« You wanna produce?!?. [rire]. That’s excellent. We could use more women producers. You know that it’s a tough job? But… I can see that you’vo got what it takes. »
[Tu veux produire?!?. [rire]. C’est excellent. Nous pourrions avoir davantage de femmes productrices. Vous savez que c’est un travail difficile? Mais… je peux voir que vous avez ce qu’il faut.]
Jane (Julia Garner), récemment diplômée et aspirante productrice de films, a récemment décroché son emploi de rêve en tant qu’assistante junior d’un magnat du divertissement. Sa journée ressemble à celle de n’importe quelle autre assistante – faire du café, changer le papier dans la photocopieuse, commander le déjeuner, prendre des messages téléphoniques. Mais alors que Jane est plongée dans sa routine quotidienne, elle commence à prendre conscience des abus qui colorent insidieusement chaque aspect de sa journée de travail. Une accumulation de dégradations contre laquelle Jane décide de prendre position, seulement pour découvrir la véritable profondeur du système dans lequel elle est entrée.
Grâce à une recherche de type « documentaire », Kitty Green recrée, avec The Assistant, le plate quotidien d’une assistante dans une grosse boîte de production de films. Mais comme nous l’a appris le scandale Weinstein et le mouvement #MeToo, l’abus n’est jamais bien loin dans ce milieu.
The assistant est un des premiers films « post Harvey Weinstein » à traiter du sujet de l’abus et du harcèlement.
Écrit et réalisé par Green (qui a aussi fait un énorme travail de recherche), le film est une exploration fictive de l’un des problèmes les plus destructeurs que l’on peut retrouver sur le lieu de travail d’aujourd’hui, alors qu’une employée de bas niveau d’une grande entreprise de médias essaie de concilier ses propres convictions avec une culture d’abus et d’exploitation profondément ancrée.
Plutôt que de nous montrer une femme victime d’abus sexuels – ce qu’on a souvent vu – la réalisatrice porte son attention (et le nôtre) sur un témoin. Jane est consciente qu’il se passe quelque chose, même si elle n’a rien vu en soit. Mais, quand elle veut dénoncer le problème, on lui fait comprendre que ce serait mieux pour tout le monde (y compris elle-même) de ne rien dire.
Mais le focus principal du film n’est pas tant cette situation que le harcèlement psychologique dont la jeune assistante est victime. Ses collègues, qui ont un poste juste au-dessus du sien n’ont de cesse d’abuser d’elle par des demandes qui semblent insignifiantes, mais qui peuvent faire la différence à la fin de la journée. Lui transférer un appel problématique est un des exemple qu’on voit à deux reprises ici. Et, chaque fois, ça finit par un appel du grand boss qui déverse son fiel sur la jeune femme. Ce film montre bien que ce sont souvent les petites choses qui finissent par créer un stress insoutenable pour les travailleurs du bas de l’échelle. Et ce sont aussi les choses de ce genre qui ne sont jamais prises en compte quand on parle d’abus.
Étrangement, ce qui est la principale faiblesse du film est aussi sa plus grande force : l’anonymat et la lenteur. Je dois admettre que, par moments, je trouvais ça particulièrement ennuyant. Regarder une pauvre jeune femme faire des photocopies et répondre au téléphone, dans un univers sans musique et sans personnalité… Ouf. Puis, j’ai réalisé que c’est justement le fait de montrer le quotidien ennuyant et sans intérêt qui rend ce film vraiment intéressant. L’abus, c’est rarement spectaculaire. C’est pour ça que ça dure.
Et l’anonymat donné au grand patron de la boite est tout aussi intéressant. Pas une seule fois on ne voit son visage. Pas une seule fois on entend clairement sa voix. Il n’a pas de nom. On y réfère en disant « LUI (HIM) ». Comme quoi l’agresseur c’est n’importe qui. Comme quoi il n’y a pas un type d’agresseur spécifique.
L’autre grande faiblesse du film – probablement ce qui dérange le plus – c’est l’élément qui mène Jane à vouloir dénoncer le patron. Une jeune femme sans formation est embauchée et on lui offre une chambre dans un luxueux hôtel. Et le grand patron va audit hôtel en même temps que la jeune nouvelle y est. Le lien est fait : le patron abuse de sa nouvelle assistante! C’est mince. C’est dommage, car si Green avait ajouté quelques éléments on y aurait cru. Et on aurait un petit bijou de film.
En plus de l’anonymat, The assistant a le mérite de montrer ce qu’est la réalité des grandes compagnies de production ou d’entertainment. Ce n’est vraiment pas aussi glamour que beaucoup de gens l’imaginent. Les employés ne sont pas des stars comme les acteurs ou les actrices. Et un travail d’assistant ou d’assistante, c’est aussi de faire des photocopies et de distribuer la paperasse.
Je veux terminer en parlant de LA scène de dénonciation. Cette scène est parfaite. Le jeu de Garner est simplement parfait (comme tout au long du film). La conversation entre elle et le cadre qu’elle rencontre démontre avec justesse pourquoi la culture malsaine que l’on retrouve dans certaines compagnies perdure. Le jeu entre rabaissement et flatterie qu’utilisent les abuseurs est utilisé assez efficacement par le cadre. Et il termine la rencontre avec la phrase assassine : « I don’t think you have anything to worry about. You’re not his type. » [Je ne crois pas que tu aies à t’en faire. Tu n’es pas son genre.]
Note : 7.5/10
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