Videophobia – Mon visage, mon image

Videophobia - afficheAprès une relation sexuelle, une jeune femme découvre avoir été filmée et voit la vidéo circuler sur le web. La paranoïa monte, le sentiment d’injustice aussi. Une descente aux enfers qui provoque une terreur soudaine des images vidéo, mais surtout la perte totale de repères sociaux. 

Présenté en première mondiale au FNC, Videophobia, du réalisateur japonais Daisuke Miyazaki, interroge le rapport identitaire à l’image à l’ère de leur multiplication. Que disent de nous chacun des clichés de notre corps qui circule sur le Web?

Le visage, l’identité

miyazaki - Videophobia
Le réalisateur

Lors de la multiplication des portraits peints à la Renaissance, l’image du visage a rapidement supplanté les attributs qui accompagnaient jusqu’alors le portrait pour devenir une véritable synecdoque du portraituré. Le portrait est devenu un outil de mise en scène de soi; un moyen de présenter l’identité que l’on souhaitait se voir attribuer. 

Extrayez la dernière phrase de son contexte et vous vous apercevrez qu’elle pourrait tout aussi bien décrire notre rapport actuel au portrait. Tout ce qui a changé c’est le médium. La photographie et la vidéo ont néanmoins permis une telle prolifération du portrait – et même de l’égoportrait (selfie) – qu’il convient de se demander quel est désormais notre rapport vis-à-vis de toutes ces images. 

Le masque

Videophobia 1Dans Videophobia, les images d’Ai (Tomono Hirota), la jeune protagoniste, pullulent probablement: son métier d’actrice fait d’elle une habituée des caméras. Mais, lorsqu’on est acteur, on ne se présente pas en tant que soi-même; on se présente en tant que quelqu’un d’autre. Le visage qu’on présente est une mascarade. L’illustration par excellence de ce paradigme est celle de la mascotte : le lapin qu’Ai incarne (probablement pour arrondir ses fins de mois), couverture sous laquelle elle se dissimule si bien… 

Aussi, lorsqu’elle s’aperçoit qu’une vidéo d’elle en train de baiser circule, elle ne semble pas particulièrement ébranlée. C’est lorsqu’elle voit que d’autres prises de vue permettent de montrer son visage au grand jour qu’elle disjoncte. Évidemment, c’est à ce moment qu’on peut l’identifier… Mais l’évènement semble même attaquer son identité propre. On assiste à son évolution psychologique, son malaise, son mal-être… Rien à faire; le visage doit être transformé.

L’image filmée et l’image du film

Videophobia 2Le malaise relié à l’image filmée apparaît visuellement dans le long métrage. Le cinéaste a réussi à montrer la caméra à travers sa propre caméra, à doubler l’écran en quelques sorte, par le biais de plusieurs stratégies. Les plans fixes sur les personnages frontaux dans la première partie du film suggèrent qu’ils sont filmés dans le film, mais l’image la plus évocatrice de cette caméra cachée qui nous observe et nous capte est celle de la grande baie vitrée de l’appartement du charlatan; image de la caméra, de l’écran.

Le choix de l’image en noir et blanc cimente finalement ce malaise face à l’image et son rejet en niant une de ses qualités fondamentales : la couleur. Son absence vient de plus renforcer le ton dramatique qu’adopte Miyazaki. On ressent la lourdeur de l’atmosphère au fil des différents évènements. L’action est minimale, mais le film est captivant.

Note: 8,5/10

Videophobia est présenté au FNC les 11 et 12 octobre 2019.

Visionnez la bande-annonce :

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