Jordan River Anderson, The Messenger – Une lutte pour l’égalité des enfants

« We talk about universal healthcare in Canada. Why is it that it’s universal except for Indigenous kids? »
[On parle de l’assurance maladie universelle au Canada. Pourquoi est-ce universel hormis pour les enfants autochtones?]

Depuis des années, la cinéaste Alanis Obomsawin documente le combat que mènent les Autochtones pour assurer à leurs enfants de bénéficier des mJordan River Anderson - afficheêmes droits que le reste des Canadiens. Son 53e film prend pour appui le cas tristement célèbre de Jordan River Anderson, un enfant atteint d’une grave maladie musculaire, mort en 2005 sans avoir pu sortir de l’hôpital, faute d’une entente entre les gouvernements fédéral et manitobain. Ce cas donnera lieu au « Jordan’s Principle », promettant l’accès équitable aux services publics pour les enfants autochtones. À partir d’archives et de nombreuses entrevues, la cinéaste immortalise la vie de Jordan et la bataille judiciaire qui a permis d’instaurer difficilement une politique relevant pourtant du droit humain le plus fondamental.

Touchant documentaire sur le combat d’une vie – celle de Jordan River Anderson, un Cri de Norway House, au Manitoba –, le film éponyme expose la discrimination de laquelle ont été victimes les enfants autochtones au Canada. Jordan River Anderson. The Messenger porte un message d’espoir, un message d’égalité, comme quoi tous les enfants « naissent libres et égaux en dignité ». 

Jordan River Anderson – La faille dans le système

jordanriverandersonTheMessenger - La failleLe cas du jeune Jordan, né le 22 octobre 1999 et décédé le 2 février 2005 à l’âge de 5 ans, donne à voir un système défaillant; des structures gouvernementales accusant d’importantes lacunes. Dès la naissance, Jordan est hospitalisé à Winnipeg, à plus de 8 heures de son foyer. L’enfant ne quittera jamais l’hôpital, rendant son dernier souffle avec sa mère, Virginia Karen Anderson, à ses côtés.

Dans Jordan River Anderson. The Messenger, la réalisatrice Alanis Obomsawin retrace la trop courte vie de l’enfant et relate les nombreuses luttes pour l’égalité qui ont suivi sa mort. Obomsawin plonge le spectateur dans les méandres des services gouvernementaux alors que plusieurs intervenants expliquent la nature du litige : qui aurait dû prendre en charge les soins médicaux de Jordan? La famille se retrouvant dans une impasse politique, elle se voit dans l’obligation de faire des choix déchirants; une mère doit quitter sa famille pour veiller auprès de son bébé, un père se retrouve à élever seul les autres enfants, des sœurs et des frères ne connaissent pas leur plus jeune frère… La raison du problème? Jordan est un Amérindien, son statut ne lui permet pas d’être reconnu comme étant un « enfant de la province » – si cela avait été le cas, il aurait été déchargé de l’hôpital et retourné à la maison sans question. Les soins nécessaires lui auraient été promulgués chez lui. Mais Jordan est un Cri et il tombe entre deux chaises.   

Le principe de Jordan – un pas vers l’égalité

Le documentaire met en lumière les nombreuses interventions faites par différents acteurs (infirmière, spécialiste, avocat.e, politicien.ne…) afin de rendre justice au jeune enfant. Le problème auquel a fait face Jordan l’a empêché de passer ses derniers instants auprès de ceux qui l’aimaient et cette situation ne doit pas être répétée. Le combat que mène Cindy Blackstock, activiste et défenderesse des voix des Premières Nations, est dès lors déplacé à Ottawa. Le 12 décembre 2007, une motion est adoptée – le principe de Jordan voit le jour. Celui-ci assure aux enfants autochtones le droit et l’accès aux mêmes services gouvernementaux que n’importe quel autre enfant. Toutefois, malgré le vote sur le principe de Jordan, le chemin vers l’égalité reste long. 

Une égalité à deux vitesses – l’hypocrisie bureaucratique

Jordan River Anderson - WhentheChildrenLeftLa narration est prise en charge par la réalisatrice dans Jordan River Anderson. The Messenger. Sa voix, calme, raconte le fil des événements tout en laissant la parole aux familles. C’est ainsi que le spectateur rencontre Carolyn Buffalo, Richard Jackson et leur fils Noah. Autre combat qui ne semble jamais vouloir se terminer… Les nombreux sacrifices faits par les parents cachent aussi une peur pour l’avenir : « Cause soon or later, we will go. » 

Le temps passe et les nombreuses demandes faites au nom du principe de Jordan restent sans réponse. La solitude, la peur, l’inconnu, mais aussi les nombreuses responsabilités qui incombent aux familles rendent les situations insoutenables. Le cas du principe de Jordan est porté à la Commission des droits de la personne : encore des témoignages, encore des appels à l’aide. Malgré des ordres de conformité lancés par le Tribunal, les familles et les enfants autochtones n’ont toujours pas accès à des soins égaux plus de 10 ans après la mort de Jordan.

De nombreux appels à l’aide ignorés

« I believe that these deaths were preventable. » Ce sont les mots d’un médecin travaillant dans la communauté de Wapekeka à propos d’une crise sociale pour laquelle les dirigeants cherchent des solutions depuis plusieurs années. À l’aide gouvernementale demandée par le chef de la communauté, un officiel de répondre en commission : « It was a bad time, an akward time. » Il est tout à fait légitime de se demander quel est le moment adéquat pour demander de l’aide dans ce cas… 

La question de la réconciliation

La question que pose la réalisatrice à travers son documentaire est celle de la réconciliation : Comment peut-on en parler alors que tant de situations d’injustice ont encore lieu? Comment parler de réconciliation lorsque la discrimination est encore quotidienne? Alors que nous tournons à peine la page des pensionnats autochtones, Jordan River Anderson. The Messenger est un plaidoyer pour une dignité pour tous, une justice pour tous – mais, surtout, un amour meilleur des enfants : « How do we love our children? » 

Note : 8/10

Jordan River Anderson. The Messenger est présenté aux RIDM les 16 et 18 novembre 2019.

Voir la bande-annonce :

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