« Ici, tous les crimes, dérisoires ou tragiques, sont vrais.
Victimes et coupables ont existés. »
Roubaix, une nuit de Noël. Le commissaire Daoud sillonne la ville qui l’a vu grandir. Voitures brûlées, altercations… Au commissariat, vient d’arriver Louis Coterelle, fraîchement diplômé. Daoud et Louis vont faire face au meurtre d’une vieille dame. Deux jeunes femmes sont interrogées, Claude et Marie. Démunies, alcooliques, amoureuses.
Au cœur du plus récent film d’Arnaud Desplechin, Roubaix, une lumière, se trouve la question de l’inhumain. Sélectionné à Cannes en 2019, le film du réalisateur de Jimmy P. est un film d’enquête ancré dans le réalisme social.
Quand on regarde un film policier, il y a habituellement un méchant bien défini, ou un coupable bien coincé. Pas ici. Bien sûr, il y a un crime et des criminels, mais rien n’est clairement défini.
En suivant le commissaire Daoud, on découvre un homme profondément empathique qui mène ses enquêtes en voyant d’abord le suspect comme un humain plutôt que comme un criminel méchant et inhumain. Par exemple, avant d’amener Claude au poste, Daoud lui demande si son enfant est en foyer. Oui, répond-elle. C’est bien, conclut Daoud. Parce qu’il croit en la loi, au progrès et au pardon, il pense que le foyer sauvera peut-être cet enfant. Daoud croit profondément en la loi de la république.
Grâce à une écriture fine et des acteurs au sommet de leur art, Desplechin amène le spectateur à se questionner sur la notion de justice, de crime et d’amour.
Pour qu’un film d’enquête aussi réaliste fonctionne, ça prend de bonnes performances car il n’y a pas de poursuite ou d’effusion de sang pour nous faire oublier que le reste ne tient pas. Basé sur une triste histoire qui s’est réellement produite il y a une dizaine d’année, Roubaix, une lumière mise sur un réalisme pur : « Comme le prologue du scénario l’indique (voir l’exergue), j’ai voulu ici ne rien offrir à l’imagination, ne rien inventer, mais retravailler des images vues à la télévision il y a 10 ans, et qui n’ont cessé de me hanter depuis. »
Quand Daoud parle, on ne peut faire autrement que d’être happé par son charisme. Impossible de ne pas tomber si on est un criminel coincé devant cet homme. Et Roschdy Zem le rend totalement crédible. Mais celle qui crève l’écran et le cœur, c’est Sara Forestier. Elle est tellement vraie qu’on serait prêt à croire qu’elle a connu exactement la même misère et triste enfance que le personnage de Marie.
Oui, la pitié est parfois au cœur de l’amour. Et l’amour est aveugle… Et la vraie vie est parfois plus tragique que la fiction. «Ce qui m’a sans doute tant frappé lorsque je découvrais ces images à l’origine de mon film, ce sont ces visages de femmes. Coupables et victimes. La vieille Lucette, la jeune femme violée, l’amie qui l’accompagne, la jeune fugueuse, et enfin [les deux pauvres femmes que sont Claude et Marie]. »
Roubaix, c’est une ville qui ne donne pas beaucoup de chance de s’en sortir. C’est une ville où le taux de criminalité est parmi les plus hauts en France. C’est une ville frappée par le chômage. Que dire de plus…
Roubaix, une lumière ouvre la porte sur une notion qu’on refuse souvent de voir : qu’arrive-t-il lorsque le passé d’un criminel nous donne envie de lui pardonner?
Il y a les crimes passionnels. Il y a les crimes dus à la folie. Et il y a de tristes crimes. Ici, on est dans la dernière catégorie.
Note : 8.5/10
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