qui subit encore les conséquences d’années de politiques coloniales.

Le symbole du bootlegger – Une lutte de tous les instants

D’emblée, le titre du film, Bootlegger, semble annoncer le propos principal du récit – la vente illégale d’alcool. C’est dans la communauté algonquine de Mani (Devery Jacobs) que Laura (Pascale Bussières) y mène son trafic d’alcool. Certaines règles régissent toutefois le commerce, alors que tous dans la communauté semblent savoir – mais sans jamais rien dire – que les malheurs sont attribuables à la conjointe de Raymond (Jacques Newashish), membre du Conseil de bande. Plusieurs acceptent de se fermer les yeux, au détriment du bien-être collectif. 

BOOTLEGGER - Le symbole du Bootlegger

Devant cette hypocrisie, Mani donne la parole aux membres de la communauté alors qu’elle les invite à témoigner de leur expérience, mais aussi à se prononcer lors d’un référendum sur la vente libre d’alcool – gérée par et pour les membres. Dans un contexte de tension, les relations sont teintées par la corruption, par la défaite, mais aussi par l’espoir de jours meilleurs.

La réalisatrice se donne comme objectif de dénoncer : « Il existe une réelle hypocrisie de la part du gouvernement canadien face à la question des réserves en ne fournissant pas les ressources nécessaires. Cette hypocrisie existe au centre même de la communauté dans Bootlegger et se manifeste sous forme de corruption, de secrets et d’intrigues familiales. » Ces propos ne sont pas sans rappeler, qu’encore aujourd’hui, des communautés autochtones, partout au Québec et au Canada, doivent vivre avec les ruines de la Loi sur les Indiens.

Le retour aux origines

Les premières scènes du long-métrage donnent à voir, en flashback, le passé douloureux de Mani. Les événements traumatiques qu’elle cherche à fuir finissent par la rattraper alors qu’elle revient dans sa communauté en tant que candidate à la maîtrise en droit. « Est-ce que tu reconnais la route? », cette question que lui pose son grand-père (C, S, Gilbert Crazy Horse ) représente la possible perte, le retour caractérisé par l’irréconciliable. 

BOOTLEGGER - Le retour aux origines
Mani (Devery Jacobs) de retour

Entre ses projets de recherche, Mani finit par s’impliquer dans un référendum qui fera émerger maintes blessures. Elle est confrontée à la vie dans la communauté, vie marquée par la vente d’alcool illégale qui détruit au quotidien et par l’immensité du territoire. C’est un lieu de ressourcement, souillé par les drames de la consommation. C’est le lieu des origines.

Une distribution à saluer

Il faut souligner que la majorité des scènes se déroulent dans la communauté algonquine. Les nombreux visages à l’écran inspirent un riche avenir pour le cinéma des Premiers Peuples. 

Les interactions entre Mani et sa grand-mère, Nora (Joséphine Bacon), sont un bijou pour le public. La sincérité des regards et la profondeur des silences semblent provenir de l’intérieur même des âmes des acteurs et des actrices, comme si leur propre histoire était jouée à l’écran. 

BOOTLEGGER - Une distribution à saluer

Oscar (Samian) et Éric (Charles Bender) incarnent le désir de faire mieux, mais aussi l’incapacité d’agir seul. 

Le grand-père de Mani, Johnny, évoque un passé qui ne nous quitte jamais. Les traditions qui doivent continuer d’être transmises de génération en génération.

Les échanges entre Mani et les membres de la communauté illustrent la difficile résilience dont ces derniers font constamment preuve. Entre les drames collectifs évoqués dans le film et les drames personnels des personnages, c’est le devoir de mémoire qui rappelle à tous qu’une réconciliation est possible.

Note : 8/10

Bootlegger est présenté au FNC le 8 octobre 2021.

Bande-annonce

Fiche technique : 

Titre original : Bootlegger
Durée : 81 minutes
Année : 2021
Pays : Canada
Réalisateur : Caroline Monnet
Scénario : Caroline Monnet et Daniel Watchorn

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