« Tu vas pas mourir parce que j’t’aime. »
Dans un magnifique théâtre étrangement vide, Edgar Bori incarne le cheminement d’un auteur en résidence qui s’attaque au dernier droit de sa prochaine création. Paroles poétiques, mélodies intemporelles, les mots dans la bouche de l’acteur se fondent à ceux du poète dramaturge Michel Garneau, qui nous prête sa voix puissante chargée de sens. Nous voilà transportés dans un univers foisonnant et envoûtant de comédie dramatique musicale où l’imaginaire prend le dessus au fil de Dialogues pour un homme seul. Seul, mais pas tout à fait, car, autour de lui, apparaissent et disparaissent Jean-François Groulx, son complice musicien, et Josianne Paradis, sa muse idéalisée. Sous nos yeux et au creux de nos oreilles se déroule et se pose l’accessible sillon du dernier envol d’un auteur romantique risquant la reconquête d’une flamme inoubliable de sa jeunesse.
Avec Dialogue pour un homme seul, Jean-Pierre Gariépy et Edgar Bori offrent une œuvre qui se situe quelque part entre théâtre et cinéma, entre nostalgie et tristesse. Le film est présenté dans le cadre du FIFA 2021.
Sélection officielle dans la catégorie long métrage, Dialogue pour un homme seul est un parfait mélange entre cinéma et théâtre. Bien que le tout se passe sur scène, quelques séquences tournées en extérieur s’ajoutent à la pièce pour donner une vie supplémentaire au personnage. Bori marche, seul, dans la rue et parle à voix haute. Se pratique-t-il pour sa pièce? Se prépare-t-il pour sa rencontre avec l’amour perdu? Le spectateur est libre d’y voir l’explication qu’il veut.
Les amateurs de théâtre seront heureux, car ce film offre un montage très minimaliste. On ne tente pas de créer un effet « grand écran » ou de beaux fondus entre les plans. Le montage pourrait nous laisser l’impression que, par moments, on change de place dans le petit théâtre. Le film est aussi intime que devait l’être la pièce éponyme de Garneau/Bori mise en scène par Michel Bruzat.
Dialogue pour un homme seul laisse croire à un genre de one man show. Mais bien qu’ils soient discrets, Bori est bien entouré. Il y a son complice et homme-orchestre Jean-François Groulx. Tout au long du dialogue, le musicien accompagne Bori de la parfaite musique, des parfaits effets sonores. Des bruits d’arbres, des sons de pas, d’oiseaux et une tonne d’autres. Le musicien ajoute une couche de magie sonore à la poésie de son comparse. Mais quand je parle de poésie, je parle d’une poésie accessible. Un texte tellement bien écrit.
Puis, il y a la femme, l’amour de l’homme. Celle à qui ce dialogue en soliste s’adresse. Bien qu’elle ne prononce pas un mot de tout le film, Josianne Paradis a une présence d’une importance critique. Et elle offre une performance digne des meilleures. Sans oublier que de rester assise sur une petite chaise — qui ne semble pas confortable — pendant 90 minutes relève de l’exploit en soi.
Ma seule critique est que j’aurais enlevé une ou deux chansons au début. Ça permettrait d’installer un peu plus l’émotion qui passe si bien dans le discours de Bori.
Lorsque j’ai vu le titre de ce film dans la programmation du FIFA, je me suis dit que c’était pour moi. Disons qu’en ce moment j’ai souvent l’impression de dialoguer seul. Et je ne me suis pas trompé. En fait, ce film s’adresse à quiconque s’est déjà fait laisser et a eu de la difficulté à oublier l’autre. Mais encore plus pour les hommes. Probablement dû au fait que le texte est écrit d’un point de vu masculin.
Une chose est certaine, Dialogue pour un homme seul est touchant, beau, accrochant et provoque une douce mélancolie. Un film qui mérite sa nomination.
Note : 8.5/10
Bande-annonce
Titre original : Dialogue pour un homme seul
Durée : 90 minutes
Année : 2021
Pays : Canada (Québec)
Réalisateur : Jean-Pierre Gariépy
Scénario : Edgar Bori et Jean-Pierre Gariépy
© 2023 Le petit septième
Merci de promouvoir la poésie et les artisans…
C’est un plaisir de le faire. Surtout lorsque la qualité y est. 🙂