
« Pourquoi tu m’as abandonnée? »

Jessica (Babette Verbeek), Perla (Lucie Laruelle), Julie (Elsa Houben), Ariane (Janaina Halloy Fokan) et Naïma (Samia Hilmi) sont hébergées dans une maison maternelle qui les aide dans leur vie de jeune mère. Cinq adolescentes qui ont l’espoir de parvenir à une vie meilleure pour elles-mêmes et pour leur enfant.
Avec Jeunes mères, les frères Dardenne offrent un film qui, tout en étant un portrait de groupe, est d’abord cinq portraits de jeunes mères vivant chacune son histoire faite de situations sociales et de relations affectives personnelles.
Jeunes mères n’est pas seulement le portrait d’adolescentes, mais aussi un portrait de société. Parce que ce qui relie ces filles, au-delà de la maternité précoce, c’est à quel point cela est lié à la détermination sociale de la pauvreté et à certaines carences affectives tendant à la répétition des mêmes comportements de génération en génération. Et c’est ce dont elles tentent de se libérer, et c’est précisément dans cette tentative qu’elles apparaissent singulières, vivantes, uniques.

C’est un rappel qu’il est faux de dire qu’on naît tous égaux. Bien que je ne veuille pas généraliser, en Belgique comme ailleurs, les filles qui se retrouvent enceinte à 13, 14 ou 15 ans ont souvent en commun de venir d’un milieu pauvre et peu éduqué. 4 des jeunes qu’on suit viennent directement de ce genre de milieux. Quant à la cinquième, elle vient d’une famille religieuse, ce qui explique un certain manque d’éducation sexuelle.
Mais le film ne tombe pas dans le misérabilisme ou dans les excuses. Il montre surtout des filles qui tentent de s’en sortir tout en assumant (plus ou moins) leurs responsabilités. Mais quand tes propres parents n’ont jamais assumé les leurs, comment peux-tu y arriver?
Pour se lancer dans ce projet, les frères Dardenne ont été visiter une maison de mères. À plusieurs reprises.

Ils y ont découvert un milieu de vie commune. Mais pas seulement, car s’il y a bien des moments de vie commune, il y a aussi et surtout des vies solitaires de jeunes femmes aux prises avec leurs angoisses et espoirs, parfois illusions, à propos de leur nouvelle condition de mère, le plus souvent mère célibataire, à propos de la famille d’où elles viennent, où elles retourneront ou ne retourneront pas. On y trouve souvent aussi un père absent ou inexistant, ou encore de grands questionnements à propos de leur avenir avec l’enfant ou sans l’enfant confié à une famille d’accueil, à propos aussi de leur avenir scolaire et professionnel, leur capacité de vie autonome.
Dans un souci de bien faire ressentir le lieu, plutôt que de construire un décor, les réalisateurs ont choisi de tourner dans cette maison qu’ils avaient visitée et de n’y ajouter aucun élément de décor et d’éclairage. Le résultat est une authenticité pure et touchante. Et un coup de poing en pleine gueule lorsqu’on voit à quel point ces filles sont complètement perdues dans une vie qu’elles ne comprennent pas vraiment. Imaginez avoir un bébé à 14 ans alors que vous n’avez jamais eu d’exemple de ce qu’est une mère…
Luc Dardenne et Jean-Pierre Dardenne reviennent avec une œuvre forte. Il est impressionnant de voir à quel point ils savent traiter d’un sujet qui est aussi loin qu’on puisse l’imaginer pour des hommes de 70 ans.

Ils ont su trouver les bonnes actrices pour interpréter ces rôles difficiles. Et je dois dire que pour la plupart, elles s’en tirent franchement bien. En tant que spectateur, on se retrouve à assister à des situations difficiles qui amènent un mélange de tristesse, de découragement, mais un soupçon de lumière et d’espoir.
Le film pose aussi une question complexe : est-ce que de donner son enfant en adoption est un abandon, ou un cadeau qu’on lui fait?
Jeunes mères est présenté au festival Cinefranco le 16 novembre 2025.
Bande-annonce
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