
« Il t’a forcé? Tant mieux. »

Emma (Lila Gueneau), 15 ans, enceinte suite à un viol, défie sa communauté protestante rurale répressive pour tracer un chemin d’autodétermination, transformant son traumatisme en catalyseur d’émancipation tout en affrontant l’hypocrisie morale du village et le spectre de la Seconde Guerre mondiale qui l’entoure.
Avec À bras le corps, Marie-Elsa Sgualdo propose un film est un récit d’émancipation d’époque, et de passage à l’âge adulte, qui aborde des questions universelles et contemporaines.
On sait tous un peu ce qu’était être une femme dans les années 1940. Mais vous êtes-vous déjà demandé comment s’était que de l’être en 1943, en Suisse? Non seulement il y avait les mêmes règles sociales qui confinaient les femmes dans un rôle de quasi-objet, mais il y avait la Deuxième Guerre mondiale et les nazis qui circulaient à la frontière. Sans oublier ces gens qui tentaient de se cacher en Suisse pour ne pas être attrapés par le 3e Reich.

À bras le corps montre bien cette période et réussit à faire ressentir l’Atmosphère lourde et la vie dure qui attendait les jeunes femmes. Et bien sûr, lorsqu’on vivait dans un milieu très conservateur comme c’est le cas pour Emma, on devait y ajouter un poids additionnel dû à tout ce qui devait demeurer secret. Par exemple, lorsqu’Emma se fait violer et tombe enceinte, on la supporte en lui demandant « Il t’a forcé? Tant mieux. » Ça a le mérite d’être clair.
Emma vit une vie marquée par les obligations. Prisonnière des valeurs sociales et religieuses des années 1940, son avenir semble tout tracé. Lorsqu’un jeune homme de passage abuse de sa naïveté et la viole, Emma, âgée de seulement 15 ans, tombe enceinte. Dans son milieu rural protestant, cet événement est une véritable catastrophe. Mais cet événement se révèle être une révélation pour Emma, qui commence à rejeter la soumission et à prendre des décisions pour elle-même et son enfant à naître. Malgré les circonstances, elle choisit la voie difficile de l’émancipation.

On comprend, bien évidemment, qu’Emma ne représente pas la majorité des femmes de l’époque. Mais plutôt un symbole de ce qui allait éventuellement se produire. Tout mouvement doit commencer par une prise de conscience, et c’est ce que montre ce film. La jeune femme comprend que les frontières symboliques, sociales ou géographiques ne peuvent l’empêcher de prendre position. Seule face au monde et aux croyances qui l’ont façonnée, elle puise dans sa force intérieure, son besoin de résister et de reprendre le contrôle de sa vie, et son désir de ne pas se conformer.
Évidemment, par moment on reste avec l’impression que c’est un peu trop gros tout ça. Cette fille ultra naïve et très timide devient soudainement une battante. Peut-être que le film gagnerait à faire de moins grands sauts dans le temps par moment. Peut-être l’ajout de quelques scènes entre le moment où elle réalise qu’elle est dans le trouble et le moment où elle est soudainement sur le point de se marier auraient rendu le tout plus facile à accepter pour le spectateur. Ça aurait pu enlever cet effet de facilité. La même chose se produit plus tard dans le film et, à nouveau, ça donne une fausse impression de facilité. Le film ne durant que 96 minutes, l’ajout de 3 ou 4 scènes aurait permis de conserver le ton du film.
Malgré tout, la réalisatrice, de par sa mise en scène, exprime la profondeur du caractère d’Emma, les bouleversements de son paysage émotionnel, sa quête de vérité et son adaptation pragmatique à la réalité de son environnement. Le spectateur saisit bien le décalage entre les réactions intuitives et vitales d’Emma et les normes sociales et morales qui l’oppriment.

Le résultat est un film imparfait, mais qui offre une perspective différente sur une époque qu’on a beaucoup trop montrée au cinéma, mais toujours du même point de vue.
À bras le corps est présenté au festival Cinefranco le 15 novembre 2025.
Bande-annonce
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