« C’est l’argent qui mène »
En 1937, des dizaines de milliers d’Haïtiens et de Dominicains d’origine haïtienne ont été exterminés par l’armée dominicaine sur la seule base du racisme à l’encontre des Noirs. Des décennies plus tard, en 2013, la Cour suprême de la République dominicaine retire la citoyenneté à toute personne ayant des parents haïtiens, avec effet rétroactif jusqu’en 1929, rendant ainsi plus de 200 000 personnes apatrides. Le nouveau documentaire de la réalisatrice Michèle Stephenson suit la campagne d’une jeune avocate du nom de Rosa Iris, qui lutte contre la corruption des élus et pour la protection du droit à la citoyenneté pour tous.
Apatrides, long-métrage réalisé en 2020 par Michèle Stephenson, avocate de formation et d’origine haïtienne, expose les conséquences de l’histoire et la corruption présente en politique alors que le racisme s’infiltre au sein de l’administration et des échanges entre citoyens. Un documentaire qui dénonce la pression d’une vision racisée des rapports entre les habitants d’Haïti et de la République dominicaine.
Ce film suit la campagne citoyenne d’une candidate aux élections, Rosa Iris, juriste et sensible aux attaques subies par une partie de la population.
Politiciens corrompus, haine raciale et oppression institutionnalisée pèsent sur les citoyens. Rosa Iris va tenter de lutter contre la violence ambiante, aider ses proches et les personnes dans le besoin pour enfin s’engager en tant que candidate pour les élections.
La réalisatrice parvient à nous montrer avec clarté les étapes de sa campagne politique, du porte à porte aux discussions avec ses collègues et ses proches. Tour à tour déterminée et attristée par les évènements et réactions extérieures, elle demeure combative et menée par son projet politique de combattre la haine raciale.
Au cours de ce long-métrage, interviennent notamment Gladys (du Mouvement Nationaliste) et Juan Teofilo (le cousin de Rosa Iris).
Gladys soutient la division entre Haïti et la République dominicaine. A plusieurs reprises au sein du film, son discours va apparaître comme une opposition à celui de Rosa Iris.
Juan Teofilo a perdu sa citoyenneté du fait de ses origines haïtiennes et va chercher des solutions auprès de sa cousine.
Tandis que la campagne s’accélère, l’avocate reçoit des pressions extérieures, telles que des menaces à travers les réseaux sociaux. Quant à Juan, il va devoir quitter la République dominicaine où sont domiciliés ses enfants du fait de la politique et de la violence ambiante.
Rosa Iris met en œuvre ses connaissances et son expertise afin de venir en aide et soutenir la population dans le besoin.
Cependant, les échanges filmés auprès du personnel administratif démontrent la mauvaise foi et la corruption présentes au sein de ce système.
Dates falsifiées, doutes et mensonges parsèment ces échanges. Une partie de la population est en proie à cette falsification des données et malgré tous ses efforts, Rosa Iris ne parvient pas à obtenir gain de cause…
Apatrides alterne caméra à l’épaule, images « sur le vif », extraits d’archives, flash-backs avec « voix off » et vues du ciel inversées.
Entre clair-obscur et réalisme, ce documentaire parvient à nous chambouler devant des faits objectivement corrompus et falsifiés.
La caméra suit Rosa Iris dans ses déplacements et des intermèdes avec une voix « off » en fond sonore apportent un aspect dramatique à l’ensemble.
La mise en scène sait s’adapter aux différents intervenants et phases du film avec discrétion et objectivité.
Apatrides est un film qui nous laisse abasourdis devant une mauvaise foi et une violence imposées à toute une population.
2013, c’était hier, et pourtant, le droit à la citoyenneté est loin d’être un acquis pour tous.
Note : 8,5/10
Bande-annonce
Titre original : Apatrides (Stateless)
Durée : 95 minutes
Année : 2020
Pays : Canada/Etats-Unis/République dominicaine
Réalisateur : Michèle Stephenson
Scénario : Jennifer Holness
© 2023 Le petit septième