« Even if the world gets scary. Remember that you carry all of our strengths. »
Rustic Oracle est l’histoire d’une adolescente disparue, racontée par sa sœur âgée de sept ans. L’histoire suit la jeune Ivy alors qu’elle accompagne sa mère dans un « road trip » à la recherche de sa sœur aînée, Heather, qui a subitement quitté la communauté. Bien que leur périple soit initié par une épreuve qu’aucune famille ne devrait avoir à subir, la peur, la peine et l’espoir qu’elles partagent finissent par les rapprocher. Bien plus qu’une histoire sur la douleur de la perte d’un être cher, Rustic Oracle conte l’histoire d’une mère et de sa fille qui se soutiennent, se consolent et s’unissent dans des circonstances douloureuses.
Drame dans lequel la réalisatrice, Sonia Bonspille Boileau, aborde la difficile question des femmes autochtones disparues et assassinées au Canada. C’est à travers le regard de l’enfant, teinté d’une douce naïveté, que la douloureuse perte de la sœur – de la fille – de la mère est vécue. Une histoire partagée par plusieurs familles, une quête qui ne sera jamais terminée, Rustic Oracle nous rappelle qu’il ne faut pas abandonner.
Le choix de la réalisatrice de situer sa trame narrative en 1996, avant une certaine prise de conscience collective et avant l’avènement des réseaux sociaux, n’est pas anodin :
Au cours des années 1990, la GRC a enregistré plus de soixante femmes autochtones disparues (même si nos propres organisations estiment que le nombre est beaucoup élevé). Vingt-cinq d’entre elles n’ont jamais été retrouvées. La plupart de ces cas ont été négligés jusqu’à la fin des années 2000, lorsque les femmes autochtones disparues et assassinées sont devenues un sujet d’intérêt général.
Les personnages féminins sont des figures de courage, de résilience et d’espoir. Le spectateur est devant des femmes autochtones qui cherchent à écrire leur propre histoire, à se la réapproprier. La douleur transcende l’écran alors que Susan (Carmen Moore) part à la recherche de sa fille Heather (McKenzie Kahnekaroroks Deer), accompagnée de sa plus jeune, Ivy (Lake Kahentawaks Delisle), huit ans. Ce poids porté par la mère est allégé par la présence d’Ivy qui ramène Susan à l’essentiel. Le courage et la ténacité dont fait preuve Susan les mèneront à traverser nombreuses villes dans l’espoir de retrouver la disparue. De Kanesatake à Montréal, de Montréal à Val-D’Or, de Val-D’Or à Ottawa, la route est longue et le temps est compté.
Pour Bonspille Boileau, les actrices – pour la plupart autochtones – sont au cœur du drame : « En fait, les personnages, très imparfaits mais réalistes, sont la force motrice du film ». Les silences, les moments d’hésitation et les regards fuyants sont tous des éléments qui rappellent que Rustic Oracle n’est pas que fiction.
L’histoire est vécue selon le point de vue d’Ivy alors qu’elle ne comprend pas nécessairement toute l’étendue de la situation. Elle se remémore les moments passés avec sa sœur et attend impatiemment son retour. Son sommeil s’en voit perturbé. C’est un regard empreint de tendresse, mais aussi marqué par une certaine ignorance. Elle ne comprend pas et rejette la faute sur sa mère. Ce regard sera très peu marqué par les larmes, celles-ci ne coulant qu’à des moments charnières du film.
La violence extrême qui traverse le drame est passée, en partie, sous silence. C’est par de nombreux non-dits, par des silences et des manques que la cruauté de l’histoire est mis en images. Entre la drogue et la prostitution, la mort n’est jamais loin.
Alors que Susan doit vivre avec la disparition de son aînée, elle doit aussi justifier ses inquiétudes auprès des forces de l’ordre. L’agent Caron (Kevin Parent) ne prend pas au sérieux son appel à l’aide, remettant en doute la légitimité des craintes de cette dernière. Le vide causé par l’absence de Heather n’est pas reconnu. Un fossé entre les personnes censées servir et protéger et la famille est rapidement dressé. La nonchalance des agents de la Sureté du Québec est rageante et force Susan à prendre en main ses propres recherches. Sa détermination l’amènera à rencontrer des femmes qui la croiront et qui l’accompagneront à travers son périple.
Rustic Oracle montre l’espoir, pas toujours celui espéré, mais celui qui permet de panser les blessures – l’espace d’un moment, de profiter des moments présents, malgré la douleur. L’amour maternel est un baume.
Note : 8.5/10
Bande-annonce
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