Dracula 2025 - Une

[FNC] Dracula – De la pure folie

« Lèche ma chatte, Dracula! »

Dracula Jude - Affiche

Un acteur incarnant Dracula dans un restaurant de Transylvanie s’enfuit de la représentation, poursuivi par les clients et les propriétaires désireux de tuer le « vampire ». Parallèlement, un jeune cinéaste met sa créativité à l’épreuve des possibilités illimitées d’une fausse IA, créant un mélange surprenant d’histoires diverses, d’hier et d’aujourd’hui, sur le mythe originel de Dracula.

Avec Dracula, Radu Jude revient avec une nouvelle épopée révolutionnaire, une adaptation du premier roman de vampires roumain, une romance contrariée, des champs de phallus, beaucoup de sang, et bien plus encore. Il va à l’extrême de son parcours…

Né de la frustration

Parfois, un projet de film naît d’une idée qu’on trouve vraiment géniale, ou nouvelle. Parfois, ça naît d’une frustration contre le système. C’est cette deuxième méthode qui a poussé Radu Jude à se lancer dans ce film complètement fou. 

« J’étais au Festival de Rotterdam pour présenter Bad Luck Banging or Loony Porn, et bien que de nombreux producteurs et distributeurs soient venus me rencontrer, la plupart n’étaient pas réellement intéressés par le film. Un peu frustré, j’ai dit en plaisantant : « J’ai un projet sur Dracula. » Et à ma grande surprise, les gens se sont alors montrés très enthousiastes. Bien sûr, je n’avais rien, aucune idée, aucun scénario, pas l’ombre d’un concept. Mais chaque fois que je répétais cette blague, les gens réagissaient positivement. »

Hé oui, les distributeurs et les producteurs sont plus intéressés à reproduire encore et encore la même chose plutôt que de s’intéresser à de la nouveauté. Mais de croire que Radu Jude ferait une simple copie d’un mythe déjà trop utilisé était de bien mal connaître le réalisateur originaire de Transylvanie. 

Dracula 2025 - Né de la frustration

Déjà, il fallait accepter qu’un film avec un budget réduit ne pourrait rivaliser avec le cinéma d’Hollywood au niveau du spectaculaire. Ainsi, Jude s’est lancé dans une œuvre au goût un peu plus (voire beaucoup plus) local. Le Vlad l’Empaleur historique, Vlad Dracul, fait souvent l’objet d’une appropriation par les nationalistes roumains. Pendant la production du film, un parti d’extrême droite a même utilisé Vlad l’Empaleur comme symbole dans sa campagne électorale. C’est ainsi que le Dracula de Jude s’est transformé en un capitaliste raciste. Mais surtout, son œuvre montre qu’au final, notre monde est rempli de « vampires ». Des gens qui sucent l’argent, le pouvoir, la dignité des autres. Au sens figuré, Dracula devient un miroir de nos sociétés capitalistes. 

Et que veulent les producteurs avant d’injecter de l’argent dans un projet? Pas vraiment de la politique, non. 

« On entend toujours dire que les films doivent contenir du sexe, de l’action, de l’humour, du genre, de l’horreur – ils doivent être accessibles, divertissants, pertinents et intelligents à la fois. Alors je me suis dit : d’accord, je vais essayer de vous donner tout cela, et même plus. Voyons ce qui se passe quand on pousse cette idée à l’extrême. »

Et à l’extrême il a poussé…

Complètement disjoncté

Ce que j’aime particulièrement de Radu Jude, c’est sa manière de pousser au bord de la limite le langage du cinéma. Aussi, sa capacité à faire beaucoup avec peu. 

De façon générale, lorsqu’on parle de « l’histoire » d’un film, on fait référence à un récit bien construit, à un drame à part entière. Pas nécessairement de le raconter de manière chronologique, mais au final on part d’un point A pour finir à un point Z. Ce que le réalisateur fait ici est un peu différent : il s’agit moins de dramaturgie que de fragments d’histoires, courts ou longs, qui s’assemblent différemment. Le tout est réuni par l’histoire d’un cinéaste qui cherche à créer une œuvre mais par manque d’inspiration demande l’aide d’une IA. C’est ainsi qu’on se retrouve avec les différentes versions du mythe de Dracula qui composent la totalité du film. 

