« We’re not homeless. We’re just lost. »
Rosie Davis et son mari forment avec leurs quatre jeunes enfants une famille modeste mais heureuse. Le jour où leur propriétaire décide de vendre leur maison, leur vie bascule dans la précarité. Trouver une chambre à Dublin, même pour une nuit, est un défi quotidien. Les parents affrontent cette épreuve avec courage en tentant de préserver leurs enfants.
Drame dans lequel la force d’une famille, particulièrement celle d’une mère, se dresse contre le monde. Rosie, écrit avec brio par Roddy Doyle et dirigé avec autant de talent par Paddy Breathnach, plonge le spectateur dans une Irlande en pleine crise du logement. Entre deux foyers, la famille Davis ne peut-elle compter que sur elle-même?
Dès l’ouverture du film, le spectateur suit les nombreux appels de Rosie (Sarah Greene) qui cherche désespérément un endroit où loger sa famille pour la nuit. Une famille, six membres – Rosie et John Paul (Moe Dunford), les parents ainsi que les quatre enfants de ces derniers, Kayleigh (Ellie O’Halloran), Millie (Ruby Dunne), Alfie (Darragh Mckenzie) et Madison (Molly McCan) – et un véhicule ne pouvant contenir que cinq personnes… Rosie est une incursion de 36 heures dans le quotidien de la famille Davis alors que ce dernier est complètement chamboulé par la vente récente de la maison dans laquelle tous logeaient depuis plus de sept ans. Doyle, par son écriture, met de l’avant une Irlande en pleine crise; bon nombre de locataires – ayant des emplois stables – se retrouvent à la rue. Nous sommes devant une surenchère locative qui oscille entre pénurie de loyers et montée exorbitante des prix. Le personnage de Rosie montre bien le caractère insensé de la situation alors qu’elle discute avec son beau-frère : « A job and no house. It’s mad, isn’t it? It’s nearly funny. » [Un emploi et pas de toit. C’est débile, n’est-ce pas? C’en est presque drôle.] Bien que Rosie s’intéresse à une famille en particulier, ce qui est décrit en touche bien plus. C’est ainsi que la famille Davis rencontre d’autres familles qui ont, elles aussi, cherché refuge pour la nuit dans un hôtel. Sans tomber dans le discours politique, l’équipe de production insiste plutôt sur le caractère social de la problématique : les hôtels sont bondés – certains vont même jusqu’à être réticents à accepter les familles payant avec une carte de crédit de la « ville » –, les refuges sont pleins à craquer et les seules solutions qui restent sont parfois radicales.
Alors que John Paul passe ses journées à travailler dans un restaurant, Rosie doit jongler avec les obligations du quotidien en plus des recherches constantes pour un endroit où dormir. Entre les repas sur le pouce, le transport des enfants à leur école respective, les appels incessants et les arrêts « toilette », la mère de famille garde le sourire – devant les autres. C’est une figure forte, une femme fière qui se dresse devant tous les imprévus. Elle refuse de se laisser abattre par la situation et sait que, pour le bien de ses enfants, elle doit rester la mère aimante qu’ils connaissent. La résilience dont Rosie fait preuve est époustouflante; les seuls moments de faiblesse permis sont montrés à la suite d’un crescendo d’émotions trop intenses pour une seule personne. Elle représente le pilier de la famille Davis, elle porte sur ses épaules le poids d’une réussite – celle de trouver un abri pour ses enfants sans compromettre leur bien-être. Une certaine fierté ne quitte jamais Rosie malgré la difficulté de la situation. Rosie est le récit d’une femme qui n’est pas prête à mettre de côté ses principes et qui préfère prendre sur elle, peu importe les sacrifices que cela demande.
La famille Davis est composée de quatre enfants dont les âges varient entre 4 et 13 ans. Alors que la plus vieille, Kayleigh, comprend parfaitement la situation – elle fuit d’ailleurs cette réalité –, les plus jeunes ne comprennent pas tout à fait ce qui arrive. Ceux-ci comprennent la période de transition, mais n’en voient pas toute l’ampleur et gèrent difficilement la notion de propriété. C’est ainsi que Millie s’engouffre dans le silence, prétextant la maladie, et qu’Alfie se raccroche aux objets d’autrefois. La plus jeune, Madison, semble la moins affectée par les événements, elle qui trouve réconfort auprès de son doudou Peachy. Les parents sont les seules figures de stabilité aux yeux des enfants – même leur chien est hébergé temporairement par le beau-frère de Rosie. Situation insoutenable pour les parents, elle n’est pas plus facile pour les enfants qui ne souhaitent qu’une chose : pouvoir poser de nouveau leurs bagages, et pour plus longtemps qu’une nuit.
La finale de Rosie ne permet pas d’entrevoir l’avenir de la famille Davis. Pourtant, le spectateur ne peut qu’en souhaiter une heureuse. Le sacrifice final laisse ce dernier pantois et le goût amer laissé par les dernières images ne quitte que trop lentement notre esprit.
Note : 9/10
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