« Les temps durs créent les hommes durs,
Les hommes durs créent les bons temps,
Les bons temps créent les hommes faibles,
Les hommes faibles créent les temps durs. »
Suite à l’élection d’un gouvernement d’extrême-droite au Canada, Hiên (Nguyen Thanh Tri) décide de vendre son commerce et sa maison pour retourner au Viet Nam. Mais Alex (Mickaël Gouin), son ex-beau-fils, vient chercher refuge chez lui, avec, à sa traîne, un enfant (Stanley Junior Jean-Baptiste). Ensemble, ces trois hommes doivent cohabiter durant quelques semaines de grande transformation.
Avec son deuxième long métrage, Le meilleur pays du monde, Ky Nam Le Duc offre un film sur la survivance des immigrants en sol québécois, dans un monde où un gouvernement d’extrême-droite, nationaliste prendrait le pouvoir. Une fiction qui fait fortement réfléchir.
Qu’arriverait-il si un gouvernement d’extrême-droite se faisait élire au Canada? Un dans le genre de celui de Trump aux États-Unis. On imagine cela impossible, et pourtant… Avec son deuxième long métrage, Ky Nam Le Duc pose la question. Et surtout, il propose une réponse.
En 2018, le réalisateur offrait Oscillations. Une œuvre intéressante, mais avec de grosses faiblesses. Cette fois-ci, Le Duc démontre tout son talent, non seulement de réalisateur, mais aussi de scénariste.
Le meilleur pays du monde est une histoire d’immigration des temps modernes. On ne va pas se le cacher, ce film s’inspire vaguement de l’élection de Trump aux sud. Mais le questionnement vaut la peine d’être amené.
Le gouvernement d’extrême droite prend le pouvoir et une ferme les frontières du Québec; la sécurité et la subsistance des réfugiés et des immigrants sans statut sont en jeu. Plusieurs tentent de fuir, dont une femme de ménage qui laisse son jeune fils chez son employeur trentenaire avant de s’effacer sans laisser de trace. Celui-ci se fait, au même moment, quitter par sa conjointe d’origine vietnamienne, qui retourne au Viet Nam. Avec l’aide de son ex-beau-père, lui-même ancien réfugié vietnamien, Alex tentera de résoudre le mystère de cette disparition.
Nous avons l’habitude de féliciter les réalisatrices lorsqu’elles mettent en scène une belle histoire d’entraide entre femmes. Alors, pourquoi ne pas le faire lorsqu’on met solidement en scène une histoire de soutien entre hommes? Et encore plus important, une histoire de soutien entre un blanc, un asiatique, et un noir. La réalité ethnique commence à se voir au cinéma. Mais les relations entre gens de différentes ethnies sont encore plus rares. Le Duc propose donc un superbe « mélange des couleurs ». Le leitmotiv de son travail, d’ailleurs, est de caractériser le vécu de gens qui sont souvent invisibles des écrans québécois.
Je voudrais aussi souligner que le jeu des acteurs est, de façon générale, solide. Ce qui m’amène à me demander comment il se fait qu’on voit si peu de gens « non blancs » dans nos films. Surtout que la majorité de nos films se déroulent dans les grands centres… Mais je dis ça, je dis rien.
Dans son film, le réalisateur réussit à parler de racisme sans pour autant nous le mettre de travers dans la gorge. Et il ose même mettre des phrases racistes dans la bouche de gens racisés. On ne le dit pas souvent, mais (et ce n’est pas qu’au Québec que ça se fait) il n’est pas rare que des immigrants de longue date rejettent les nouveaux arrivants ou les immigrants illégaux.
Le meilleur pays du monde débute dans le rude paysage hivernal qui fait écho à la lutte du trio qui essaie de rescaper Junior. Le titre du film suggère une dualité : l’amour contre le nationalisme. Pour Junior, les deux sont fidèles à son expérience : la lutte pour rester dans l’endroit qu’il connaît comme chez lui et la menace d’en être expulsé. Les trois personnages offrent d’ailleurs une belle leçon de résilience, de solidarité et d’amour.
J’ai eu, dans les dernières années, la chance de rencontrer des gens qui m’ont permis de voir les réalités ethniques du Québec sous un autre angle. Je pourrais dire que Le meilleur pays du monde pourrait offrir cette opportunité à bien des gens qui ne connaissent pas ces réalités. Car bien qu’il se situe dans un monde fictif, il est en même temps si réaliste.
À ne pas manquer!
Note : 8.5/10
Bande-annonce
Titre original : Le meilleur pays du monde
Durée : 110 minutes
Année : 2020
Pays : Québec (Canada)
Réalisateur : Ky Nam Le Duc
Scénario : Ky Nam Le Duc
© 2023 Le petit septième