Dracula 2025 - Complètement disjoncté

Chaque vignette est complètement différente des autres, mélangeant des images tournées à l’iPhone, des animations en papier découpé, des séquences générées par IA et des styles plus traditionnels. Pourquoi? 

« Il y a deux raisons principales. La première est la curiosité. Je voulais explorer tous les outils disponibles aujourd’hui. La deuxième raison est d’ordre pratique. Nous avons rencontré d’importants problèmes de production : perte de financement, changement de producteur, grande instabilité… Nous avons dû inventer des solutions sur le moment. Et je pense que ces contraintes ont rendu le film plus intéressant. Elles m’ont obligé à faire preuve de créativité. »

Et je suis totalement d’accord avec lui. Le résultat est un film franchement original, complètement fou et étonnant. Non seulement cette structure permet d’offrir à chaque spectateur un moment qui va plus lui plaire, mais d’un point de vu visuel, on se retrouve avec quelque chose de dérangeant, qui force le spectateur à ouvrir son esprit et à accepter le mélange de stupide et d’intellectuel, de politique et de décadent. 

Il réussit à raconter quelque chose, à montrer quelque chose, à fabriquer du plaisir à travers les images. Il parvient à mélanger le plaisir de se faire raconter une histoire politique au plaisir de se faire raconter des histoires stupides. Et le mélange est parfaitement réussi.

Un peu plus…

Mais il y a plus. Jude embrasse ici le côté théâtral que le cinéma n’ose pas utiliser. Alors qu’au théâtre un acteur peut jouer plusieurs personnages sans que ça ne gêne, au cinéma on ne le fait pas. Ou que très rarement. Ici, ce sont les mêmes acteurs qui interprètent les différents personnages de chaque histoire. Parfois même au sein d’une seule saynète. 

Il y a aussi l’influence de la littérature, en particulier la littérature antérieure au 19e siècle alors que des œuvres où les histoires se ramifient et se replient sur elles-mêmes. Vous avez le récit principal, mais aussi des détours et de nombreuses digressions.

Dracula 2025 - Un peu plus

Puis, il y a l’IA. L’IA est une sorte de tabou au cinéma. Tout le monde aimerait l’utiliser, mais ce n’est pas éthique, donc personne ne le fait. Jude, lui, a choisi de l’utiliser. 

« Nous avons utilisé l’IA pour les scènes que nous n’avions pas les moyens de tourner. J’ai toujours choisi les images les plus mauvaises, les plus manifestement fausses, celles qui comportaient des erreurs. Je trouve ces défauts poétiques. Bien sûr, il y a actuellement des débats éthiques sur l’IA, en particulier aux États-Unis, et je comprends ces préoccupations. Mais les outils existent, ils sont légaux, et j’avais besoin de faire ce film. Et d’un point de vue thématique, cela me semblait juste. L’IA est aussi une sorte de Dracula : elle se nourrit des autres sans demander la permission. Elle est parasitaire par nature. À cet égard, cela avait tout son sens. »

Je crois qu’il a raison. Et il n’y a pas de meilleure preuve que le résultat final de son œuvre. Ne manquez pas l’occasion de voir ce film.  

Dracula est présenté au FNC les 13 et 17 octobre 2025.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Dracula
Durée
170 minutes
Année
2025
Pays
Roumanie / Autriche / Luxembourg / Brésil
Réalisateur
Radu Jude
Scénario
Radu Jude
Note
8.5 /10

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Fiche technique

Titre original
Dracula
Durée
170 minutes
Année
2025
Pays
Roumanie / Autriche / Luxembourg / Brésil
Réalisateur
Radu Jude
Scénario
Radu Jude
Note
8.5 /10

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