« Il y a des clubs internationaux où le Canada joue au dessus de sa force. En particulier à cause de sa géographie. Pis du fait, qu’au fil des années, il a souvent utilisé sa proximité avec la Maison blanche pour essayer d’influencer ou de changer le cours d’une politique américaine importante. »
En mars 2003, les États-Unis et une coalition de pays alliés envahissent l’Irak. Menée au nom de la démocratie, et pour venger les attentats du 11 septembre 2001, cette intervention illégale conduira à la chute de Saddam Hussein et au chaos régional. L’opération ouvre de fait une boîte de Pandore, source de bien des maux dont nous mesurons encore aujourd’hui les conséquences désastreuses dans tout le Moyen-Orient. À l’époque, le Canada refuse de suivre l’administration Bush dans cette aventure meurtrière. Avec le recul historique nécessaire, Sur la corde raide revient sur cette période méconnue de notre vie politique pour mieux en révéler les coulisses, tout en dénonçant les politiques interventionnistes américaines depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. À partir de multiples témoignages, le film rappelle le terrible prix à payer lorsque la diplomatie échoue à régler les conflits à travers le monde.
Dans son plus récent documentaire, Sur la corde raide, Claude Guilmain offre une analyse rétrospective sur l’après 11 septembre, et révèle les arcanes du pouvoir d’où émergent les décisions qui engagent l’avenir collectif d’une nation.
Les États-Unis, comme l’explique Miloud Chennoufi, professeur au Collège des Forces canadiennes, sont persuadés d’être investis d’une mission divine leur permettant de se mèler de tout ce qui se passe sur la planète afin de faire tomber des régimes et d’en mettre d’autres en place. Et ils ont beau répéter à qui veut l’entendre que c’est pour la démocratie qu’ils le font, il n’en est rien. Comme l’explique le professeur, c’est beaucoup plus une question d’intérêts économiques et géostratégiques, souvent au détriment des valeurs démocratiques.
D’où leur soutien à plusieurs dictatures, soit par des interventions directes, soit par des opérations secrètes de la CIA comme ce fut le cas en Iran (1953), au Guatemala (1954) ou en Indonésie (1965-1966). Sur la corde raide démontre que la guerre en Irak est un autre exemple de cet interventionnisme décomplexé de la part d’un pays qui a constamment besoin de nouveaux ennemis pour nourrir sa machine militaire et entretenir la peur dans l’opinion publique. D’ailleurs, faire une guerre est souvent la stratégie mise en place par les États-Unis pour relancer l’économie. Belle instrumentalisation de la menace…
Et la population est généralement assez facile à berner. Comme le dit si bien Claude Laverdure, ambassadeur canadien retraité et conseiller diplomatique du premier ministre Jean Chrétien, « Nos amis américains, peut-être n’ont pas toujours la forme, n’ont pas nécessairement, même au plus haut niveau, les plus grandes connaissances d’histoire ou de géographie. Mais ils ont le poids. »
On dit souvent que le Canada a le nez brun tellement il lèche le cul des États-Unis. Hé bien, il y aura au moins une fois où on se sera tenu debout devant nos voisins du sud. Et, à mon grand étonnement, c’est Jean Chrétien qui aura su répondre NON à W. Bush.
Le documentaire remonte la chronologie des événements et décrit le bras de fer qui s’est joué entre Chrétien et Bush fils. Pour bien nous faire comprendre la situation et les enjeux, le film s’appuie sur les témoignages de plusieurs acteurs de premier plan, dont Paul Heinbecker, ambassadeur du Canada à l’ONU, et Jean Chrétien lui-même, ainsi que ses principaux conseillers politiques, Claude Laverdure et Edward Goldenberg.
Lorsque les attentats du 11 septembre se sont produits, j’étais au cégep. Et je me souviens exactement de ce que je faisais. Comme pratiquement tout le monde en Occident à ce moment en âge de s’en rappeler. Et il aurait été facile pour n’importe quel premier ministre canadien de dire à W. Bush « Oui, on attaque avec vous! » Mais attaquer qui? Les Américains ont décidé d’attaquer l’Irak. Pourquoi l’Irak? Les terroristes qui ont perpétré les attentats n’étaient pas iraquiens. Les attaques ont été perpétrées au nom d’Allah, donc il faut attaquer un musulman, peu importe lequel? Néanmoins, ce que nous rappelle Sur la corde raide, c’est que Saddam Hussein n’était pas musulman, mais athée. Donc, voyant que cette mission contre l’Irak n’avait rien à voir avec l’idée de retrouver les gens derrière le 11 septembre, et en l’absence de preuve que l’Irak pouvait représenter un danger quelconque, Chrétien a osé dire non aux américains!
Et afin de s’assurer que les témoignages de Chrétien et de ses acolytes sont vrais, il y a Chantal Hébert, respectée chroniqueuse politique, qui explique les véritables enjeux de cette décision.
Autre point intéressant du documentaire… Il nous rappelle une chose qu’on a tendance à oublier. Chaque intervention armée comporte son lot de souffrances humaines et de victimes. Et c’est là le prix à payer lorsque la diplomatie échoue. Où lorsqu’un Texan décide de jouer les cowboys afin de donner un peu de lustre à un règne qui risque de le faire rapidement oublier de l’Histoire.
Sur la corde raide sera disponible gratuitement sur le site de l’ONF dès le 18 mai 2020. C’est un documentaire à voir pour quiconque habite en Amérique du Nord. Ça pourra vous redonner un peu de bonheur d’être Canadien (voire Québécois).
Note : 8.5/10
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