« S’ils gagnent, on les sort de l’Euro. »
Après 7 années de crise, la Grèce est au bord du gouffre. Des élections, un souffle nouveau et deux hommes qui vont incarner l’espoir de sauver leur pays de l’emprise qu’il subit. Nommé par Alexis, Yanis va mener un combat sans merci dans les coulisses occultes et entre les portes closes du pouvoir européen. Là où l’arbitraire de l’austérité imposée prime sur l’humanité et la compassion. Là où vont se mettre en place des moyens de pression pour diviser les deux hommes. Là où se joue la destinée de leur peuple.
Avec Adults in the room (Conversations entre adultes), Costa-Gavras nous plonge dans les coulisses de la querelle entre la Grèce et les dirigeants européens lors de la crise de 2015. Du coup, il nous offre une tragédie grecque des temps modernes.
L’État grec se déclare en faillite, menaçant de conduire les banques françaises et allemandes à la banqueroute. Face à l’imminence de l’explosion de la zone euro, les leaders européens décident d’accorder à la Grèce un prêt d’une ampleur sans précédent – mais dont les conditions garantissent un effondrement de son économie.
Afin de superviser ce prêt et la mise en place effective de ses conditions, ils créent la Troïka – qui rassemble des fonctionnaires de la Commission Européenne, de la Banque Centrale Européenne (BCE) et du Fond Monétaire International (FMI), agissant sous la responsabilité politique de l’Eurogroupe (les ministres des Finances de la zone euro).
Ce prêt renfloue les banques, mais pèse sur l’ensemble des citoyens européens, et pas seulement les Grecs. Christine Lagarde (FMI) met même en garde Varoufakis : « Ça ne peut pas marcher. Mais nous avons investi beaucoup trop de capital politique pour revenir en arrière.
L’austérité imposée à la Grèce – le “prix” du prêt de 2010 – provoque une récession dramatique. En 2012, un second prêt, encore plus important, est accordé, accompagné par un second plan d’austérité. La Grèce perd plus de 27% de son revenu global alors que sa dette explose. 1 million de personnes perdent leurs emplois, les retraites baissent de 45%, les salaires de 40%, les jeunes commencent à émigrer massivement, les taux de suicides et de mortalité infantile grimpent en flèche… En 2014, 60% des enfants vivent sous le seuil de pauvreté. La Grèce vit une véritable crise humanitaire.
Syriza, la Coalition de la Gauche Radicale menée par Alexis Tsipras, triomphe à un scrutin national pour la première fois. Tsipras nomme Yaroufakis Ministre des Finances, avec la mission explicite de renégocier la dette pour mettre fin à l’austérité et juguler la crise humanitaire en Grèce. Yaroufakis souhaite une restructuration de la dette, réduire les taux d’intérêt et mettre fin aux mesures punitives qui impactent surtout les citoyens grecs les plus faibles. La Troïka refuse de discuter de ses propositions et veut qu’il soit exclut des négociations : un processus délibéré pour détruire sa crédibilité, un véritable “assassinat” de son personnage. De plus en plus isolé au sein de son gouvernement, Yaroufakis fait face à un ultimatum : accepter de nouvelles mesures d’austérité, plus fortes encore, et abandonner l’idée de restructurer la dette, ou sortir de l’Euro. En fin de compte, Tsipras soumettra l’ultimatum au peuple grec sous la forme d’un référendum. Malgré le courageux vote du “non à l’austérité” de la population grecque, le gouvernement grec se soumettra à la Troïka. Yanis Varoufakis démissionnera le jour suivant.
Ce que nous offre Adults in the room c’est la joute qui s’opéra entre le duo Tsipras / Yaroufakis et l’Eurogroupe. Le scénario de Costa-Gavras est, comme à l’habitude, merveilleusement bien ficelé. Oui, de façon à donner la vedette à l’ancien ministre des finances. Mais, comme il ne s’agit pas d’un documentaire, ce n’est pas un problème. De toute façon, le réalisateur de 86 ans a bien le droit de prendre position dans le débat qui met en scène son pays de naissance.
Pendant plus de 2 heures, le spectateur participera aux échanges économico-politiques menés par Yaroufakis. 2 heures à se plonger dans les méandres et les jeux (souvent truqués) de la politique européenne. Chaque détail est crédible. Ce n’est pas vraiment étonnant, puisque Costa-Gavras a demandé à Yanis de collaborer afin de lui expliquer les détails techniques et économiques des différents enjeux.
D’ailleurs, malgré les complexités des enjeux politiques et économiques, le film ne devient jamais complexe pour le spectateur. Le réalisateur réussit merveilleusement bien à ne pas s’enfarger dans les détails. Ce qui aurait rendu le film ardu pour le néophyte.
Le « vrai » avant le « flashy ». Quand on se lance dans un projet de cet envergure, c’est certainement beaucoup plus facile à financer si on a une vedette devant la caméra. Mais, pour le réalisateur d’origine grecque, cela n’aurait pas été acceptable.
« Il y avait deux possibilités pour le film. Une économiquement plus performante : tout en anglais avec des ” stars” pour incarner Yanis Varoufakis et Alexis Tsipras. Une autre, en anglais et en grec, sans star internationale puisqu’aucun acteur “bankable” ne parle grec. Nous avons choisi la solution la plus difficile économiquement mais la seule acceptable, artistiquement, et politiquement. Nous avons trouvé en Grèce et partout en Europe un casting idéal. La décision était que chaque personnage important du film soit représenté par un acteur de la nationalité du personnage. »
Au final, Costa-Gavras livre un film qui montre comment la politique se joue. Le pouvoir c’est l’argent, et l’argent c’est les banques. Et lorsqu’un homme comme Varoufakis tente de changer les pouvoirs de place, même si ses arguments sont totalement valables, il n’a aucune chance…
Adults in the room sera disponible dès le 22 mai sur le site de Maison 4:3. Et, croyez-moi, ça vaut totalement le prix de location, même si vous risquez de finir avec un petit fond de colère en réfléchissant au monde dans lequel nous acceptons de vivre.
Note : 8.5/10
Visionnez la bande-annonce :
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