La contemplation du mystère – C’pas une raison pour se faire mal

« Ben c’est ça, va passer out sur ton sofa pendant qu’le monde se tire dessus ! »   

contemplation mystere-poster VFÉloi Cournoyer revient dans son patelin natal après la mort tragique de son paternel, dans des conditions qui se révèlent plutôt nébuleuses. Arrivé sur place, il doit composer avec une secte de chasseurs antipathiques, l’Ordre de St-Hubert, à laquelle son père rêvait d’appartenir et qui semble avoir plusieurs secrets. Plus troublant est le mystérieux archer solitaire et muet, surnommé l’Indien, avec qui, apprend Éloi, son géniteur entretenait une relation d’amour-haine. Éloi, montréalais cynique, cynophobe et névrosé, se retrouve au cœur des tensions grandissantes entre l’Ordre de St-Hubert et l’Indien, dont on ne sait s’il est un bouc émissaire ou un ermite fou furieux. Au cœur de tout cela, une prophétie annonçant le retour d’un cerf sacré, familier d’Artémis et gardien ancestral de la forêt. 

La contemplation du mystère se vendait comme un « suspense d’action aux confins de la forêt québécoise » et faisait monter les attentes avec ses éléments mythologiques. Après le visionnement, il apparait que le film est en fait plus proche du drame québécois typique, qui présente la recherche de ses origines en région par un personnage principal hésitant à agir, après une série de crises identitaires et psychologiques, le tout nappé d’une ambiance vaguement mystérieuse et un peu anxiogène. 

La contemplation du mystère - Le réalisme social
Emmanuel Schwartz

Le réalisme social régionaliste n’étant jamais bien loin, le long métrage est aussi le portrait du monde de la chasse. Après des films portant sur le monde des camionneurs (Camion), des pêcheurs (Les loups), des mineurs (Nous sommes gold, Souterrain), des garagistes (Le garagiste), des pompistes (Gaz Bar Blues), des gardiens de sécurité (L’ange gardien) et des artisans du bois (Les êtres chers). Avec La contemplation, c’est au tour des chasseurs. De nouveau, le portrait d’une classe sociale ni très riche, ni trop pauvre, par une activité manuelle. Le long métrage d’Aurtenèche, comme la plupart des autres énumérés ci-haut, comporte d’indéniables qualités et n’a pas à avoir honte de faire dans le naturalisme régional, le réalisme narratif étant après tout une posture aussi valable qu’une autre. Cependant, le problème, quand autant de films partent d’un canevas similaire, ne réside pas dans le film en tant que tel et dans ses qualités ou défauts intrinsèques, mais dans le sentiment de redondance qui s’installe chez le spectateur. Malgré les passages humoristiques, la distribution de qualité et les personnages colorés, le sentiment de redondance est bel et bien présent dans La contemplation, car le long métrage, d’un point-de-vue narratif du moins, ne se distingue pas suffisamment de ses contemporains. Heureusement, la forme remédie en partie à ces lacunes. 

La contemplation du mystère - Si Aurtenèche est restéSi Aurtenèche est resté, somme toute, prudent du côté scénaristique, il se permet quelques audaces du côté de la mise en scène. Que ce soit par la séquence onirique qui ouvre le film – avec sa série d’images surréalistes tournées sur un fond flou et au moyen de ralentis, au milieu d’un écran rond – ou par la direction artistique, qui confère une certaine fantaisie baroques aux costumes et accessoires des chasseurs, le film se rend déjà plus mémorable. Mais le moment le plus osé – et marquant – du long métrage est sans doute cette séquence de trip hallucinogène du protagoniste, qui cherche à percer les secrets de la forêt au moyen d’une plante médicinale consommée par des chamans autochtones d’Amérique latine. Durant cette séquence de plusieurs minutes, le réalisateur représente la communion qu’entreprend Éloi avec la nature au moyen de longs plans sur les arbres, retravaillés en postproduction au moyen de nombreux filtres qui donnent à la forêt un aspect coloré et presque abstrait, qui rappelle l’art impressionniste. Cette séquence psychédélique impressionne par la qualité de ses images, qui se situent proche de l’animation, mais aussi par la justesse de son montage. Ici, Aurtenèche propose une expérience enlevante, sensorielle et langoureuse, et ne l’interrompt pas pour ménager le spectateur s’attendant à du conventionnel. Ce passage du film a la longueur appropriée et fait honneur au titre du film qui parle de contemplation. Cette scène, et les autres qui viennent conclure le film, sont destinées à marquer le spectateur. Et  le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles réussissent à le faire. 

Note : 6/10

Bande-annonce

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