Refaire sa vie dans un autre pays, s’adapter à une société différente, laisser ses racines derrière, ce sont toutes des difficultés présentes dans le vie d’un immigrant. Des sentiments que peu de gens seront capables de ressentir, la plupart vivant à l’endroit où ils sont nés. Faire comprendre ce mode de vie à ceux qui en sont loin est un défi de taille. Un défi que le cinéma a tenté de braver de nombreuses fois, soit en créant une histoire sur la vie d’un immigré, comme dans Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau, ou via un portrait plus sincère dans un documentaire. C’est avec cette dernière option que le cinéaste Pascal Sanchez a choisi de traiter le sujet dans son film Loin de Bachar.
Produit par l’Office national du film et présenté à l’occasion des Rendez-vous Québec Cinéma 2020, le long métrage nous présente la famille al-Mahamid, des citoyens syriens ayant fui les conflits ravageant le pays pour avoir une vie plus tranquille au Canada.
Le point fort du film est le traitement du cinéaste vis-à vis de la situation des immigrants. Alors qu’un film plus classique aurait pris la facilité de montrer une famille à la situation compliquée, ayant du mal à s’adapter à leur nouveau mode de vie et victime de la discrimination de certains – une oeuvre de fiction pourrait facilement prendre cette voie, choisir des situations simples pour émouvoir les spectateurs –, ce documentaire montre tout le contraire. Les al-Mahamid ont une bonne vie, le père est un travailleur social très respecté, les enfants vont à l’école et se font plusieurs amis, la langue n’est pas tant un obstacle pour eux et il n’y a aucun signe de discrimination à travers les 73 minutes de film. C’est parce que Pascal Sanchez a eu l’intelligence de s’intéresser à quelque chose d’autre sur l’immigration : leur rapport avec leur pays d’origine.
Le réalisateur montre très bien à quel point la famille reste émotivement proche de la Syrie. Des enfants qui gardent les trésors de leur pays, du père dont le travail est de se soucier des migrants syriens et de la mère le plus souvent filmée en train de prendre des nouvelles de ses proches restés au bercail, on ressent que, malgré leur nouvelle situation adéquate, leur déménagement de la Syrie est encore loin d’être terminé. Il y a aussi la proximité avec la guerre. Malgré la longue distance, la famille sent peser sur elle tous les dommages de la guerre en Syrie, que ce soit avec les souvenirs, les nouvelles venant du pays ou encore les proches restés là-bas et subissant tous les malheurs. À travers tout ça, Pascal Sanchez donne un regard éclairé et nuancé sur un problème touchant la plupart des immigrants.
Le seul vrai défaut du film est cependant le manque de présence d’Ali, le garçon aîné de la famille. S’il est tout de même présent au début du film, il reste cependant très absent à la fin. De plus, deux moments le concernant sont assez confus: un où il se met un foulard autour de la tête, un autre où il est assis et lance un profond soupir. Ces deux scènes doivent certainement refléter les sentiments du garçon, mais ces derniers sont assez flous pour en connaître la cause. Peut-être que certaines parties ont dû être coupées au profit de d’autres plus importantes, mais il est quand même dommage de ne pas savoir ce que ressent Ali, surtout si certaines scènes mettent en place ses émotions.
Loin de Bachar est un documentaire humain et nuancé qui permet aux spectateurs de comprendre un élément compliqué de la situation des familles immigrantes. Un peu plus de contenu aurait permis au film d’être encore meilleur. Reste que l’on peut enfin voir que la famille, les souvenirs et la guerre peuvent rapidement traverser 9380 kilomètres.
Note : 8/10
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