« Tout ce dont on a besoin pour faire un film, c’est d’une fille… et un flingue. »
Le cinéma permet de mettre en image les histoires les plus extraordinaires, qu’elles soient fantaisistes ou réelles. Et il n’y a souvent pas de meilleures histoires que celles du cinéma. En effet, traiter de son propre médium à travers un film permet à un réalisateur d’expérimenter plusieurs choses, comme créer un message méta sur le cinéma ou bien tout simplement de raconter un morceau d’histoire.
Parmi les films du genre, il y a ceux qui parlent d’Hollywood (The Player de robert Altman, Tropic Thunder de Ben Stiller), ceux qui parlent de la puissance émotionnelle du cinéma (Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore, Me and Earl and the Dying Girl d’Alfonso Gomez-Rejon), les biopics et films relatant une période de Hollywood (Aviator de Martin Scorsese, Babylon de Damien Chazelle) ou encore les films relatant des tournages. Dans cette catégorie, on retrouve La nuit américaine de François Truffaut et Le Mépris de Jean-Luc Godard, deux films réalisés par des grandes figures de la Nouvelle Vague. C’est ce mouvement qui a inspiré le réalisateur américain Richard Linklater pour son propre film relatant un tournage avec le bien nommé Nouvelle Vague.
À Paris, en 1959, le cinéma français est en pleine Nouvelle Vague, un mouvement instigué par un groupe de jeunes critiques du magazine Les Cahiers du cinéma qui ont voulu réaliser leur premier long-métrage. Alors que certains membres du groupe – François Truffaut et Claude Chabrol – ont déjà signé leur premier film, une des têtes pensantes des Cahiers, Jean-Luc Godard, se lance dans l’aventure et commence à tourner en plein Paris, avec une jeune équipe et Jean Seberg, une vedette américaine, dans un esprit de liberté totale pour ce qui deviendra À bout de souffle.
Richard Linklater a apporté un style particulier à son biopic. Il a réalisé son film comme s’il s’agissait d’un film de l’époque, que ce soit avec l’image en noir et blanc, les défauts de pellicule bien présents et même les dialogues très lyriques qui rappellent ceux du film de Godard. Il reprend une démarche similaire à ce que Michel Hazanavicius a mis en place avec Le redoutable en 2017, amenant un style unique à ce qui aurait pu être un simple biopic.
La reconstruction historique est également très bien réussie. Non seulement on se croirait dans le Paris des années 60, mais la distribution est aussi très bien choisie. Les acteurs choisis ressemblent parfaitement à leurs homologues historiques, en particulier ceux qui jouent Godard, Seberg et Truffaut. Les interprétations sont aussi très convaincantes, ce qui est d’autant plus impressionnant quand la grande majorité sont des débutants (là aussi en rapport avec les films de la Nouvelle Vague) et que le français n’est pas la langue principale de Richard Linklater.
Cependant, Nouvelle Vague a du mal à entièrement délivrer ses propos. Les hommages visuels faits aux films de Godard et Truffaut sont assez minimaux et le langage cinématographique contemporain transparaît un peu trop. Mais le véritable problème est que le film est trop coincé dans son aspect hommage, ne racontant finalement pas grand-chose sur la Nouvelle Vague et se contentant de raconter les péripéties du tournage. Certes, on peut juger des méthodes de réalisation de Godard, mais elles finissent par être pardonnées par le fait que le film est un succès.
Il aurait été intéressant de ne pas seulement se concentrer sur À bout de souffle, mais sur l’ensemble de la Nouvelle Vague. On aurait pu avoir les points de vue des autres cinéastes, chacun ayant leur propre philosophie et méthode de travail, ainsi que la confrontation que ces jeunes cinéastes ont eue avec la vieille génération plus traditionnelle. Une véritable exploration sur le sens et l’avenir du cinéma au lieu d’une simple reconstitution d’anecdotes de tournage.
Richard Linklater a fait un pari risqué avec Nouvelle Vague, réalisant non seulement un film en français, mais tentant de rendre hommage à une célèbre période qui a influencé tout le cinéma actuel. Néanmoins, le film a un potentiel qu’il n’arrive malheureusement pas à déployer, ce qui mitige son impact.
Nouvelle vague est présenté au FNC les 12 et 17 octobre 2025.
Bande-annonce
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