
Collaboration avec une correspondante internationale – Los Angeles
Le retour de l’American Film Market (AFM) à Los Angeles cette année a donné un nouvel élan, générant une énergie collective renouvelée parmi les résidents de Los Angeles et les habitués internationaux de l’AFM.
Si de nombreux vétérans ont discrètement admis que le cadre en bord de mer de Santa Monica leur manquait, le Fairmont Century Plaza s’est révélé être une alternative élégante et stratégique. Son lobby ouvert et accessible, accueillant même ceux qui ne possèdent pas de badge, est devenu un lieu naturel de rencontres, de réunions informelles et de rencontres fortuites autour du piano-bar. Cette perméabilité était importante. Elle a rétabli un sentiment de circulation communautaire, permettant à la communauté cinématographique, en particulier aux professionnels basés à Los Angeles, de se réunir à nouveau de manière organique. Après deux années de fragmentation, le simple fait de se retrouver ensemble dans le même espace physique a été perçu par beaucoup comme un rééquilibrage nécessaire.

L’American Film Market a toujours fonctionné comme un baromètre pour l’industrie cinématographique indépendante américaine de milieu de gamme. À l’heure actuelle, Hollywood est en pleine recherche d’identité et réinvente peut-être ses modèles de rentabilité à l’aide de l’IA et des micro-séries dramatiques (verticales). Selon le marché, seuls cinq titres avaient de la valeur d’achat, les autres n’en ayant aucune, ce qui nous amène à nous demander quels modèles de ventes durables verront le jour à l’avenir.
Cette année, l’ambiance est conflictuelle, franche et clarificatrice, en particulier en ce qui concerne la collaboration canadienne avec le marché américain, c’est-à-dire le “co-venture” avec les États-Unis. Les conversations sur le terrain révèlent une industrie qui comprend ses limites avec une honnêteté inhabituelle, même si elle continue à considérer l’AFM comme une force de rassemblement essentielle.
Les producteurs canadiens arrivent à l’AFM en sachant clairement ce que ce marché peut et ne peut pas offrir. Comme le dit Byron A. Martin, producteur basé à Toronto : « En tant que pays, le Canada ne peut pas coproduire avec les États-Unis. Nous n’avons pas de traité avec eux. Nous fournissons des services de production et pouvons collaborer sur des films. Il ne s’agit donc pas d’un marché pour les coproductions, mais plutôt d’un marché pour trouver des clients et des services de production. »
De plus, l’AFM sert de lien entre les grands marchés du calendrier. « C’est vraiment l’occasion de rencontrer des gens et de donner suite à des contacts pris avant Berlin ou au TIFF… et simplement de rencontrer des gens pour discuter de projets potentiels auxquels vous pouvez participer et contribuer en tant que producteur. »
Cette distinction entre collaboration et coproduction reste la principale idée fausse. L’avocat spécialisé dans le divertissement Joe Sisto est catégorique : « Je pense qu’il existe une idée fausse selon laquelle il est possible de réaliser des coproductions entre le Canada et les États-Unis et que cela constitue une source de financement. Ce n’est pas le cas. » Pour les producteurs canadiens, les États-Unis ne sont pas un partenaire financier, mais un acheteur. « Vous allez considérer les États-Unis comme une juridiction à laquelle vous vendez un projet… sous la forme d’une garantie minimale ou simplement de revenus de licence. » Les réalités réglementaires rendent cela inévitable. « Dès que vous avez du contenu canadien, cela ne fonctionne pas », explique M. Sisto, en soulignant les règles du BCPAC qui limitent la propriété américaine, la prise de décision et même les crédits au générique des producteurs étrangers.
Et pourtant, les Canadiens continuent d’affluer au marché. Pourquoi? Parce que la véritable valeur de l’AFM est moins transactionnelle que gravitationnelle. Catherine Beamish, journaliste basée à Toronto et habituée de longue date de l’AFM, décrit l’ambiance actuelle en un mot : « électrique ». Les sessions, en particulier celles consacrées aux technologies émergentes, changent les perceptions. « Je détestais l’IA… jusqu’à ce que je vienne ici, que j’assiste aux sessions et que j’apprenne la différence entre l’IA opérationnelle et l’IA générationnelle, ainsi que les opportunités que l’IA offre aux gens. »
Selon beaucoup, la force de l’AFM réside dans son ouverture. L’acteur, scénariste et réalisateur Paul Matte décrit une transparence qu’il trouve rafraîchissante : « Vous rencontrez quelqu’un et en cinq minutes, vous savez ce qu’il a, ce qu’il cherche à obtenir. » Pour les jeunes Canadiens, l’AFM est une première salle de classe. « Tôt ou tard, vous devrez vous lancer sur le marché… Pourquoi attendre plus longtemps? », dit Matte. D’autant plus que c’est si près du Canada.

Avec l’inauguration du premier marché du TIFF en septembre 2026, l’avenir de l’AFM fait l’objet d’un débat ouvert parmi les Canadiens. Sisto le qualifie de « marché en déclin », invoquant les coûts, la perception et l’absence d’un écosystème festif. Martin se montre pragmatique: « Il s’agit d’un marché unique et ponctuel. Il n’y a pas de festival ici… au quatrième trimestre, personne n’a d’argent. » Avec le système hollywoodien en pleine mutation et Toronto définissant son positionnement avec un nouveau marché au sein de l’écosystème, la pression monte.
Pourtant, même les détracteurs continuent de se présenter. Comme l’admet Sisto, « une grande partie du monde du cinéma indépendant se rassemble actuellement à Century City ». L’AFM n’est peut-être plus le lieu où les films sont financés, mais il reste le lieu où l’industrie prend son pouls. Dans un marché mondial fragmenté, cette pertinence compte toujours.
Alors que l’industrie se tourne vers Berlin, Cannes et la prochaine évolution des ambitions commerciales du TIFF, le rôle de l’AFM pourrait changer, mais sa pertinence demeure en tant que forum vivant où les relations continuent de se développer et où l’avenir du cinéma indépendant américain se redessine, conversation après conversation.
Et pour beaucoup, l’AFM reste une réunion annuelle entre les Canadiens et leurs ami(e)s, collaborateurs/trices et acheteur(e)s américains.
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